Brasier

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Tu errais, sans but, dans ce monde qui n'était pas le tien. Tu reconnaissais quelques endroits, similaires aux paysages dont tu avais l'habitude. En réalité, chaque coin te semblait familier, comme si tu étais déjà venue ici, ou si tu y avais vécu. Tu ne te sentais pas à ta place dans cet univers, où tout semblait flou et vague, mais si clair en même temps. Dépourvue de tes souvenirs, tu cherchais désespérément un endroit où aller, où te reposer.

Tes pas t'ont instinctivement guidée dans une demeure noircie, qui a sûrement été proie des flammes. À cette pensée, tu fus frappée d'une vision de cette même demeure, dont les formes se dessinaient à travers un brasier infernal. Tu les voyais crépiter et réduire en cendres le bâtiment dans une danse ardente. Cependant, tu as fini par t'évanouir et te réveiller où tu étais. Cette vision te semblait plus vraie que nature, tu avais la forte impression de l'avoir déjà vécue.

En revanche, il fallait avant tout que tu trouves quelque part où loger. En effet, une pleine lune commençait à se dessiner entre les nuages. Tu finis par te décider et pénétrer dans cette fameuse demeure, qui semblait abandonnée. Tu avançais en prenant des précautions, tu ne voulais pas déranger un potentiel sans-abri, qui pourrait occuper les lieux et profiter de cette impression de chaleur que tu parvenais à ressentir. Mais petit à petit, cette douce sensation réconfortante se mua en oppression. Soudainement, en clignant des yeux, tu constatas autour de toi un halo de flammes, dansant en rythme. Chaque respiration te brûlait la gorge, tu sentais tes poumons s'embraser et se remplir de cendres, tes yeux t'irritaient à un point où tu ne demandais qu'à les arracher, ta peau commençait à fondre et tes pensées se bousculaient dans ta tête. Tu contemplais ton environnement succomber dans les braises, quand tu fus tirée en arrière par une main inconnue qui t'emmena à l'extérieur.

Reprenant tes esprits, tu eus le réflexe de reculer, mais trébuchas sur une pierre gisant au sol. Tu te retrouvas au sol, regardant dans les yeux un cadavre carbonisé. Cependant, ta première réaction n'était pas de fuir, au contraire, tu as pris la main du macchabée, et es fondue en larmes constant la désolation de la scène. Cela ne s'arrangea pas quand tu reconnus cette main, cette trace de cendres sur ta robe immaculée, qui t'a arrachée aux flammes. Tu ne savais rien de ce corps, seulement qu'il s'est sacrifié pour toi. Pour que tu vives. Tu lui rendis un dernier hommage quand un coup de vent emporta les cendres de cette personne, morte pour toi.

Tu te redressas et, en essuyant tes larmes, vis un pâle éclat briller dans ce qui restait des cendres. Tu te penchas pour regarder de plus près, quand une autre vision t'apparut. Tu te retrouvas dans le brasier infernal. Une fois de plus. Mais cette fois, tu ressentais un mouvement. Même si tu ne pouvais pas voir son visage, tu reconnus cette personne, dont tu as fait le deuil à l'instant. Tu remarquas aussi autour de son cou une chaine, avec un pendentif en forme de lune attaché à celle-ci.

Tu fus rapidement de retour à la réalité cette fois. A peine tu eus le temps de reprendre tes esprits que tu replongeas ton regard sur le tas de cendre à tes pieds. Il était là. C'était un miracle qu'il n'ait pas fondu, mais le pendentif était bien là.

Tu ne demandais qu'une chose, fuir. Fuir loin d'ici. Loin de toutes ces douleurs et souffrances. Cependant, tes pas t'ont guidée vers un sous-sol recouvert d'une épaisse couche de cendres. Il semblait cependant avoir été épargné de l'incendie. Sans vraiment savoir pourquoi, tu avais en toi cette énergie, ce désir de balayer cette poussière d'un coup de main, comme si ta vie en dépendait. Tes poings se serrèrent, tes muscles se crispèrent, et tu t'élanças au sol en agitant ton corps aussi fort que tu le pouvais en espérant pouvoir y voir clair un jour. Tes yeux étaient remplis de larmes, tes poumons brûlaient et tu étais à bout de forces, mais tu ne pouvais pas t'arrêter. Il t'était impossible de lutter contre cette force. Lorsque tu te redressas et que la majorité de la cendre était écartée du centre de la pièce, tu finis par distinguer diverses formes au sol. Tu n'étais sûre de rien, mais ces formes semblaient être des dessins, qui mis bout à bout contaient une histoire.

De ce que tu pouvais comprendre, ils représentaient une famille, constituée de trois membres, qui vivaient heureux dans une grande maison. Mais un jour, cette maison fut la proie des flammes. À la suite de cela, l'ambiance agréable qui pouvait se ressentir dans les traits avait totalement disparue, pour être remplacée par des lignes beaucoup plus lourdes, traduisant une profonde tristesse. Seule une silhouette apparaissait sur les dessins suivants. Les deux autres semblaient s'être évaporées dans les airs. Baladant ton regard sur les derniers tracés de l'histoire, tu t'arrêtas sur le dernier, qui représentait une personne pendue, attendue plus haut par deux ombres. Le choc de cette esquisse te fit te relever brutalement. Durant ta course, l'arrière de ton crâne rencontra un obstacle. Tes yeux s'écarquillèrent lorsque tu vis reposer au-dessus de toi un nœud coulant. Tu fis rapidement le rapprochement avec les dessins, et compris que la seule silhouette restante après l'incendie a fini par mettre fin à ses jours à l'endroit à tu te tenais. Cette réalisation brouilla ta vision de larmes et te fit t'effondrer sur place.

Lorsque tu pus à nouveau voir clair, tu distinguas une petite cavité en forme de croissant sur le dernier dessin de l'histoire, située au niveau du cou de la silhouette pendue. Tu décidas d'y glisser le pendentif que tu as trouvé plus tôt. Un son mécanique se fit entendre, et une trappe s'ouvrit devant toi, laissant apparaitre un escalier, menant à une pièce ensevelie six pieds sous terre.

Une fois arrivée au fond, tu actionnas l'interrupteur malgré la totale pénombre, et fus récompensée par une lettre. Elle était rédigée à la main, sur un papier doux et abîmé par l'écoulement du temps. Une fois que tu étais habituée à la luminosité, tu lis ce qui était écrit sur cette lettre.

« Si tu lis cela, c'est que je ne m'étais pas trompée. Je pense que tu as déjà reconstitué les faits au sous-sol, mais une brève explication s'impose je pense.

Lorsque ta mère et moi avons décidé de t'adopter, j'ai eu ce qu'on pourrait appeler une vision. J'ai vu notre maison en flammes. C'est à ce moment là que j'ai décidé de retranscrire notre vie par les dessins que tu as pu voir plus haut. Mais quand l'incendie est arrivé, j'ai été prise de court, et n'ai pas eu le temps de vous mettre en sécurité. Prise de panique, j'ai couru à l'extérieur, tandis que ta mère est allée te chercher pour te sortir de là. Hélas, tu as fini par rendre ton dernier souffle dehors. Tu devrais reconnaitre certaines visions que j'ai pu te transmettre. Le macchabée que tu as pu trouver est la dépouille de ta mère, et le pendentif était le sien. Sèche tes larmes, tu n'y es pour rien. Nous étions conscientes de notre destin. Mais trêve de bavardage, regarde tes mains. Elles sont en train de disparaître non ? Si je t'ai guidée jusqu'ici, c'est pour que tu puisses finalement trouver la réponse à ces questions qui te hantent depuis tant d'années. Tu vas enfin pouvoir goûter à la paix éternelle. Ton enfer touche à sa fin. À présent, il est temps pour toi de t'envoler, et partir sans regrets. Prends soin de toi, où que tu ailles. Merci pour tout mon enfant. »

Recueil OSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant