II. Les liens du sang

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2 Février 1887

Les rires se répercutaient contre les murs et dansaient au gré du vent venu de l'océan. Ils répandaient dans l'air leur joie contagieuse, effaçait comme par magie la rigueur de l'hiver.

- Appapé, criait une petite fillette avec alégresse. Appapé !

Et les éclats de rire se poursuivaient, insouciants et sincères.

Rassemblés dans le jardin de la petite demeure, trois enfants se couraient les uns après les autres avec une innocence touchante. Abelforth venait juste de se faire attraper par sa petite sœur qui jouait au loup, et cette dernière s'égosillait face à sa victoire.

- Attrapé, la corrigea Albus, l'aîné, non sans se départir de son demi-sourire.

- Appapé, appapé, répéta Ariana, accrochée à son autre frère qui se laissait gentiment dominer, un rire coincé dans la gorge.

Albus voulut la reprendre une nouvelle fois, mais le gloussement de sa mère le retint dans sa lancée. Cette dernière, emmitouflée dans un long châle, les observait depuis la fenêtre ouverte de la cuisine et n'en finissait plus de se complaire dans ce bonheur simple et essentiel.

Consciente de provoquer l'hilarité de sa mère, la fillette n'en finissait plus de répéter « Appapé, appapé ! » comme s'il s'agissait de la meilleure plaisanterie au monde. Engorgée d'orgueil, la petite Ariana se savait le centre d'attention de tous et poursuivait ses méfaits en courant cette fois-ci après Albus. Cependant, ce dernier semblait moins décidé qu'Abelforth à se laisser faire. Aidé de ses longues et fines jambes d'enfant, le garçon s'enfuyait à toute vitesse autour de la petite, incapable de le saisir. Pourtant elle ne se vexait point d'une telle marque de supériorité et riait de plus belle en tournant sur elle-même pour ne pas le perdre de vue. Soudainement instables et moins habiles que ceux de son aîné, ses pieds s'emmêlèrent et elle chuta lourdement dans la neige.

Si des larmes commencèrent doucement à se frayer un chemin à travers ses pupilles, elles furent stoppées net par la nouvelle franche rigolade de Kendra. Contaminé par la gaieté de sa mère, Abelforth s'esclaffa à son tour en applaudissant à tout va.

Rassurée d'être toujours la reine du spectacle, Ariana sourit, ravala ses larmes, et essaya de se lever. Empêtrée dans la neige et moins dégourdie que ses grands frères, la petite fille eut du mal à vaincre la gravité. Albus vint à sa rescousse et la saisit sous les aisselles pour la redresser.

Elle mit quelques secondes à retrouver son assurance et son équilibre. Mais à peine fut-elle sûre de sa stabilité qu'elle tendit ses deux petites mains vers son grand frère et s'égosilla :

- Vais appaper !

Et les rires reprirent tandis que le cirque des trois enfants se poursuivait inlassablement.

Irradiée de bonheur, Kendra les observa encore quelques instants avant de refermer la fenêtre entrouverte et de tirer les rideaux. La nuit pointait doucement le bout de son nez et le froid finirait bientôt par être trop virulent pour les laisser plus longtemps jouer dehors.

Pourtant la jeune femme ne souhaitait pas briser ce doux moment d'hilarité entre ses si précieux enfants.

Alors qu'elle resserrait le châle autour de ses épaules et venait à son tour affronter la bise violente de la côte, Kendra entendit distinctement un petit « pop » et son sourire s'élargit.

Elle n'était pas la seule à disposer d'une fine ouïe, car aussitôt des cris résonnèrent à leur tour.

- Papa ! Papa ! s'écrièrent les deux rouquins en se précipitant dans les bras de Perceval qui rentrait juste.

La Déliquescence de l'EspoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant