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Ezio tape frénétiquement sur son clavier d'ordinateur portable depuis plus d'une heure. Assise de l'autre côté de la petite pièce, sur le canapé, je suis incapable de me concentrer sur mon livre. Il m'a demandé d'être silencieuse alors que lui fait un bruit monstre depuis tout à l'heure. Entre ses jurons, le bruit du clavier et celui de sa cuillère qu'il fait teinter au fond de sa tasse à café, il fait plus de bruit à lui tout seul qu'une fanfare dans la rue.

Je tente de me reconcentrer pour la énième fois sur mon livre mais relève aussitôt les yeux lorsque je l'entend composer un numéro sur son téléphone.

- Come va? Demande t-il après avoir attendu moins d'une seconde.

Son visage se déride et je devine qu'il vient d'apprendre une bonne nouvelle. J'ai même l'impression de voir un léger sourire sur ses lèvres.

- Bene, bene. Como vanno le cose a casa?

Il hoche doucement la tête tout en buvant une gorgée de son café qui est probablement froid.

- Sì, spero di arrivare tra una settimana.

C'est tellement chiant de ne rien comprendre à ce qu'il raconte. Il m'arrive de comprendre certains mots mais la plupart du temps je ne capte pas grand chose.

- Ciao. Dit-il finalement avant de raccrocher et de poser son téléphone sur la table devant lui.

Il se lève de sa chaise et se dirige dans ma direction. Je suis le moindre de ses mouvements des yeux jusqu'à ce qu'il s'assied juste à côté de moi.

- Valentino va bien.

- Merci mon dieu! Dis-je aussitôt en poussant un soupir de soulagement.

- Si tu n'avais pas été là, il ne serait peut être plus là. Tu l'as sauvé et je te remercie pour ça.

- C'est toi qui m'a dit quoi faire...

- Peut-être mais tu l'aurais fait de toi même j'en suis sûr.

Je suis vraiment soulagée, plus que je ne le pensais. J'ai vraiment cru qu'il allait y passer. Nous sommes restés sans nouvelles de lui depuis un peu plus de 15 heures et le temps commençait à se faire long. Ezio se lève de nouveau du canapé et me tend sa main. Je lui lance un regard en biais, intriguée.

- On va aller chercher à manger, comme tu l'auras compris il n'y a pas de room service dans cette auberge...

Je prend sa main et il me tire hors du canapé. J'attrape mon manteau en fourrure blanche pendant qu'il met une casquette et des lunettes de soleil.

- Met ça plutôt, dit-il en me lançant son sweat à capuche noir.

- Pourquoi? Répliqué-je en attrapant ce dernier au vol.

- On doit se faire discrets, je ne suis pas sur mon territoire ici.

- Tu veux dire qu'on pourrait nous reconnaitre dans ce petit village perdu?

- Il n'y a pas beaucoup d'étrangers dans ce village et les gens parlent. C'est la mafia albanaise qui contrôle tout en Autriche et elle n'aimerait pas savoir que je suis ici.

- Comment tu peux être sûr qu'elle ne le sait pas déjà?

- Je ne suis pas débutant. Je sais ce que je dois faire et ce que je ne dois pas faire.

J'hoche doucement la tête faussement rassurée. La mafia est vraiment un putain de fléau, elle est partout alors que la plupart des gens ne s'en doutent même pas. En tant que mafioso, les rivaux directs d'Ezio sont les autres familles mafieuses italiennes mais il y aussi tous les autres mafieux du monde entier. Ça fait beaucoup d'ennemis pour une seule personne, beaucoup trop.

J'enfile rapidement le sweat et l'odeur masculine d'Ezio encore sur ce dernier m'enivre aussitôt. Etrangement ce pull me rassure malgré qu'il soit trois fois trop grand pour moi.

- Il te va bien mieux qu'à moi... lance Ezio en se rapprochant de nouveau de moi.

- Tu rigoles? Je flotte dedans!

- Justement, comme ça ton corps est dissimulé. Je n'ai pas envie que tous les mecs de ce village se retournent sur ton passage.

- Tu es jaloux? Dis-je en roulant des yeux.

- Je suis possessif c'est différent.

- Mais oui, murmuré-je alors qu'il ouvre la porte de la chambre.

Sans plus attendre nous sortons de l'auberge dans laquelle nous sommes arrivés il y a quelques heures déjà. Les rues du village sont assez fréquentées malgré la faible démographie de ce lieux. Les maisons colorées d'Hallstatt donnent à ce dernier un charme atypique. Malgré les basses températures de ce mois de novembre, il est agréable de se balader dans cet endroit entouré de montagnes. Alors que je suis émerveillée par mon environnement, je sens une main m'agripper le bras et me tirer sur la gauche. J'esquive de justesse un couple de passants qui marchent dans la direction opposée à la mienne. Mon regard glisse aussitôt sur la main d'Ezio sur mon bras avant de remonter vers son visage.

- Regarde devant toi bon sang!

Je ne réponds rien face à son attitude soudainement glaciale. Ce mec est vraiment instable, impossible de savoir sur quel pied danser avec lui. Nous nous arrêtons après quelques minutes de marche devant un petit restaurant qui fait des repas sur place mais aussi à emporter. Je reste en retrait tandis qu'Ezio nous commande à manger. Mon ventre gargouille sous l'effet des diverses odeurs de nourriture qui me chatouillent le nez. C'est à ce moment là que je me rend compte que c'est la première fois que je sors dehors avec Ezio, sans ses hommes dans les parages.

Alors que nous attendons toujours notre commande je sens Ezio se tendre à côté de moi. Il visse un peu plus sa casquette noire sur sa tête et réajuste ses lunettes de soleil. Mon regard coule sur deux hommes qui se lèvent de leur table au fond de la pièce. Ils ont un look de mauvais gars. Sans que je m'y attende Ezio me prend par les hanches et m'embrasse tendrement. Je ne comprends pas vraiment son geste soudain mais pour une raison que j'ignore je ne le repousse pas. Lorsqu'il décolle sa bouche de la mienne, je lui lance un regard perdu.

D'un signe de la tête il me montre les deux hommes en train de sortir du restaurant. C'est là que je comprend, il a fait diversion. Ces hommes, comme je l'avais pressenti, n'étaient de simples hommes.

- Des mafieux?

- Oui.

- Comment tu l'as su?

- Le tatouage dans le cou. Celui du clan albanais.

- M'embrasser était le seul moyen de faire diversion?

- Qui a dit que je voulais faire diversion? Lance t-il avec un sourire.

- T'es sérieux? Réponds-je en posant mes mains sur mes hanches.

Il ne réponds rien se contentant simplement de me regarder. Une expression étrange passe sur ses traits et son petit sourire s'évanouie doucement.

- Tu me fais tellement penser à elle, dit-il d'une faible voix comme si il se parlait à lui même.

- A qui?

- Mia.

J'aurai dû m'en douter. Je ne sais pas qui est cette fameuse Mia pour lui mais elle est très importante à ses yeux.

- Qui est-elle pour toi? Demandé-je enfin.

- Beaucoup de chose à la fois. Elle était une meilleure amie, une amante, une soeur.

Mon coeur se pince lorsqu'il prononce le mot « amante ». Qu'est ce que ça peut te faire? Me crie ma conscience. Bonne question. Soudain un détail me traverse l'esprit.

- Etait?

- Elle est morte.

- Oh.

Au même moment l'employé du restaurant tend à Ezio un sac contenant ce que nous avons commandé, coupant ainsi notre conversation. Je sais pertinemment que je n'aurai pas de nouvelles infos la concernant de si tôt. C'est déjà un miracle qu'il m'ait raconté tout ça déjà. Lorsque nous sortons du restaurant la brise est aussi glaciale que ce que je viens de me relever Ezio. 

The Maestro - Partie I ( Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant