13-Angela & Victoria

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Angela

C'est toute chamboulée qu'Angela parcourt le couloir menant à sa salle de cours. L'adulte ne cesse de penser à sa conversation avec Carol, cette amie de Victoria vêtue de vert pendant la soirée d'inauguration. Cette adolescente qui, en larmes, lui a avoué être amoureuse de sa meilleure amie. Carol dit avoir repoussé cette amie dont elle est secrètement amoureuse parce qu'elle savait qu'elle finirait par la perdre si elle découvrait ses sentiments pour elle. Elle lui a dit avoir voulu lui faire du mal pour ne pas être la seule à ressentir la douleur. Et Angela s'est reconnue dans ces propos. Faire du mal pour avoir moins mal. Faire du mal pour se distancier de tout ce qui peut nous heurter. Pour se détourner d'une attirance des plus envoûtantes et des plus dangereuses...

En pénétrant dans la salle, Angela tente de faire abstraction de cette heure passée, néanmoins tourmentée par une phrase qui ne la quitte pas depuis samedi soir : "Tu as réussi à m'éclairer."

Un simple coup d'œil lancé à la table se situant au fond de la classe suffit pour que le cœur de l'adulte se mette à battre. Le cours commence. Des yeux bleus qui ne la regardent pas une fois. Une main qui ne se lève jamais. Une bouche dont aucun mot ne sort. Mais Angela poursuit son cours comme si de rien n'était, profitant de la moindre occasion pour lever la tête vers la montre accrochée sur le mur, attendant la pause déjeuner avec impatience. 

La cloche se décide enfin à sonner, et Angela se positionne devant son bureau, saluant les élèves d'un signe de tête mais toute son attention portée vers les deux filles qui se lèvent de la table du fond en discutant.

« Madame ? »

Un garçon, dont le nom de famille est Madsen si elle s'en souvient bien, se positionne en face d'Angela, l'empêchant ainsi de voir Victoria.

« Oui?», elle répond, tentant de masquer son agacement.

Tristan rougit et bafouille un peu avant de lui dire :

« J'ai fini mon premier livre hier. Il faisait trois cent pages et je l'ai lu en six jours ! »

En temps normal, l'adulte aurait fait mine de s'intéresser au livre, à son auteur et au retour du jeune homme, mais aujourd'hui, elle n'en a aucune envie et ne compte pas faire semblant. Son seul centre d'intérêt est en train de se diriger vers la sortie et Angela se force à esquisser un sourire à l'attention de l'adolescent :

« C'est vraiment super !

__ Je tenais à vous dire merci parce que c'est grâce à vous. C'est vous qui m'avez donné l'envie de lire.

__C'est très gentil à vous, monsieur Madsen.

__Vous pouvez m'appeler Tristan, lance le principal concerné en tripotant sa cravate.

__ Passez une bonne journée, monsieur Madsen », répète Angela, sans sourire cette fois-ci. Pourtant, elle ne peut s'empêcher de rire intérieurement en réalisant que Carol avait misé juste.

Le garçon rougit avant de se précipiter vers la porte, embarrassé.

L'adulte peste contre elle même en s'apercevant que la classe est désormais vide et se hâte à son tour vers la sortie, priant pour que Victoria soit toujours dans le couloir. Bingo ! Elle l'aperçoit près d'un casier, celui d'Amelia visiblement, vu que celle-ci est en train d'y déposer des cahiers.

Angela marche alors vers les deux adolescentes, le dos de Victoria lui faisant face. Elle tente de réfléchir rapidement à une excuse et se retrouve vite à la même hauteur que les filles.

« Excusez-moi de vous déranger mesdemoiselles », commence l'adulte.

Amelia lui sourit et Victoria se retourne doucement vers elle. Si elle est étonnée, elle ne le montre pas et se contente de la toiser en haussant un sourcil. Angela ne se laisse pas démonter et poursuit :

Un dernier regard...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant