Chapitre 8 - Secret des écuries

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Deux jours s'étaient écoulés depuis ma dernière rencontre avec le maître John Junior, un répit bienvenu. Je reprenais mes activités habituelles au service, occupée à brosser les cheveux soyeux de Miss Jane.

"Tu m'entends, ROSSEEUUHHH !" cria-t-elle en agitant les doigts devant mon visage.

"Oui, miss, je suis vraiment désolée."

"Je n'en peux plus de vous, les nègres ! Espèce de bonne à rien, tu ferais mieux de t'appliquer aujourd'hui. Je veux être magnifique ce soir."

"Oui, miss, je vous demande pardon. Je ferai de mon mieux."

"Tu as intérêt, James sera là-bas, et je veux l'éblouir. Toutes les jeunes filles célibataires de bonne famille seront présentes. Je dois me démarquer."

"Oui, miss."

"Applique-toi, sinon je te ferai fouetter. Tu m'as comprise ?"

"Oui, miss." Osai-je ajouter, "Puis-je vous demander où vous allez ce soir, miss Jane ?"

Elle se retourna vers moi, me toisant avec mépris. "Tu as du culot, esclave, de me poser cette question. Ne sais-tu pas que c'est le dîner de présentation officiel des fiançailles de John Junior et de Margaret Hamilton ?"

"Non, miss, je l'ignorais."

"Tu es vraiment très peu futé. Tu penses que tous les allers-retours entre père et John sont seulement pour les affaires ? Même si en y réfléchissant, c'est certainement pour leur argent que père veut marier John à Margaret. De plus, l'on raconte que c'est une vraie peste. Bref, je plains ce pauvre John. Il n'a..."

Perdue dans mes pensées, je n'écoutais plus Miss Jane. Apparemment, John allait se marier, ce qui me procurait un soulagement, mais un autre sentiment émergea que je refusais d'explorer.

"Ils se marieront le mois prochain, car John veut s'installer dans un autre état, et père exige qu'il soit marié avant de partir. Bref, assez parlé de lui. Toi, avec ta tête de cadavre, tu n'es pas présentable. Quand tu auras fini de me préparer, tu diras à Joséphine qu'elle m'accompagnera au dîner ce soir."

"Bien, miss."

Miss Jane prête, je me rendis en cuisine à la recherche de Joséphine.

"Vous n'avez pas vu Joséphine ?"

"Maître John Junior lui a donné des culottes à recoudre. Elle est allée dans sa case chercher des boutons," répondit Mama Din.

"Des boutons ? Pourquoi aller aussi loin ? Sa case est bien trop éloignée de la maison des maîtres. Ma chambre est dans la maison, j'en ai plein. C'est vraiment illogique."

"Joséphine s'adonnait déjà à un comportement illogique quand tu n'avais même pas encore de seins," ajouta Marie en riant.

"Tu ferais mieux de te mêler de tes affaires, Marie, et de ne pas raconter de bêtises devant Rose," m'interposai-je.

"Je ne peux pas. Miss Jane veut que ce soit elle qui l'accompagne."

"Pourquoi pas toi ?" demanda Marie.

"Tu as vu ma tête ? Elle ne veut surtout pas que mon œil au beurre noir et ma lèvre fondue gâchent la soirée."

"C'est vrai que tu as une sale tête," me dit Marie en me caressant la joue.

"Bon, ce n'est pas tout, mais je dois retrouver Joséphine, sinon Miss Jane va s'énerver contre moi, et je ne veux pas de problèmes."

En sortant de la cuisine, j'entendis Marie dire à Mama Din, "Tu ne pourras pas toujours la protéger, Mama. Sa chance, c'est qu'elle vive dans la maison du maître avec toi, mais tu ne lui rends pas service en lui cachant la réalité."

"C'est encore une enfant."

"Aux yeux des Blancs," dit Marie amèrement, "nous ne sommes que des animaux, enfant ou pas. Ce qu'ils veulent, ils le prennent."

"Chut, Marie, ne parle pas ainsi ici. On pourrait t'entendre," réprimanda Mama Din, et le bruit d'une chaise déplacée me fit comprendre que l'une d'elles venait certainement fermer la porte. Je m'enfuis aussi vite que je pus. Que voulait dire Marie en parlant de cacher la réalité ? Quelle réalité ? Je devrais encore interroger quelqu'un pour en savoir plus, mais pour l'instant, je devais trouver Joséphine.

Je me rendis dans sa case, dans la buanderie, dans l'entrepôt, partout. Il était peu probable qu'elle soit dans les écuries, mais c'était mon dernier espoir. J'entrai dans l'énorme bâtiment qui abritait une vingtaine de chevaux des maîtres. Personne n'était là.

Alors que je m'apprêtais à sortir, j'entendis des bruits venant du fond du bâtiment. À pas de loup, je me rapprochais du box. Cela pouvait être n'importe quoi : un animal, un voleur, un esclave en fuite. Je devais faire attention.

J'étais sous le choc. Sous mes yeux, deux personnes nues : Joséphine à quatre pattes, dégoulinante de transpiration et haletante comme une jument, et derrière elle, la culbutant avec violence, John Junior. J'étais tétanisée, le visage de Joséphine enfoui dans le foin, mais ses gémissements exprimaient un plaisir réel, ainsi que ces mouvements de bassin qui accompagnaient ceux du maître avec entrain. 

 Mes yeux glissèrent sur lui, un torse large et musclé, un ventre plat, des pectoraux luisants d'une fine transpiration, des bras forts maintenant fermement ses hanches. C'était la première fois que je voyais deux personnes coucher ensemble. J'avais déjà assisté à des scènes de reproduction d'animaux, mais cela était totalement différent. Je ne savais pas pourquoi, mais je ressentais de l'envie, choquée par ce sentiment, je me fustigeais de colère contre moi-même. Mais qu'est-ce qui me prenait ?  Mon regard glissa sur ces lèvres rose entre ouvertes sur lesquelles naissaient un sourire pervers et ces yeux bleu d'une profondeur fixé sur moi. 

SUR MOI!!! je sursautais honteuse et lui n'était manifestement pas gêné de la situation puisqu'il accéléra la cadence tout en me fixant son sourire pervers  ce qui plut certainement à Joséphine puisqu'elle se mit à crier plus fort. Sans attendre une seconde de plus je couru jusque dans ma chambre.

POUR L'AMOUR D'UNE ESCLAVE.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant