8-Victoria

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Victoria

Je suis ma professeure –qui s'avère être la fille de la nouvelle copine de mon père également– complètement déboussolée. La coïncidence me semble être beaucoup trop grosse pour être réelle. Quelle était la probabilité qu'un truc dans le genre se produise ?

Après avoir traversé le hall d'entrée, nous nous retrouvons dans un couloir silencieux et obscur, contrastant avec l'ambiance festive de la salle. L'adulte tourne la poignée d'une porte quelconque à sa droite et celle-ci cède, nous offrant l'accès à une pièce, plongée dans le noir.

Je pénètre dans la salle la première et Madame Larson me talonne, refermant après elle. Elle allume la lumière et je dois plisser les yeux pour m'habituer au fort éclairage illuminant soudainement la pièce qui semble faire office d'un bureau.

« Alors ? » je demande tout à coup, en m'asseyant sur le bord du bureau.

Les yeux de l'adulte me parcourent et je me mords la lèvre. Cette femme est d'une beauté déconcertante et je tente tant bien que mal de masquer la gêne que provoquent son regard ainsi que cette situation atypique. Elle se tient près de la porte et j'ai comme une impression de déjà vu soudainement. Je repense à ma discussion avec ma maîtresse en début de semaine. Je revois la scène, elle, assise sur son bureau, et moi, adossée contre la porte. Ce soir, les rôles sont inversés. Ce soir, elle n'est pas vraiment ma professeure. Ce soir, je n'ai pas à lui prouver quoique ce soit. Alors je lui lance, l'air provocateur, reprenant ses mots:

« Vous pouvez vous rapprocher, je ne vais pas vous manger.»

L'adulte écarquille les yeux et se reprend aussitôt. Elle croise les bras et ne bouge pas d'un centimètre. Je souris alors et l'écoute me répondre:

« Je tenais à vous remercier de n'avoir rien dit. La situation m'est aussi inconfortable qu'elle doit l'être pour vous et je vous avoue avoir encore du mal à y croire. Je n'étais même pas au courant que ma mère voyait quelqu'un et vous imaginez bien ma surprise en apprenant que ce quelqu'un est votre père.

__ Oui je l'imagine bien, en effet. Mais comme vous l'avez si bien dit, il n'y a que leur bonheur qui compte alors même si c'est très étrange, je pense qu'on finira par s'y faire.»

Elle hoche la tête et je rajoute alors, en descendant du bureau, profitant toujours de ce retournement de situation:

« Est-ce que je peux vous poser une question ? »

Je me rapproche doucement de l'adulte et celle-ci me regarde faire en jouant avec une mèche de ses magnifiques cheveux châtain-clairs que je vois détachés ce soir pour la première fois.

« Vous voulez savoir pourquoi je ne veux pas que ma mère sache que je suis enseignante?

__ Ça m'intrigue, c'est vrai, mais ce n'est pas ce que je voulais demander.»

Je m'avance de plus en plus et m'arrête à deux ou trois mètres d'elle. Je me rappelle du sentiment étrange qu'avait provoqué ma proximité avec ma professeure lundi dernier et souhaite éviter que ça se reproduise. L'adulte qui me fait face hausse un sourcil, m'invitant à poursuivre ma phrase et je reprends doucement, en baissant la tête, ne me sentant plus aussi confiante:

« Je me demandais, s-si, vous s-savez qui je suis depuis l-le début.

__ Si je sais qui vous êtes ?

__ Une Casanova, je veux dire.

__ Tout le monde sait que vous êtes une Casanova, Victoria. Bien sûr que j'étais au courant.»

Je relève la tête, surprise :

« Donc le jour de la rentrée...

__ Je savais que vous étiez Victoria Casanova, oui. » elle complète.

Un dernier regard...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant