Les maîtres n'étaient pas seuls; deux autres cavaliers les accompagnaient. À mesure qu'ils se rapprochaient, je pouvais discerner les visages. Les Becker, père et fils, Mr. James, et un homme mulâtre dont il était difficile de reconnaître le visage en raison du bandana qui le dissimulait partiellement.
Lorsqu'ils atteignirent le perron, le visage de Madame Caroline se crispa. Elle salua son mari, puis tourna les talons manifestement en colère, pour des raisons que j'ignorais. En revanche, Miss Jane arborait un large sourire, probablement destiné à Mr. James. Je pouvais sentir le regard pesant de Mr. John Junior sur moi et m'efforçais de l'éviter. Cependant, mon attention dériva vers le mulâtre, qui n'était autre que...
"HANNIBALLLLL!" Un large sourire illumina mon visage en réponse au sien. Une main secoua mon bras; c'était Marie qui me faisait comprendre que les maîtres John, James et Jane étaient toujours présents. Je m'excusai automatiquement.
"Apparemment, Hannibal, tu as du succès auprès des femmes," commenta Mr. James.
"Des femmes, je ne crois pas," rétorqua hautainement Miss Jane. "Des négresses, oui, certainement. Et ce ne sont pas des femmes. Ne nous mélangez pas cher James."
"Oui, bien sûr, Mlle Jane," répondit Mr. James.
"Rentrons," dit sèchement Mr. John, me lançant un regard haineux. "J'ai besoin d'un verre."
Lorsque je fus certaine que tout le monde était rentré, je me jetais dans les bras d'Hannibal. "Oh, Hannibal, ça fait si longtemps."
"La belle Nala, tu as tellement changé," me dit-il en me faisant tourner sur moi-même. "Tu es magnifique, ma belle."
Je souris comme une idiote, heureuse de retrouver une vieille connaissance. Derrière les rideaux, une paire d'yeux bleus avait assisté à toute la scène.
La journée s'écoula à une cadence effrénée. Peut-être était-ce la présence d'Hannibal qui rendait le temps élastique, mais cette journée se tint parmi les plus belles de ma vie. Le dimanche, les maîtres nous octroyaient le quartier libre, et c'est avec Hannibal que je décidai de flâner. Nous avions été inséparables dans notre enfance. Hannibal avait vécu trois années à nos côtés, l'année suivant le départ de Mr. John Junior. Mama Din avait pris soin de lui, et tous deux partagions la chambre de Mama. C'est grâce à Hannibal que j'avais appris à lire, à l'âge de 9 ou 10 ans, alors que lui-même n'avait que 12 ans. Hannibal était comme un baume guérisseur sur les blessures infligées par quatre années de tourments aux côtés de Mr. John Junior. Plus tard, il partit trois ans durant, rejoignant sa mère, dont j'appris qu'elle était la maîtresse noire du maître, faisant d'Hannibal le frère de Miss Jane et de Mr. John Junior. C'est alors que je compris pourquoi Miss Caroline haïssait Hannibal.
De retour de notre promenade, main dans la main, je ressentais une connexion profonde avec Hannibal. Dans son regard, je percevais une lueur particulière, une attirance reconnaissante mêlée de souvenirs d'enfance. C'était comme si nos passés communs tissaient des liens invisibles entre nous.Pendant notre marche, Hannibal et moi partageâmes des éclats de rire, remémorant des souvenirs de nos jeux d'enfance. Il évoqua avec tendresse les moments où il m'avait appris à lire, et je me remémorai avec gratitude chaque instant passé à ses côtés. L'atmosphère était légère, empreinte d'une complicité retrouvée.
"Nala," murmura-t-il, un sourire taquin jouant sur ses lèvres, "tu te souviens du temps où nous cachions des petits trésors sous le vieux chêne ?"
Je ris, replongeant avec délice dans ces moments simples et heureux de notre enfance. "Bien sûr, Hannibal. Ce chêne était notre refuge secret."
Son regard ne me quittait pas, et je sentais une tension subtile dans l'air, comme si le temps avait laissé émerger des sentiments complexes. "Nala, tu es toujours aussi belle," confessa-t-il, son sourire se teintant d'une pointe de timidité.
Je lui rendis son sourire, consciente d'une connexion particulière entre nous, forgée au fil des années. "Toi aussi, Hannibal, tu n'as pas changé. Tu restes la personne qui a éclairé les jours sombres de mon enfance."
Notre sérénité fut brisée par l'irruption furieuse de Maître John, armé d'un fouet. Il saisit brutalement mon bras, déclenchant un frisson de terreur en moi. Le coup de sa gifle retentit violemment, faisant craquer ma mâchoire, puis il me poussa violemment au sol.
C'est à ce moment-là qu'Hannibal, instinctivement protecteur, s'interposa. "Où étais-tu, négresse ? Tu as essayé de t'enfuir, hein ?" gronda le maître.
Hannibal prit la parole, tentant de calmer la fureur du maître. "Non, maître, nous étions simplement en promenade."
"La ferme," rétorqua Maître John avec mépris. "Si mon père ne t'avait pas affranchi, je t'aurais battu."
"Maître, je vous assure, nous n'avons rien fait de mal," plaidai-je, la voix tremblante.
"Tu vas voir, je vais t'apprendre à être moins frivole et paresseuse," annonça-t-il en me traînant par les cheveux jusqu'au quartier des esclaves, me frappant de coups de bottes, tandis qu'Hannibal tentait de me protéger autant que possible.
"Pitié, maître, suppliais je."
"Que se passe-t-il ici ?" tonna Mr. Becker 1er du nom, suivi de Mr. James et de Miss Jane.
"Cela ne vous regarde pas, père. C'est mon esclave, si je veux la punir, c'est mon affaire," hurla Maître John.
Mr. Becker, plus calme et autoritaire, répliqua, "Peut-être, mais c'est mon domaine, et le dimanche, les esclaves ont le droit de faire de cette journée ce qu'ils veulent."
"Père, c'est MON esclave !" protesta Maître John.
"Et je suis le propriétaire de ce domaine. Cesse ce cirque tout de suite et relâche cette femelle," ordonna Mr. Becker d'un ton sévère.
Jetant le fouet avec colère, Maître John cracha méprisamment et retourna furieux dans la maison. Tremblante de peur, je m'appuyais sur Hannibal, mon sauveur, qui me porta jusqu'à ma chambre.
Ce soir-là, j'étais exempte du service, et même Miss Jane, compatissante, m'offrit un baume cicatrisant. La journée idyllique avait cédé la place à une cruelle réalité, mais dans les bras d'Hannibal, je trouvais un réconfort précieux.
VOUS LISEZ
POUR L'AMOUR D'UNE ESCLAVE.
RomanceArrachée à sa terre natale de force et vendue en raison de la méchanceté de sa belle-mère, Nala est parquée comme du bétail sur un bateau. À seulement 5 ans, elle foule pour la première fois le sol des États-Unis, destinée à être la compagne d'une p...