Chapitre 8 ( 1/3 )

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Tom avait toujours entendu parler de Fiskbay comme d'un village haut en couleurs et dont les habitants étaient de toutes nationalités. Cette multiculturalité se faisait de plus en plus rare en Terres Unifiées. Les maisonnettes, peintes en couleurs vives diverses et variées, ne semblaient pas avoir été construites sur le même modèle, contrairement à Whiteridge et Bradford. Certaines avaient un étage, d'autres trois. Leurs fenêtres étaient toutes encadrées de blanc, créant un merveilleux ensemble. Sur la rive, de petits bateaux de pêche étaient amarrés, principalement fait de bois, et dont les coques étaient décorés de drapeaux appartenant désormais au passé.

Malheureusement, Michelle, sur le chemin, leur avait expliqué que le village était en train de mourir, et elle semblait dire vrai. Normalement, à cette heure-ci, la population sortait pour partir en mer et commencer leur journée. Or, la place était désespérément vide. Une chance pour eux, une malédiction pour ses habitants. Le virus avait décimé les doyens, faisant monter la paranoïa chez les anciens encore en vie.

- Tu n'as pas peur que nous rendions ton grand-père malade ? Se hasarda Anna, qui n'avait pas prononcé un mot depuis le début de leur marche.

- On fera attention, je m'éloigne aussi de lui depuis que le virus est arrivé chez nous, la rassura Michelle sans se départir de son sourire, la péniche est assez grande pour qu'il ait un endroit qu'à lui, puis on a de quoi se désinfecter les mains et le protéger de nous.

Sur ces mots, elle les invita à monter dans son petit bateau, décoré d'un drapeau avec deux bandes rouges en haut et en bas, rempli de bleu et en son milieu un grand rond blanc. Tom ne reconnut pas à quelle ancienne nation il était, mais n'osa pas l'en questionner de peur de la froisser. Quand le canot accéléra, Anna fut submergée par des sensations familières. Le vent au goût salé, les cahots du véhicule maritime qui bougeait au rythme des vagues, les rayons du soleil se reflétant dans l'eau, tout cela lui paraissait connu. Le souci, c'est qu'elle n'était jamais monté dans un bateau.

Si c'était le cas, elle n'en avait aucun souvenir, si ce n'est ces fugaces impressions. La main de Tom se posa dans son dos, se calant sur ses reins. Elle avait l'impression que des semaines s'étaient passée depuis leur premier baiser dans la crique. Cette soirée semblait à des années lumières d'elle, de ce moment, de sa vie actuelle. Seulement quelques jours s'étaient écoulés depuis leur départ, la langueur des journées au mas puis la fuite sans fin à travers les bois avaient accéléré le temps. Depuis qu'ils avaient quitté la maison de Tom, une boule s'était formé dans sa gorge et sa poitrine, sans disparaître un instant. Ce n'était pas tant sa sécurité qui l'angoissait, mais bien de mettre ceux qu'elle aimait en danger. S'ils se faisaient attraper, rien ne lui disait que ses amis seraient épargnés. Elle préférait presque qu'on la retrouve seule, qu'elle soit enfermée, ou pire, tuée, mais que rien de fâcheux n'arrivent à Lou et à Tom. Cette pensée, elle la garderait pour elle. Vu l'énergie que chacun d'entre eux avait utilisé pour sa protection, Anna conserverait cette information pour elle.

Le bateau ralentit à l'approche des falaises, contournant un rocher plus haut que le mat d'un grand voilier. Le canot s'approcha d'une immense péniche amarrée à un petit pont de bois, dans une crique abritée par de grands arbres feuillus. Michelle dirigea son véhicule vers le petit pont, avant de se garer.

- Bienvenue à la casa Chu, déclara Michelle en sautant à pied joint sur le ponton.

Le trio la suivit sans un mot, impressionné par la beauté de ce lieu hors du temps. Seuls le bruit des vagues cognant contre la falaise et les gazouillis de grands oiseaux blancs, qui leurs étaient inconnus, parvenaient à leurs oreilles. La maison sur eau était un grand bateau en bois brut, avec en son centre, une large cabine entièrement vitrée prédominant le reste du mobilier. Celui-ci, d'apparence très simple, semblait avoir été chéri par ses utilisateurs, si bien qu'ils semblaient presque neufs malgré leur style ancien. L'endroit était paisible, bercé au gré des vagues. Le trio sentit que leur espoir n'était pas vain, et perçut un apaisement en posant le pied sur cette maison des plus atypique.

Une porte au fond du bateau s'ouvrit, et un petit homme tout fin sortit de l'habitacle, le bas de son visage ridé masqué par un foulard bariolé. Il les salua d'un geste de la main, avant de se baisser pour attraper son matériel de pêche. Il les contourna sans trop prêter attention à eux et alla s'asseoir sur le ponton.

- Ne lui en voulez pas trop, c'est l'heure de sa sortie journalière. Attraper quelques poissons lui rendra le sourire, murmura Michelle à l'attention des trois jeunes gens, je vais vous faire visiter, ce sera rapide. Si vous aimez le poisson, vous aurez de quoi vous casser le ventre ! Je dois vite me préparer après cela pour aller travailler.

Curieuse, Lou sortit de sa léthargie et s'avança vers leur nouvelle connaissance.

- Tu travailles dans quel secteur ? La questionna-t-elle.

- Dans le pub du village, répondit simplement la jeune femme, le Sparrow and Nightingale. Ça paye pas de mine, mais les pourboires sont bons, et nous permet, avec grand-père confiné, de vivre plus que confortablement.

- Oooh je ne suis jamais rentrée dans un pub, avoua Lou avide de nouveauté.

- Tu pourras peut-être passer me voir, quand j'aurais vérifié que votre sécurité n'est pas mise en danger, proposa leur hôte en faisant un clin d'œil à Lou.

A grain of sand in the gear : the persuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant