XVIII. Après moi le déluge

28 4 0
                                    

9 Octobre 1899

Des nébuleuses ombrées dansaient dans de vagues ondulations bleutées sur les murs. Les rideaux tirés de l'unique fenêtre de la chambre dissimulaient l'essentiel des rayons ardents du soleil, mais certains parvenaient à les franchir et dessinaient ainsi des mélanges informes d'ombre et de lumière, spectacle mouvant sur ce qui faisait alors office de toile.

Le tout se transformait ainsi en œuvre d'art envoûtante qui offrait à Ariana des images fantasmagoriques qu'elle seule pouvait imaginer dans les méandres de son esprit.

Assise sur son lit, le dos appuyé sur le mur d'en face, la jeune fille se noyait dans cette contemplation perdue, les pensées à la dérive.

Depuis le renvoi temporaire d'Abelforth et son retour imminent à la maison, la vie de la fillette s'éveillait de nouveau, abandonnant la noirceur envahissante qui semblait avoir élu domicile chez elle. Son grand frère allait bientôt l'entourer de son aura protectrice tout en l'exposant aux beautés du monde.

Albus ne prenait jamais cette peine. Il s'attardait uniquement sur les choses qui lui paraissaient essentielles et vitales. Et son univers semblait s'être focalisé sur ce nouvel intrus qu'était Grindelwald.

En vérité Ariana ne prenait pas vraiment conscience de l'abandon qu'elle subissait de la part de son aîné. Elle ressentait surtout l'affection évidente de son deuxième frère.

Néanmoins, elle avait perçu l'importance croissante que prenait Grindelwald dans la vie d'Albus. Bien que les mots lui manquassent pour mettre un sens sur cet attrait, les regards entendus qu'ils échangeaient et le sourire constant de son frère ne lui échappaient pas.

Et plutôt que de ressentir de l'amertume, Ariana se sentait transportée par une plénitude joviale et aimante.

Oui. Le bonheur nouveau et frais de son grand frère se répercutait sur elle.

Emplissant son univers de clarté bienvenue.

Éloignant les ombres, les tracas et les pertes de contrôle qu'elle subissait parfois.

Voir son frère heureux et épanoui se reflétait sur son humeur et lui rendait par moment une forme de lucidité fraternelle presque maternelle. Depuis toute petite, seuls les rires de sa famille avaient nourri de l'intérêt à ses yeux. Et de toute évidence la magie seule n'avait pas le pouvoir de combler la fratrie qu'ils formaient tous les trois...

La magie n'avait jamais été source de contentement pour Ariana. Ou du moins pas depuis bien longtemps. Aussi, l'idée qu'une ferveur naissante chez Albus soit l'origine de quelques onces de bien-être illuminait ses journées moroses et surpassait presque ses après-midis d'été avec Abelforth.

Le bonheur de l'un nourrissait celui des autres.

Cependant, le destin semblait toujours planer au-dessus d'elle avec une malicieuse malveillance et une fatalité déconcertante. Si, jusqu'alors, la journée s'était profilée avec calme et plénitude, un basculement nerveux s'empara de l'air ambiant avec une rapidité surprenante.

En effet, des voix commencèrent à résonner dans son environnement, plus furieuses et énonciatrices de malheur que jamais auparavant.

Apeurée à la perspective d'une nouvelle crise, la jeune fille se plaqua volontairement contre la paroi du mur : tentative futile de se fondre dans le décor. Toutefois, malgré ce geste inutile, les cris demeurèrent, gagnant en intensité. Totalement angoissée, Ariana écrasa ses mains moites contre ses oreilles dans l'espoir fou d'atténuer les querelles de son esprit.

Quel ne fut son étonnement lorsqu'elle constata qu'un tel geste fonctionnait. Ses yeux se plissèrent avec scepticisme et ses sourcils s'arquèrent de manière confuse.

La Déliquescence de l'EspoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant