Chapitre 5 - regard revolver

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"Rose, où étais-tu passée?" demanda Mama Din d'un ton sévère en me croisant dans la cuisine.


"Prendre un bain, Mama," répondis-je timidement.


"Toi et tes satanés bains, c'est ça qui te perdra un jour," gronda-t-elle. Ah, Mama Din, pensais-je, si tu savais, je suis déjà perdue.


"Ne reste pas là, Monsieur est dans son bureau avec son fils, et le repas va bientôt être servi. Maître John Junior a demandé après toi. J'ai dû inventer un mensonge pour te couvrir."Le salopiaud savait très bien où j'étais.


"Pardon, Mama, je suis désolée. Dis-moi ce que je peux faire."


"Va auprès de ta maîtresse. Elle est rentrée dans une colère noire quand elle a compris que son frère n'était pas accompagné par Maître James."


"Ah non, Mama, je n'ai pas envie de prendre des coups. Si elle ne m'appelle pas, je préfère t'aider ici."


Soudain, Marie entra dans la cuisine. "Mama Din, la maîtresse veut que le repas soit servi maintenant."

"Allez, allez," me dit Mama en me déposant une carafe d'eau dans les mains et en me poussant vers la sortie. "Va faire ton boulot." Comme si j'avais le choix, murmurai-je.


"Qu'est-ce que tu as dit, Rose?"


"Oh non, rien, Mama."


"C'est bien ce que je croyais. Allez, ouste."Que Dieu me protège.


La tension persistait dans l'air pendant le repas, comme une tempête silencieuse prête à éclater. Les regards perçants de Maître John Junior semblaient scruter chaque geste, chaque expression sur mon visage. Les couverts cliquetaient sur les assiettes, les chuchotements étouffés remplissaient la salle à manger, et le bruit des verres se choquant résonnait comme un écho de l'atmosphère tendue.


Madame Caroline, assise en face de son fils, arborait une expression sévère et le scrutait avec une certaine méfiance. Maître John, lui, gardait son regard fixé sur moi, comme s'il cherchait quelque chose, ou plutôt quelqu'un, à blâmer.


Le repas avançait, et je sentais la pression monter à mesure que chaque plat était servi. J'essayais de rester aussi discrète que possible, de ne pas croiser le regard de Maître John Junior. Pourtant, à chaque mouvement de sa part, à chaque parole prononcée, je ressentais un poids supplémentaire sur mes épaules.La conversation à table était banale, mais la tension sous-jacente était palpable. Maîtresse Becker tentait de sourire, mais même son rire sonnait faux, comme si elle aussi percevait l'orage qui grondait silencieusement.


Soudain, Maître John Junior brisa le silence tendu. "Rose, pourquoi ne t'es-tu pas présentée à moi comme les autres esclaves quand je suis arrivé ?" Son ton était calme, mais le mépris perçait chaque mot.


Je baissai les yeux, essayant de contrôler ma respiration. "Je m'excuse, Maître. Je n'ai pas entendu votre arrivée."


"Une telle négligence mérite une punition, n'est-ce pas?" lança-t-il, fixant son regard dans le mien.


"John, ne commence pas," intervint Madame Caroline d'un ton sévère.Il ignora sa mère et continua à me fixer. "Réponds, Rose."


"Oui, Maître," articulai-je timidement les dents serrés.


Un silence pesant s'abattit sur la table. Chacun retenait son souffle, attendant la réaction de Maître John Junior. La tension était à son comble, et je sentais le poids de ses yeux sur moi comme une épée suspendue au-dessus de ma tête.Finalement, il détourna le regard, semblant satisfait de mon admission. La tension persista tout au long du repas, et même lorsque les derniers plats furent retirés, une atmosphère oppressante enveloppa la salle.


Après le repas, je m'empressai de quitter la salle à manger, sentant le soulagement me gagner. Mais je savais que la tension entre Maître John Junior et moi ne s'était pas dissipée. Elle flottait dans l'air, prête à ressurgir à tout moment, transformant chaque instant en un défi constant. Et ainsi, les jours à venir promettaient d'être empreints d'une anxiété palpable, une ombre menaçante planant sur ma vie quotidienne.


Le lendemain, à ma grande surprise, ce fut une belle journée. Les hommes Becker étaient partis avant le petit déjeuner en ville dans leur seconde propriété. Je n'y ai jamais mis les pieds, car ni Madame Becker ni Miss Jane ne veulent s'y rendre. Lorsque, des années plus tôt, j'avais demandé à Mama pourquoi, elle m'avait répondu avec une tape sur la tête que ce n'était pas mes affaires. Mais après avoir insisté auprès de Marie, elle me raconta que c'était là-bas que vivait la maîtresse noire du maître, ainsi que son fils mulâtre.


Ainsi, je passais deux semaines de paix. Même les coups de Miss Jane ne me faisaient plus rien. J'avais pris une nouvelle décision : je ne prendrais des bains que lorsque je serais absolument sûre que Mr. John Junior ne serait pas dans le domaine. 


J'étais dans la cuisine avec Marie lorsque Henrie nous demanda de nous rendre devant la maison pour accueillir les maîtres. Et oui, il y a toujours une fin à tout.

POUR L'AMOUR D'UNE ESCLAVE.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant