Chapitre 10 ( 1/2 )

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Le ciel nocturne commença à s'éclaircir tandis que le soleil s'éveillait. La mer prit une teinte orangé au contact des rayons lumineux.

Anna, qui n'avait pas encore dormi, était étendue dans le transat où elle avait passé sa nuit à observer les étoiles. L'esprit embrumé par l'alcool, elle était calme et reposée. Clouée sur son siège, aucun pensée ne venait rompre cet agréable silence. Quelque peu hébétée par l'absence de sommeil, elle se laissait délicieusement bercer par le flux et le reflux de la mer ainsi que par les animaux qui se réveillaient autour d'elle, piaillant joyeusement.

Elle entendit parmi les cris des oiseaux marins un crissement de pas, qui la fit se relever malgré l'alcool qui coulait encore dans ses veines. D'un pas chancelant, elle s'avança vers le côté de la péniche avant de s'accouder sur le bord, s'évitant ainsi une chute. Quand elle reconnut une silhouette familière, son sang se figea dans ses veines. Le soleil se reflétant dans ses cheveux blond vénitiens, Alexander se tenait face au bateau d'un air impassible. Dès qu'il aperçut Anna, un petit sourire de canaille illumina son visage ciselé.

Titubant face à cette apparition incongrue, elle baissa la tête vers l'écume qui tapait paresseusement contre la coque du bateau. Elle se força à respirer doucement, sentant la panique la gagner. Comment était-il arrivé là ?

Anna se força à relever la tête, et telle ne fut pas sa surprise quand elle constata que Alexander n'était plus là. Une lente et douloureuse chaleur gagna alors son ventre, et déversa devant elle le reste d'alcool qui était encore dans son estomac. Honteuse d'avoir bu plus que de raison, elle fut tout de même soulagée de n'avoir eu qu'une hallucination, cela ne pouvait être que cela.

L'image tourna et retourna en boucle dans son esprit, comme si elle essayait de s'expliquer la présence de son ancien béguin. Peut-être lui manquait-il ? Pourtant, elle était heureuse d'être avec Tom. Elle n'avait aucune raison de créer une image de lui, alors qu'elle était bien.

C'est le ventre en vrac qu'elle se traîna à nouveau vers son siège, non sans jeter des coups d'œil inquiets vers la crique déserte.

**

Les paupières encore closes, Lou remarqua deux choses. La première, c'est qu'une sorte de poids lui vrillait la tête, même si elle restait immobile, la douleur était atroce. La seconde réflexion qu'elle se fit, était qu'elle ne semblait pas seule. Une main était négligemment posée sur sa hanche.

Sans pour autant ouvrir les yeux, elle remarqua que cette main n'était pas lourde et large comme celle de Ben quand elle avait finalement couché avec lui pendant une soirée, sa seule expérience d'ailleurs. Elle avait bien-sur été obligée plusieurs fois de partager un lit avec l'un de ses frères, mais ils gardaient toujours une distance suffisante pour éviter ne serait-ce que frôler.

Cette petite paume englobait la partie forte de ses hanches, d'un façon qu'elle n'avait jamais ressenti. Malgré son mal de tête, une douce chaleur s'empara de son ventre, transformant l'alcool encore là en une nuée de papillons.

Soudain, Lou vit son fantasme s'effondrer quand elle imagina que la main appartenait à Anna. Mauvais délire. Non, il ne fallait pas que ce soit sa meilleure amie, pour qui elle n'avait jamais eu le moindre sentiment amoureux, ni attirance. Les filles, ça ne lui plaisait pas. Enfin... elle n'en savait rien au final. La chaleur qui l'avait submergée quand Michelle s'était occupé de ses cheveux la veille lui semblait hors du commun. Le sourire éclatant qu'elle lui avait réservé, Lou avait trouvé que c'était le plus beau qu'elle n'avait jamais vu. Ses fossette se creusant au coin de ses lèvres lui avaient fait ressentir quelque chose qu'elle n'avait jamais expérimenté avant.

Sentant ses joues rosirent, elle prit son courage à deux mains et souleva une de ses paupières millimètre par millimètre. La lumière matinale brûla sa rétine mise ainsi à découvert, renforçant sa migraine. Après quelques secondes d'effort, elle vit en effet que la main était féminine. L'absence de taches de rousseur la rassura. Ce n'était pas Anna. La peau de cette main délicate était d'un doré clair, qui ressortait sur la peau mate de sa hanche.

Elle n'osait pas bouger.

La main glissa un peu plus bas, avant de retomber sur le matelas. Ne sachant pas trop si elle devait être déçue ou rassurée de pouvoir bouger sans avoir à réveiller Michelle. Cette pensée fut interrompue par un profond spasme qui déchira ses entrailles avec douleur. Elle tenta de se lever, mais glissa sur le sol quand ses jambes refusèrent de porter son poids après sa soirée arrosée. Sa main attrapa le coin de la table de nuit pour l'aider à se remettre debout, et sitôt fait, Lou courut dans le couloir pour atteindre le plus vite possible les toilettes. Une bile écœurante et douloureuse sortit au moment où Lou atteignit la cuvette. Ses boucles brunes se retrouvèrent prisent au milieu du jet immonde, les mains de la jeune femme étant trop occupées à la maintenir en place. Sans qu'elle n'entende personne arriver, une paire de mains dégagea sa chevelure pour les garder en dehors du chemin de sa bouche.

Quand son estomac se sentit libéré, elle souffla de soulagement. On la releva pour l'arroser d'eau fraîche, ce qui eut le mérite de lui apporter un peu de réconfort. Elle entendit qu'on tirait la chasse d'eau derrière elle. Après avoir bu, elle se lava les dents avant de pouvoir se retourner vers son sauveur.

SA sauveuse en fait. Michelle lui faisait face, vêtue d'un short et d'un débardeur large.

- Tu te sens mieux ? Lui demanda-t-elle d'un air soucieux.

Lou n'eut pas le temps de répondre, un autre zombie entra en trombe dans la salle de bain, maintenant bondée. Anna, dont le teint verdâtre ne voulait pas dire mille choses, leur fit signe de sortir, avant de s'accroupir à son tour au dessus des toilettes prise de hauts le cœur.

Michelle referma rapidement la porte derrière elles, avant de tendre sa main à Lou d'un air entendu. Rougissante, cette dernière entrelaça ses doigts avec ceux de la jolie laotienne. Quand elle serra un peu plus encore sa main dans la sienne, les papillons revinrent en refusant de repartir.

A grain of sand in the gear : the persuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant