27 avril 2010
Plus les jours avancent, plus Madeleine est nerveuse. Elle est tellement nerveuse que ce matin, au lieu de foutre son amant dehors, elle s'est allongée à ses côtés, tremblante comme une feuille. Pourquoi es-tu si nerveuse, Madeleine? Aurais-tu quelque chose à te reprocher? Aurais-tu un lien dans la disparition de ton fils? C'était le seul qui t'aimait vraiment, malgré les douleurs que tu lui infligeais.
Elle sort de son lit en titubant jusqu'à la cuisine, encore saoule. Elle tente de gérer son stress de la seule manière qu'elle sait le faire, en buvant.
Une gorgée devient une bouteille complète. Et elle continue sa débauche avec une dose d'héroïne. Dans les vapes, elle se couche sur le sol de sa cuisine, le peignoir entre-ouvert et nue. Son amant fini par se lever, nu... Mais sobre. Il l'ignore et enjambe le corps de Madeleine pour enfiler ses vêtements avant de partir, sans ses chaussures. Pas question de rester une seconde de plus avec cette folle.
Madeleine revient consciente quelques heures plus tard. Elle traîne son corps sur le sol, incapable de se lever complètement, pour atteindre sa chambre. Elle réalise que l'homme est déjà parti. Encore une autre déception.
Il est 13 h, on frappe à la porte.
Deux agents de police se tiennent devant elle, exigeant de fouiller les lieux. Sans autre choix, elle les fait entrer dans son appartement, encore plus crasseux qu'à l'habitude. Elle tente de cacher à tout vitesse ses seringues souillées, mais il est trop tard. Ils ont tout vu. Ils lui demandent de s'habiller en vitesse avant de l'embarquer dans la voiture de patrouille.
La voiture quitte la rue Alexandre en direction du poste de police, où elle subira un autre interrogatoire. Assise à l'arrière, les yeux rivés sur le paysage mort de la ville de Sherbrooke, Madeleine se met à angoisser. Arrivée au poste, sa respiration devient saccadée, son souffle se fait rare et ses membres se figent. Les agents doivent la tenir jusqu'à l'intérieur et ils l'emmènent directement en salle d'interrogatoire. Ils la font patienter quelques minutes afin d'observer son comportement.
- Qu'est-ce que j'fais icitte? Pourquoi vous m'avez enfermée? J'VEUX DES RÉPONSES CRISSE!
Elle commence à se ronger les ongles. Puis, elle se lève et tourne en rond. Au bout de dix minutes, elle commence à frapper dans la vitre. Elle hurle. Elle crache. Elle frappe.
Après 30 minutes, un agent entre. Il s'assoit et invite Madeleine à faire de même.
- About time osti. Ça fait 3 h que j'attends qu'on vienne me voir.
- En fait, ça ne fait que 30 minutes que vous attendez, madame Gingras. Calmez-vous, on va se parler.
- J'veux sortir d'icitte, vous comprenez?
- Si vous coopérez, vous allez pouvoir sortir. En attendant, vous ne faite que prolonger l'interrogatoire.
- HEY! J'sais même pas c'que vous me voulez. Vous voulez que je vous baise et que vos collègues nous voient, c'est ça? Baissez votre pantalon et on va avoir du fun. Moé, je veux sortir!
- Non madame Gingras. Je ne veux aucune faveur sexuelle. J'ai un travail à faire et je vais le faire. Si vous ne coopérez pas, je vais ressortir et vous laissez attendre, encore.
Elle se calme, un peu, et se rend à la table. Elle s'assoit en écartant ses jambes, montrant son sexe à nue, sans sous-vêtement. Quand Madeleine a besoin de drogue, elle s'exhibe pour attirer les hommes. Habituellement, ça marche. L'agent ignore son comportement et enchaîne avec les questions.
- Quand avez-vous vu Simon, pour la dernière fois?
- J'sais pas, le petit morveux est toujours dans sa chambre. Y sort juste pour manger pis brailler.
- N'avez vous pas eu envie de vous en défaire, dernièrement?
- Qui vous a dit ça?
- C'est moi qui pose les questions, madame Gingras. Faites seulement répondre.
- Le petit me gosse, ben oui. Oui, j'ai souvent eu envie de l'abandonner, mais je l'aurais pas fait.
- Alors, où est-il? Vous êtes la seule qui a été en contact avec lui, dans les jours précédant sa disparition.
- J'sais tu! Vous me prenez pour qui? Nostradamus? Je l'sais pas où est mon fils.
Le policier se lève, quitte la petite salle et laisse Madeleine seule. Elle va finir par cracher le morceau, ils savent que c'est elle, la responsable. Elle se recroqueville en position fœtale et se laisse bercer par le stresse qui l'envahit de plus en plus.
Après une heure seule dans la salle, elle se lève et lance une chaise dans la vitre d'observation. Elle perd les pédales, elle veut sortir. Elle pousse des cris qui rappellent que nous ne sommes que des sauvages. Elle hurle à se briser les cordes vocales. Le silence refait sa place dans la pièce. Elle est assise dans un coin et pleure, en détresse. L'agent revient et l'invite à s'asseoir à la table, ce qu'elle refuse de faire.
- Vous savez Madeleine... Vous permettez que je vous appel par votre prénom? Si vous nous dites où est Simon, la conséquence sera moins grave que si vous continuez votre petit manège.
- Je veux partir. Laissez-moi partir, j'en peux plus.
- Dites-moi où est Simon et vous pourrez sortir.
- Combien de fois je vais devoir vous le dire? J'sais pas il est où, pis je m'en sacre. Y peut ben disparaître, je m'en fou. C't'un petit vaut rien. Y sait rien faire d'autre que brailler. LAISSEZ-MOI PARTIR !
- Vous l'avez tué? Vous l'avez caché? Vous devez nous le dire. On va le placer ailleurs, madame Gingras. On va vous le retirer et il ira dans une autre famille. Il ne vous dérangera plus.
Elle lève les yeux vers le policier et une lueur de bonheur illumine son regard. Elle repousse ses cheveux qui couvraient son visage, déplie ses longues et maigres jambes pour se diriger vers l'homme qui l'interroge depuis plusieurs heures. Elle penche son visage vers le sien et, d'un souffle, lui chuchote à l'oreille :
- Il est dans les bois. Loin, loin, loin...
- Dans quel bois?
- J'me souviens pu du nom. Mais y'a une cabane. J'sais pas s'il est encore en vie. Il avait pas grand bouffe pis pas d'eau courante. Ça fait déjà deux semaines qu'il est là.
À ces mots, deux autres agents entrent dans la pièce et plaque Madeleine contre le mur, avant de lui enfiler les menottes. Elle s'esclaffe en regardant l'agent qui lui posait les questions. La folie se lit dans ses yeux.
17 mai 2010
Madeleine était gardée en cellule d'isolement durant l'enquête. Simon a été retrouvé dans d'affreuses conditions dans la cabane au fond des bois. L'endroit exact n'a pas été dévoilé par le corps policier pour ne pas inciter les gens à se rendre dans la cabane aux horreurs.
Le verdict est tombé cet après-midi. Coupable de négligence, de maltraitance et d'abandon. Après avoir été analysé par une équipe de psychiatres, Madeleine est transféré à l'institut psychiatrique Pinel.
Simon, de son côté, est placé en famille d'accueil et est suivi de très près par des psychologues et travailleurs sociales. Ils craignent que les traumatismes causés par sa mère soient trop dangereux pour sa santé. Grâce à ce suivi et à sa nouvelle famille, il a repris un poids santé, ce qu'il n'avait jamais eu auparavant.
Son regarde semble toujours aussi vide, si non plus qu'avant. Il parle peu et partage ni sa tristesse, ni sa colère. Son équipe médicale tente de percer le mystère de son regard, mais seul le silence émane de Simon. Le vide se transforme tranquillement en folie, la même qui se voit dans les yeux de Madeleine.
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HorrorSi tu penses que tout commence comme dans un conte de fée, tu te trompes. Il a commis des actes cruels. Je suis là pour le faire payer, pour lui remettre la monnaie de sa pièce, comme on dit. Il pense que c'est moi le monstre, mais en réalité, c'est...