Je n'arrivais pas à me concentrer. Mes pensées se bousculaient sous mon crâne. Elles se pourchassaient, se percutaient et explosaient. Il n'en restaient qu'un fracas étourdissant et des milliers d'éclats tranchants.
La seule chose concrète était le sang tiède poissant mes mains.
Le sang d'une Autre.
Le sang de Stricker.
Ce constat n'aurait pas dû m'alarmer autant. Pourtant, il m'étourdissait tandis que l'adrénaline noyait tout.
- Dumbo! hurlais-je dès que le véhicule fut immobilisé. Cassie, sors et prends Nuggets.
Je balançais les ordres avec la force de l'habitude. Je n'attendais aucune réaction, aucun appel. J'agissais en chef d'escouade. J'ordonnais et ils obéissaient. Du moins, la plupart du temps. C'était la logique dans laquelle nous avions été formés. Mon équipe me faisait confiance et suivait mes directives. Point barre. Les questions n'avaient pas leur place. Enfin, rarement.
J'étais en train d'allonger Stricker, encore plus pâle qu'une morte, lorsque Dumbo apparut enfin. Je ne sentais presque plus le souffle de l'Autre dans mon cou.
- Tu m'as appelé, Chef? dérapa mon médecin contre la portière. Oh! Putain de merde! jura l'adolescent de douze ans en découvrant la jeune femme se vidant de son sang sur la banquette arrière.
En une fraction de seconde, les couleurs avaient déserté jusqu'au bout de ses grandes oreilles. Il déglutit bruyamment, aussi blanc qu'un linge, tout semblant de joie évaporé, tandis que mes paumes compressées toujours l'estomac de Stricker.
- Ta mallette! m'énervais-je en constatant son absence et l'immobilité du gamin. Dumbo, va me chercher ta putain de mallette!
- Je... Je... J'y vais, Sergent! glapit-il en détalant dans l'autre sens.
Je n'avais pas le temps de le réconforter ou de le rassurer. A cet instant, l'idée ne m'effleura même pas. Nous étions des soldats. On nous avait entrainé à agir comme tels, ce n'était pas pour voir l'un des miens perdre tous ses moyens au premier coup dur! Merde!
J'étais trop à cran pour me rendre compte de mon état. Trop à cran pour redescendre en pression. J'aurais dû me montrer calme au lieu d'agressif. Sauf que j'étais incapable de l'envisager en tapotant le visage de l'Autre pour essayer de la réveiller. Mes doigts ne laissèrent que des trainées de sang sur sa joue.
J'haletais. J'avais froid. Et le sang chaud se déversait toujours contre mes paumes. Mon regard en croisa un autre aiguisé et glacé dans le rétroviseur. Si la brune demeurait encore un véritable mystère pour moi, je n'avais aucun mal à deviner ce qu'elle pensait cet instant précis.
- C'est pas le moment, Ringer. Grincèrent mes dents en un avertissement dérisoire.
- D'accord, je ne le dirais pas. Mais tu sais parfaitement ce que je pense, articla avec soin la plus fine tireuse de mon escouade.
Elle soutint la froideur de mes iris sans sourciller. Ringer avait ce don rageant de rester de marbre en toute circonstance. Elle aurait pu rivaliser avec n'importe quelle statue prisonnière de son socle, alors que je me sentais plus château de sable disséminait par les vagues. Elle aurait fait un meilleur chef d'escouade que moi, si elle n'était pas à ce point de glace.
Le silence se glissa quelques secondes entre nous et je crus bien qu'elle allait céder pour cette fois. Me laisser sans me démonter. Mais c'était encore me bercer d'illusion.
- En fait, si je vais le dire. S'arrêta-t-elle alors qu'elle allait sauter de la voiture. Tu perds pieds. Et elle va mourir, ajouta-t-elle avec détachement, sans adresser un regard à la silhouette étendue sur la plage arrière.
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Always Human - Still Other (Publication irrégulière)
FanfictionLes quatre premières vagues se sont abattues sur la Terre. Les Autres ont suivi, prêts à tout détruire pour se l'approprier. La Cinquième Vague approche. Vosch y a veillé. Et elle est prête à déferler. Il n'est plus temps de choisir. La guerre a com...