— Daímôn ! appela une voix féminine au loin.
Immédiatement, le fils de Chaos et Pûr tournèrent la tête en direction de la voix, suivis d'un Phúlax qui se réveillait en ouvrant une grande gueule dans un féroce bâillement rauque.
Tous trois virent Pandore, une légère tunique bleue sur le dos, marcher vers eux. Des anneaux dorés encerclaient ses biceps et perçaient ses oreilles rougies par la chaleur de la montagne. D'autres bracelets ornaient ses poignets, des bagues décoraient ses doigts. Elle avait laissé ses cheveux à l'air libre, lesquels tombaient jusqu'au milieu du dos. Daímôn l'avait toujours considérée comme une jolie demoiselle, qui plus est bénéficiant de la beauté de la jeunesse – même si Pandore était la première femme de la dernière génération d'hommes. Grâce à Hébé (Ξ), la déesse de la Jeunesse, elle conserverait à jamais ce corps de kórê (Ω) animé d'un esprit qui, lui, souffrait de plusieurs millénaires et de la triste et célèbre histoire de la jarre. En d'autres circonstances, Daímôn aurait peut-être aimé la connaître plus intimement...
— Athéna te demande dans la salle commune, dit-elle.
— La « salle commune » ?
— C'est juste un espace que papa et moi avons installé cette nuit. Nous avons fait en sorte de nous retrouver dans une zone loin des automates, des bassins de lave, de l'encombrement, et surtout à l'abri de la fournaise.
C'est vrai qu'il fait très chaud au sein de la montagne, songea Daímôn. Lui-même, pourtant maître du Premier Feu et de ses chaleurs, était incommodé par la température qui régnait dans l'atelier alpin d'Héphaïstos.
— Tout le monde t'attend.
Daímôn acquiesça, se leva et demanda télépathiquement aux serpents s'ils venaient. Ceux-ci répondirent négativement d'une même voix fatiguée et se lovèrent dans l'herbe humide. Le fils de Chaos suivit Pandore et pénétra avec elle dans la montagne la plus proche grâce au système de pierre roulante camouflée dans le roc que le dieu de la Forge avait mis au point quelques siècles jadis. Daímôn fut immédiatement frappé par la chaleur accablante et l'air saturé qui régnait dans l'atelier, en comparaison de la température et de la fraîcheur idylliques à l'extérieur. Pandore soufflait déjà, le visage tout rubicond, et se dirigeait aussi vite qu'elle pouvait dans la salle commune. Outre le fait de se trouver dans la montagne sujette aux énergies calorifiques orchestrées par Héphaïstos, la pression provenait également de Daímôn et Pûr, lesquels, sans même le vouloir, stimulaient la lave dégoulinant dans les murs et les bassins, que les automates et autres machines s'activaient à travailler pour forger tout un tas de matériaux. Les deux Primordiaux ne parvenaient à empêcher le feu de répondre à leur attraction, et seul Héphaïstos excellait encore à éviter une nouvelle catastrophe similaire à celle qui avait éclaté dans le volcan auvergnat, la première base du dieu où Daímôn avait élu refuge, en s'échinant à calmer toute la pression et la poussée d'Archimède.
Pandore et lui passèrent l'embrasure d'une énorme porte en fer forgé et entrèrent dans la salle commune avant que celle-ci ne se fermât, coupant toute chaleur. La pièce était aussi grande que l'espace dédié à la forge avec les énormes machines d'Héphaïstos – et surtout aérée.
— Vous avez tout ranger en une nuit ? s'interrogea Daímôn surpris.
— Oh, c'est trois fois rien, répondit jovialement Pandore. Papa a tout déplacé lui-même, a appliqué une sorte de couche sur les murs pour que la chaleur ne passe pas. Je me suis juste chargée de l'architecture de la salle et de programmer les automates pour qu'ils ne viennent pas ici. Au moins, nous ne serons pas dérangés.
Pandore avait aussi expressément demandé à son père de placer une large table en fer forgé en plein centre de la pièce, dont la surface représentait un planisphère géant. Sur le côté, des établis croulaient sous les armes de bronze, d'or, d'argent, voisins de mannequins recouverts d'une multitude d'armures en fer blanc légères et lourdes. Daímôn était désormais à même de reconnaître au premier coup d'œil le travail d'orfèvre de l'Olympien Héphaïstos. Nul ne parvenait à forger de telle merveilles. Ses armes, à l'instar de ses armures, étaient toutes aussi parfaites les unes que les autres. En fait, la seule autre arme que Daímôn considérait égale – voire supérieure – à celles d'Héphaïstos était sa propre épée, Díkê, laquelle voulait que ce fût Kháos lui-même qui l'eût forgée bien des millénaires naguère. Héphaïstos était le premier à avouer que cette arme était un chef d'œuvre inégalable, tant en beauté qu'en puissance.
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Kháos, tome 2 : Le Seigneur des Mers
Fantasy« Jouir de l'immortalité est un don comme une malédiction. Mais pour un Primordial, progéniture de Kháos, c'est avant tout le devoir inéluctable qui prédomine. » Désormais fort de son identité, de son épée et de deux des Dragons Primordiaux, Daímôn...