Chapitre 1 : Au crépuscule

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        Lauren.

Son nom était gravé dans ma mémoire, plus certainement que dans ma chaire. Sa présence irradiait sous mes paupières.

Son sourire. Sa voix. Sa joie.

Ils étaient aussi palpables sous mes doigts que les ténèbres dévorant mes sens. Ils étaient partout et nulle part. Ils m'emplissaient et me fuyaient. Je luttais pour les retenir. Encore un instant. Juste un.

Lauren.

Son visage penché sur le mien. Ses yeux clairs perdus dans les miens.

Et le hurlement strident du hub à la lisière de ma conscience.

Le déchirement de ses milliers de cellules qui tentaient de me maintenir en vie. Le fourmillement méthodique et presque désespéré de ses éléments microscopiques qui se fondaient dans mon organisme. Leurs cris d'agonie silencieux alors que je me laissais engloutir.

La lueur malicieuse dans son regard. Ses lèvres se mouvant, articulant des mots insonores sous mes paupières closes.

Lauren.

Le douzième système se débattait en moi, luttait sous ma peau, résistait dans l'infinité imparfaite de mon corps d'humaine.

J'haletais, je suffoquais, je convulsais sous la multitude de ses pattes métalliques.

La perfection d'un système qui ne pouvait pas m'empêcher de mourir. Il ne pouvait que me retenir, ralentir ma chute, mais il ne pouvait pas m'empêcher de tomber, pas plus qu'il ne pouvait me forcer à me relever.

Pas si je ne le voulais pas.

Sa chevelure blondes. Sa peau pâle. Sa bouche rosée.

Je tentais désespérément de m'accrocher à elle, de la retenir près de moi, encore, encore juste un peu. Malgré la souffrance brouillant mon esprit, je voulais l'entendre. Je voulais percevoir sa voix, entendre ses mots qu'elle semblait vouloir m'adresser, penchée sur moi.

Son sourire mutin disparut sous mes paupières. Le cerveau enlisé, je percevais mon corps sans le sentir. Mon esprit se recroquevillait, plié sous la douleur, submergé par les alarmes contraires, et fuyait cette coque de chair désormais trop lourde, presque inutile.

Mes poumons se comprimaient sans se remplir. L'air brûlait une gorge qui ne m'appartenait plus. Le cœur sous les côtes ralentissait, réduisant son marathon, essoufflé, tremblant, prêt à s'arrêter, à renoncer. Le goût prononcé de l'hémoglobine s'attardait sur ma langue.

Sa main pressa la mienne, comme pour me retenir.

La voix de Lauren explosa enfin à mes tympans.

Mes oreilles vibrèrent de sons insaisissables. 

C'était sa voix, sans être la sienne.

Plus grave. Plus roque. A l'injonction impérative.

Elle resta suspendue un instant à la lisière de ma conscience. J'identifiais difficilement un élément. Un écho lointain que je reconnaissais. Elle appelait. Elle prononçait un nom.

Mon nom.

Non, pas mon prénom mais ce nom. Ce nom qui m'appartenait sans vraiment l'être. Celui que je m'étais choisi après l'Eveil. Celui qui me permettait de fuir mes actes. Celui derrière lequel je me cachais encre maintenant.

Le nom d'une Autre.

Stricker.

Je serrais la main prise dans la mienne. Sur les lèvres de Lauren flotta un sourire énigmatique, sincère mais déjà lointain. Sa bouche articula silencieusement. Et le même nom explosa à mes oreilles. Un nom qu'elle ne connaissait pas, qu'elle ne pouvait pas connaître et qui était prononcé d'un ton trop brutal pour être le sien.

Always Human - Still Other (Publication irrégulière)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant