CHAPITRE HUIT

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        Noée s'était déjà imaginé derrière les barreaux. Pire, même, après tout ce qu'Éliane et les autres lui avaient dépeint par rapport au gouvernement. Elle s'était dit que c'était le prix de la résistance. Que voir, même juste l'espace d'un instant, les arts fleurir et colorer la ville en valait largement la peine.

        Elle s'était imaginé payer le prix de ce miracle - ce fut loin d'être le cas.

        Après les avoir entraîné en bordure de la ville, loin des passants, les forces de l'ordre les relâchèrent, et griffonnèrent une contravention pour tapage.

       C'est tout?

Vous ne pourrez jamais nous empêcher de faire de l'art, fulmina Éliane, des larmes au fond des yeux, encore emplie de fougue.

        Un policier se retourna vers elle, casque sur la tête, impassible.

- Que vous fassiez de l'art ou non, on s'en moque, lui répondit-il, d'un ton plein de mépris.

- Très bien, continua un musicien derrière Noée, sa trompette à la main, parce qu'on continuera, sans relâche, qu'importe vos censures et interdictions.

- Qu'est-ce que vous croyez? cracha encore le policier. Qu'avec vos petites représentations et votre tintamarre, les gens vont se rallier à votre cause? La vérité, la voici : les gens n'en ont plus rien à faire de l'art. C'est tout. En disparaissant de la société, il a également disparu de leurs vies. L'art n'est plus nécessaire pour personne. Vous pourrez faire tout le bruit et les gribouillis que vous voulez, personne ne vous verra, personne ne vous entendra.

        Et, sur ce, ils les laissèrent.

        Les artistes, retrouvés seuls au bord d'une route, se regardèrent. Avec leurs instruments qui pendaient au bout de leurs bras et leurs tâches de couleurs sur les mains. Jamais ils ne s'étaient senti aussi seuls.

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