- Où est-ce qu'elle est passée, Ben? hurlait une Cassie furibarde en le fusillant du regard. Je te jure que s'il lui est arrivé quelque chose...
- Pour la énième fois, la coupais-je abruptement, j'en sais rien!
C'était vrai. Les poings contractés, je ne pouvais que subir les foudres de Cassie, tout en maudissant Stricker entre mes dents serrées. La colère et l'angoisse de mon ancienne camarade de lycée étaient palpables. Elles se lisaient à ses joues rouges, ses yeux furieux et ses phalanges blanchies. Alors même qu'elle était bien plus petite que moi, elle semblait à deux doigts de me coller une beigne. J'admirais le courage -ou l'inconscience- de cette fille.
- Ne te fous pas de moi! Elle était à côté de moi hier soir quand je me suis endormie. Je me réveille ce matin, et là, elle a disparu! Et tu vas me faire croire qu'elle est partie toute seule, volontairement?
Je tiquais face à l'agitation croissante de la jeune fille que je tentais de calmer.
Ce n'était pas la première de nos altercations. J'avais passé les dernières heures à tenter de contenir le tempérament volcanique de Cassie. Sa colère coulait parfois aussi silencieusement que de la lave en fusion, pour mieux exploser l'instant d'après en une gerbe d'insultes.
"Empêche-là de faire une connerie avant mon retour" avait dit Stricker. Ben tiens! C'était plus facile à dire qu'à faire. Je lui en voulais de m'avoir laissé avec cette simple indication sibylline. Elle aurait au moins pu avoir la décence de me prévenir que la blonde pouvait se révéler pire que Reznick. -Encore aurait-il fallu que Stricker connaisse l'instructeur en chef, mais passons.-
Cassie alternait entre des phases de calme angoissant et de cries terrifiants. Et elle était bornée, presque autant que moi. J'avais eu un mal fou à la retenir à notre camp lors de nos trois précédentes discussions musclées.
- Fais attention, Sullivan. Je n'aime pas ce que tu sous-entends. Grondais-je, menaçant.
L'idée même qu'elle puisse nous soupçonner, mon escouade et moi, me choquait et me révulsait. Nous étions les gentils. Nous étions les Humains. Stricker était une Autre. Les Autres étaient les ennemis. S'il y en avait une qui ne suivait pas l'ordre des choses, c'était bien elle.
Les Autres anéantissaient les Hommes. Nous tuions les Autres.
C'était aussi simple que ça.
Ça aurait dû l'être.
Cassie aurait dû me... nous faire confiance. Que nous nous en prenions à une Autre aurait dû être indifférent.
Sauf que ça ne l'était pas.
Vosch avait réduit à néant la confiance des Hommes les uns en les autres.
Et Stricker avait elle aussi chamboulé les cartes.
Cassie avait plus confiance en Stricker qu'en moi, réalisais-je avec amertume. Mais est-ce que je pouvais réellement lui en vouloir? me soufflait une voix plus raisonnable dans mon esprit.
- Vraiment? Hé ben, j'en ai rien à foutre! s'emporta-t-elle de plus bel, les prunelles orageuses. Si vous avez fais quoi que ce soit à Stricker...
- Tu te rends compte de ce que tu dis? la coupais-je de nouveau, avant de soupirer, partagé entre agacement et lassitude. Tu nous accuses, nous, de lui avoir fait du mal, à elle! Ça n'a aucun sens.
"Comme si on pouvait l'atteindre!", m'avouais-je silencieusement. J'avais beau ne pas en avoir vu beaucoup de Stricker, je ne pouvais que reconnaître qu'elle ne m'avait pas menti : elle était difficile à tuer. Et ce, de bien des manières, j'en étais certain.
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Always Human - Still Other (Publication irrégulière)
Hayran KurguLes quatre premières vagues se sont abattues sur la Terre. Les Autres ont suivi, prêts à tout détruire pour se l'approprier. La Cinquième Vague approche. Vosch y a veillé. Et elle est prête à déferler. Il n'est plus temps de choisir. La guerre a com...