CHAPITRE DEUX

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       La fresque l'habita toute la journée. Noée essayait de la recomposer dans son esprit, mais elle lui échappait à chaque fois. N'était-elle qu'un simple produit de son imagination? Avait-elle tant rêvé, prié, cru au retour des arts qu'elle s'était menti à elle-même? Elle ne voulait pas se donner de faux espoirs, mais son cœur ne pouvait s'empêcher de battre un peu plus fort à chaque fois qu'elle y pensait.

       Le soir venu, elle retourna à l'endroit où elle avait découvert la fresque. Elle était bien là. Noée la contempla longtemps. Gigantesque, resplendissante, elle représentait plusieurs personnages étranges, dans une palette de noir et blanc. Noée n'aurait jamais cru voir de ses propres yeux une oeuvre d'art de toute sa vie, en dehors des musées de son enfance. Elle pouvait seulement le rêver. Le trait était maladroit, le dessin pas encore terminé, mais la peinture était là, et son existence seule était un miracle. Elle était la preuve que l'art n'était pas complètement mort, qu'il pouvait renaître de ses cendres. La preuve que quelqu'un, quelque part, y croyait.

       Qui était la personne à l'origine de la fresque? Peut-être même étaient-elles plusieurs. Y aurait-il un groupe, plus ou moins important, de personnes qui continuaient à faire vivre l'art? Qui étaient-ils? étaient-ils? Noée inspecta le mur à la recherche d'un indice, un nom, n'importe quoi, quelque chose à laquelle se raccrocher. Mais il n'y avait rien, rien d'autre que cette immensité de noir et blanc, qui n'avait aucun sens et qui, pourtant, semblait parler à Noée.

       Rentrée chez elle, Noée explora ses affaires, s'empara de chaque livre, chaque document sur les arts qu'elle parvenait à dénicher. En tournant une page, elle tomba nez à nez avec une reproduction de la fresque. Bouleversée, elle lut le nom du tableau. Guernica, de Pablo Picasso. Elle n'en avait jamais entendu parler. Une peinture qui, manifestement, dénonçait l'horreur de la guerre. Et, dans cette ville, dans ce monde où les arts s'étaient envolés, où ils ne signifiaient plus rien pour personne, quelqu'un s'était emparé de son courage et de ses tubes de peinture pour reconstituer ce tableau.

       Il fallait que Noée retrouve cette personne, ces personnes, quelles qu'elles soient. Soudain, plus rien d'autre n'avait la moindre importance pour elle.

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