L'oiseau en cage - Erwin Smith x OC

Curieuse

"Pourquoi ne veux-tu pas rester au Domaine, Léna ?"

Elle resta silencieuse quelques instants, puis un léger sourire étira ses lèvres à son tour. Pour la première fois, elle réalisa pourquoi l'emblème du Bataillon était deux ailes d'oiseau.

Léna avait déjà eu le loisir de les voir virevolter dans les airs avec leurs équipements étranges, et elle en avait déduit que le choix de l'oiseau était simplement un clin d'œil à leur manière de se déplacer. Elle n'avait jamais réfléchi à la symbolique des ailes, et de la Liberté.

Et si les membres du Bataillon se sentaient également pris au piège, enfermés dans des murs dont ils ne comprenaient et n'acceptaient pas les limites ? Pourquoi ne s'était-elle jamais posé la question ?

- Parce que j'ai le sentiment que ma vie ne se trouve pas au Domaine. Je veux être plus qu'un oiseau en cage.

Erwin lui adressa alors un regard affectueux, et elle se sentit comme noyée dans ses deux pupilles océans. Elle y lut ensuite une grande détermination, et devina qu'il souhaitait s'exprimer sur le sujet, comme si quelque chose lui brûlait les lèvres. C'était la première fois qu'elle rencontrait quelqu'un de si passionné.

- Si nous pouvions vaincre les Titans, ne serais-tu pas curieuse de savoir ce qu'il se trouve à l'extérieur des Murs ?

Léna lui intima de poursuivre, et le jeune soldat s'emporta dans des récits enflammés, qu'elle n'eut ni la force, ni l'envie d'arrêter. Elle ne vit guère le temps passer, et ne remarqua même pas les autres militaires quitter la taverne au loin. Plus encore que le sujet de conversation lui même, Léna était fascinée par la passion du jeune blond. Il avait l'air si sûr de lui, si convaincu de son destin qu'elle s'en serait sentie presque jalouse, si ce dernier n'avait pas choisi une voie si violente et incertaine.

Puis le militaire la ramena brutalement à la réalité lorsqu'il lui précisa qu'ils partaient demain en expédition. Léna connaissait leur taux de mortalité et le Culte l'avait un jour fait assister à leur retour au sein des Murs. Elle n'oublierait jamais l'absence de lueur dans leurs yeux, abominablement remplacée par la terreur, le regret et le désespoir. Cela l'avait durablement marqué, et en entendant Erwin mentionner leur départ le lendemain, elle avait cessé de respirer.

Elle n'avait pas envie qu'il s'éteigne.

- Faisons un marché Léna. Retrouvons-nous ici à la tombée de la nuit dans trois jours. Lui proposa Erwin, à qui la soudaine pâleur de la jeune fille n'avait nullement échappé.

Si Roderick venait à apprendre qu'elle voyait un membre du Bataillon, elle aurait de sérieux ennuis. Pourtant, ce n'était pas la raison pour laquelle la jeune fille semblait troublée. La simple idée qu'il puisse mourir alors qu'il avait tant à donner au monde la rendait malade. Et elle savait que cela arriverait. Car tel était le triste destin du Bataillon.

- As-tu déjà dormi à la belle étoile ? Poursuivit-il face à son silence.

Elle secoua négativement la tête avant de lui confier qu'elle en avait toujours eu envie, mais ne souhaitait pas le faire seule. La curiosité l'emporta sur ses pensées sombres, et la conversation dévia sur les étoiles et les observations qu'Erwin en avait fait au cours des années.

Elle aimait l'écouter parler. Bien qu'il n'était guère bien plus âgé qu'elle, il semblait être un véritable puits de savoir.  Et contrairement aux érudits que Léna avait l'habitude de côtoyer pour s'instruire, Erwin parlait avec émotion. Ses yeux brillaient, et il accompagnait ses paroles de gestes plus ou moins superflus, mais toujours très habités. Elle aurait voulu que le temps s'arrête.