Jamais sans regrets

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Les quelques gouttes qui tombaient dehors étaient le seul bruit qui retentissait dans la pièce. La lampe nous éclairait d'une lumière jaunie, et la chaleur du foyer donnaient une ambiance confortable. Pourtant c'était tout le contraire. Tout le monde regardait ses pieds, sauf Gabin qui dormait sur mon épaule, et Ethan, assis sur sa chaise à gauche du canapé, qui mordait sa lèvre inférieure si fort qu'il se faisait de nouvelles plaies. Il avait un énorme cocar sur l'oeil gauche et des petites égratignures un peu partout, y compris là où le couteau lui avait éraflé la lèvre.

《Qu'est-ce que tu va dire à tes parents ? dit Nolann d'une toute petite voix, brisant le silence qui perdurait depuis déjà bien vingt minutes.
- J'm'en branle Nolann.
- Ethan, c'est finit. La guerre est finie. Il faut que tu penses à toi maintenant.
- J'ai même pas réussi à vanger mon pote !
- Mais putain mais vous allez nous expliquer ce qu'il s'est passé tous les trois ? 》

Le silence se fait ressentir, et Ethan lève les yeux vers moi sans expression. Je jette un œil à Gabin qui dors sans se soucier de rien sur mon épaule.

《Un mec m'a embrassé, j'ai reculé il a continué, et Ethan a cru que je me laissait juste faire.》

Il me lance un regard noir et se tais.
Tout le monde se regarde, gêné.

《Je vais me coucher.》

Dis-je en me levant. Gabin ouvre les yeux, un peu perdu. Visiblement, c'était le seul qui n'avait pas dessoûlé. Je passe son bras par dessus les épaules pour l'amener avec moi, il vaut mieux qu'il dorme. Arrivée dans la chambre d'Ethan qu'il nous avait décernée plus tôt, je l'allonge sur le lit.

《Faut dormir là ?
- Oui Gabin, il faut dormir.
- Mais faut... attends... jcrois il faut..
- Non Gabin, c'est pas grave. Dors.》

Je l'embrasse sur le front et m'allonge à côté de lui. Il s'était prit la cuite de sa vie certainement. Et ça c'était confirmé une demie heure plus tôt pendant qu'il vomissait tout ce qu'il avait avalé. Immédiatement, il me prend contre son torse, et me serre contre lui. Et c'est à cet instant précis, cet instant où, même complètement saoul, en train de somnoler, et qu'il a tout de même pensé à me prendre contre lui, à cet instant où j'ai ressenti sa chaleur corporelle m'envahir, que j'ai compris mon erreur ce soir. Qu'aucun baiser ne valait mieux que son amour. Que je commençait à avoir des sentiments pour lui.
Je finit par trouver le sommeil, pleine de culpabilité.

La nuit fût longue. Je n'arrêtais pas de me réveiller. Et chaque fois, je me tournait vers le visage paisible de Gabin, et je vérifiais qu'il dormait bien. Il avait toujours l'air dans un sommeil profond. Sûrement à cause de l'alcool d'ailleurs.

Au petit matin, quand les premier rayons du soleil s'infiltrairent dans ma chambre, je sort de mon sommeil. Je sors délicatement du lit, et j'observe mon amoureux, pas prêt de se réveiller.
"Désolée d'avoir gâché ton anniversaire." je pense. Je n'aurai pas pu mettre en place mon idée pour que son anniversaire soit genial. Et en plus j'aurais semé le chaos. Je le recouvre avec la couette, et sors de la chambre. Je vais sur la petite véranda d'Ethan, et m'acoude au balcon. Il devait être au alentours de sept heures trente. Le vent glacial du petit matin breton ébouriffe mes cheveux lissés et en désordre, et au milieu du ciel rosé et bleuté, un soleil blanc platine éboulis mon visage pâle et mes yeux verts. Dans un soupire, je crée un petit nuage de brouillard, comme si je recrachait la fumée d'une cigarette. Je sursaute au bruit de la porte coulissante qui s'ouvre derrière moi.

《T'es réveillée de bonne heure dis-donc.》

Je regarde mon interlocuteur aux cheveux rouge et roses. Il avait des cernes énormes et un visage fermé.

《J'ai quasiment pas bu, et j'avais l'esprit préoccupé. J'avais un sommeil léger, deux rayons de soleil sur mes paupières fermées et me voilà debout.
- À qui le dis-tu, j'ai pas fermé l'oeil de la nuit. 》

Il portait une sorte de pantalon large de pyjama jaune à carreaux, et un énorme sweat thrasher noir. Il faisait vraiment froid. Je me sentais un peu stupide avec mon large tee-shirt à manche courtes blanc, et mon mini short noir que je porte parfois quand je dors chez des amis l'été, histoire de ne pas être en sous-vêtements.
Ethan vient s'assoir sur une petite chaise de jardin à côté de moi, et s'allume une cigarette. Il expire la fumée que j'observe se dissiper au loin.

《Viens t'assoir face à moi.》

Je m'exécute, et m'assoie sur l'autre chaise, face à la sienne, même pas interceptée par la table de jardin en métal. Arborant les cicatrices,
ses lèvres s'ouvrent et se ferment. À intervalles réguliers. Comme dans un certain rythme. Sa langue fait d'étranges mouvements, et jamais ses dents ne se touchent. Le son qui sort de sa bouche est rauque, un peu comme si il venait de se réveiller. Sous ses airs de grand, il était en fait tout petit. Et c'est là, au milieu de sa phrase - que je n'écoutais point - ressortirent ces mots :
"... je tiens à toi." qui arrivèrent jusqu'à mon cerveau, entrés par mes oreilles, et me sortirent de ma rêverie.
Mon regard quitte ses lèvres et se dirige vers le sien, posé sur le haut de mon crâne, à la racine de mes cheveux.
《Eh, tu m'écoutes au moins ?》
Je saisi ses deux mains dans les miennes, et je baisse les yeux en leur direction.
À voix basse, je murmure :
《Je sais que tu tiens à moi.》
Pour toute réponse, il me sourit. Il passe sa main dans mes cheveux et les ébouriffe.

《Je sais pas comment j'ai fait pour autant m'attacher à une petite bouille comme toi en si peu de temps.
- Attends, Ethan... Qu'est-ce que tu va dire à tes parents pour toutes ces cicatrices sur les lèvres, et ce coccar sur l'oeil gauche ?
- Je sais pas. Je suis pas un bon exemple pour mes sœurs, mes parents n'ont aucune raison d'être fiers de moi... j'ai honte.
- Qu'est-ce qui t'as rendu "comme ça" ? Tu te décrit comme un échec.
- Quand j'étais en troisième, j'ai pas eu les meilleures fréquentations qu'il soit. C'est là que j'ai commencé à faire du skate, et je me suis fait plein de potes au skate park. Mais des potes de l'âge que j'ai maintenant. Et tu sais, on veux pas faire le rabat-joie, puis ça te plaît. J'ai commencé à boire, à fumer  et pas que du tabac... Je mentais à mes parents pour traîner tard le soir, j'ai décroché les cours, et ça a fait qu'empirer. Je me suis forcé à rester jusqu'à la fin du lycée, histoire d'avoir au moins le bac, de pouvoir avoir quelque chose sur quoi me baser dans ma vie. Pfff, la blague, mon bac vait rien de toutes façons, puisqu'on nous l'a donné. Et ducoup, bah... j'ai pas vraiment eu le temps de préparer mon avenir. Et là je ne sais pas quoi faire de ma vie.
- T'as même pas une petite idée ?
- Pas la moindre.
- Qu'est-ce que tu aimes faire ? À part du skate.
- Je ne sais pas trop. J'aime bien tout ce qui touche à la mer je suppose que c'est pour ça que je suis bien ici. Mon père est marin, et il m'amenais naviguer avec lui de temps en temps quand j'étais gosse, quand j'avais pas encore la flemme de me lever à quatre heures pour me cailler sur un bateau.
- Pourquoi tu prendrais pas la relève ?
- Mon père n'est pas prêt de partir à la retraite, et puis, ça coûte cher d'acheter un bateau, tout ça...》

Je réfléchis un instant. Il écrase sa clope sur le cendrier et la laisse tomber à l'intérieur, avant de s'en rallumer une autre.

《T'as qu'à faire skipper ! Ça rapporte beaucoup, à la limite, tu devras juste payer ton permis bateau, et il ne me semble pas que les études pour ça necessites des compétences spécifiques. En plus t'aurais même pas à déménager et il ne me semble pas que ce soit le genre de job qu'il manque ici !》

Il m'ébouriffe de nouveaux les cheveux et me sourit.

《Qu'est-ce que je ferait sans toi ma petite Lou. Je me renseignerais.》

Nous continuons à parler de tout et   de rien une trentaine de minutes, jusqu'à ce que le soleil soit complément levé. C'est Matteo qui nous rejoint le premier. Lorsqu'Ethan écrase sa dernière clope contre le cendrier plein, il entre sur la véranda, en se frottant un œil de sa main gauche.

《Les gars... je crois que j'ai un problème...
- C'est-à-dire ? je lui demande, d'un air inquiet

Et c'est là, lorsque je le vis, j'en eu le souffle coupé. Mes yeux s'écarquillent comme si ils étaient prêts à sortir de leurs orbites, et quand je tourne mon regard vers Ethan, je constate qu'il avait la même expression.
Et c'est là que je me suis demandé :
"Mais putain, mais c'est quand qu'on va avoir une journée sans drame".

inspired by a dreamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant