Le Bal des Fantômes

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Une salle, immaculée, gigantesque, sans aucune couleur. 

Vide dans un premier temps, et au second, sur les premières notes de piano, entre en scène les invisibles personnages. 

Transparents, vêtus d'habits chics, tous au bras de quelqu'un, sauf un. 

Et une autre. 

Un fantôme, bien différent des autres, première couleur du lieux, l'exacte opposé de l'atmosphère régnant. Sombre, presque noir, mais plutôt gris, un trou béant au côté gauche du buste. 

Un homme, qui s'avance, vers l'autre personne seule, une jeune femme. Éclatante de couleur. Pourvues de toutes les nuances, et... Tangible. 

Perdue sur les bords de la salle, elle longe les murs à la recherche d'une porte, mais senti son bras être attrapé par quelqu'un. 

Seule autre personne tangible, le fantôme noir lui sourit tendrement, et la tira vers lui. 

Déboussolée, elle se laissa faire, affichant une mine désemparée, alors qu'il lui plaça les mains à la manière d'une valse. 

Se croyant dans un rêve, elle voulu plonger les doigts dans la crevasse de son cavalier, pour n'y trouver que du vide. 

Il lui sourit bêtement, sans qu'elle ne comprenne. 

Ils n'avaient pas besoin d'échanger un seul mot, toutes les métaphores étaient clair.

Elle vivait une relation difficile, et s'était retrouvée seule dans le monde physique, alors la voilà embarquée dans les valses de la solitude, à la recherche de celui qui l'y accompagnera.

Son cavalier est comme elle, un jeune garçon qui a donné son cœur, sans jamais qu'on ne lui rende, meurtri à tout jamais. 

Elle se disait simplement qu'ils valseraient ensemble et qu'elle trouverait enfin le bonheur dans ses yeux sombre, souriant alors à son tour, et se laissant entraîner dans la danse. 

Mais lui sait bien plus. Il sait que tout les autres ne sont que des figurants.

A chacun de leur pas, la musique s'emballe un peu plus, pour les accompagner eux et seulement eux. 

Il sait, que le seul moyen de récupérer un cœur, est d'arracher celui de quelqu'un. 

Il souriait, et lui apporta un regard affectueux, des caresses tendres, et des baisers sur le visage.

Pour récupérer ce cœur, il faut briser la coquille qu'il y a autour. 

Elle se laissa faire, ne doutant de rien, elle découvrait la chaleur et l'amour, et ils dansèrent des heures, qui étaient en réalité des mois et des jours.

Puis soudain, il la lâcha, et parti voler la partenaire de quelqu'un d'autre.

La demoiselle ne comprit pas, laissée à l'abandon sur le sol de la salle, sous les notes de piano plus sévères, elle le chercha du regard. 

Une première fissure.

Elle se releva, et le cherche longtemps, avant de le trouver à danser avec une autre partenaire.

Une seconde fissure.

Elle vint vers lui, voulant le récupérer, avec hâte, et amour, naïvement pour danser de nouveau avec lui dans la joie. 

Il la repoussa.

Une troisième fissure.

Tout briser en une fois, pour plonger sa main entre ses côtes, et empoigner l'organe battant vite et fort, faisant couler une nouvelle couleur sur le sol.

Dépourvue de ses sens, déboussolée, elle le regarda avec perplexité, et frayeur. 

Il l'arracha facilement, dans un bruit écœurant. 

Puis plaça ce nouveau cœur dans sa cavité béante. 

Alors il reprit vie, se colorant de nouveau, souriant avec tellement de joie, de satisfaction, de bonheur, les yeux humides. 

Alors que l'autre, devenait transparente, perdant sourire et joie de vivre. 

Ses sourires depuis des heures n'étaient que rictus.

Ses caresses n'étaient que tests.

Ses baisers n'étaient qu'ivresse.

Une porte s'ouvrit.

Il salua la jeune fille en la traversant, elle, bloquée par cette barrière invisible.

Et lui dit :

"A ton tour, maintenant."

Collectio Fabulas ImaginariumOù les histoires vivent. Découvrez maintenant