Le plan

69 6 7
                                    

Je me réveille avec un mal de crâne énorme. Je dormais littéralement sur Nath. Et merde ! J'espère que Gabin ne l'apprendra pas dans quel cas il pourrais vraiment mal le prendre. Je constate que nous étions tous les deux étalés a même le sol. Tout me reviens lorsque j'aperçois Jeanne qui dormais sur le canapé.

Je regarde les notes de la veille. Tout était relativement cohérent jusqu'à ce que je commence à être pompette puis mes notes partent clairement en freestyle. Je m'en voulais terriblement de ne pas être capable d'aider mon amie à ce point. Déjà que je n'avais vraiment pas été présente ce dernier mois, en plus maintenant que je décidais de vraiment entreprendre quelque chose je finissait par me bourrer la gueule chez mon ami. Pendant que tout le monde dormait, je prend le téléphone de Jeanne. Mon empreinte était enregistrée dedans, alors j'allais peut-être pouvoir faire quelque chose pour une fois. Je regarde ses conversations avec sa mère. Jeanne lui avait envoyé une tonne de messages sans réponses depuis la veille. Je jette un œil à mes notes. Vu tout ce qu'il s'était passé depuis que sa mère exerçait son activité actuelle, il y avait de fortes chances que si un éducateur l'apprenne, elle soit envoyée en foyer. Son père étant sorti de sa vie depuis des années, elle pourrait y être envoyée, mais il ne la garderait pas longtemps non plus, et juste à constater son mode de vie, la décision serait vite prise.

Je reçois - enfin Jeanne reçois - soudain un message de sa mère.

"Je suis désolée, ma fille.
Nous avions besoin d'argent pour garder la maison, et je sais à quel point tu tenais à ne pas déménager. C'était la solution la plus simple malgré qu'elle soit dangereuse. Je comprendrais que tu ne veuille plus m'en parler, ou que tu ne me pardonne jamais. Car comme je te l'ai toujours dit, tout est excusable, mais pas tout n'est pardonnable. Et j'en ai conscience. Pour ce qui est du problème que tu as avec les élèves de ton lycée, tu pourra leur raconter ce que tu veux sur moi. Si ça peut t'aider. J'essaierais d'en parler avec la cpe de ton lycée. Et pour tes tca, si tu acceptes, je prendrais contacte avec une psychologue. Et enfin, pour ce qui est de ta copine, ça m'a fait un peu drôle, mais je me doutais que tu n'aimais pas trop les hommes alors, ce n'est pas à moi de décider de qui tu aimes. Tu n'es pas obligée de répondre tout de suite voire de répondre un jour à ce message. Je suis encore désolée ma fille."

Je verrouilles son téléphone et le pose a coté de son oreille. Sa mère avait beaucoup mieux géré le problème que moi, et c'était normal, je n'avais même pas à m'en mêler. J'aurais simplement dû essayer de la réconforter.

Je me fais un café et sort le boire dans le jardin de Nath. Au final, peut-être que tout - ou au moins une bonne partie - de nos problèmes rentraient dans l'ordre ?
Je me dit alors que Jeanne avait peu être besoin d'ouvrir ce message seule, même si elle avait aussi besoin que je revienne dans sa vie. Je décide alors d'aller voire si Gabin va mieux, et dépose un petit post it à côté de l'oreille de Nathan pour lui dire d'essayer de laisser Jeanne seule. Je jette un œil aux horaires de visites de l'hôpital, celle du matin commençait dans une demie heure.

Je prend alors le premier bus et me rend directement là bas. J'attends une dizaine de minutes à l'extérieur histoire d'attendre les horaires de visites et je me rend à l'accueil avant de monter à son étage. Je toque à sa chambre, et je rentre.

Il venait certainement tout juste de se réveiller.

《Ça va mieux ?》

Je m'assoie sur la chaise en face du lit.

《Je sors dans deux heures. Je sais même pas pourquoi je doit rester allongé.》

Il se redresse pour s'assoir contre le dossier. Il a un petit temps de planement, sa tête à l'air de tourner.

《Et toi, bien dormit ?
- Jeanne a des problèmes. Je l'ai ramenée chez Nath et on s'est bourré la gueule. Je suis vraiment qu'une idiote.
- Pourquoi donc ?
- J'ai pas été la pour elle de l'été, alors que j'étais sensée passer le mois chez elle. Et là, elle avait vraiment besoin de moi. Bien plus que toutes les fois où j'étais à l'autre bout de ma France. Et comme par hasard, c'est maintenant que je dormais à deux centimètres d'elle que je n'ai pas été présente.
- Tu regrettes d'avoir passé du temps avec nous ?
- Absolument pas ! Je trouve seulement ça super égoïste de ma part.
- Je comprends.
- Ça l'est ?
- Je suppose que je devrais dire non, mais... oui, ça l'est.
- De toutes façons, j'en avais bien conscience, tu peux me le dire.
- Bon, qu'est-ce que tu fais là, tu devrais pas être avec elle à l'aider maintenant plutôt ?
- Non, sa mère s'est chargée d'arranger les choses et je pense qu'elle va avoir besoin d'être seule.
- Je vois. C'est par rapport à la rumeur comme quoi sa mère est une prostituée c'est ça ?
- Attends. J'ai bien entendu "rumeur" ?
- Bah, oui. Rien n'est validé. Pourquoi s'en est pas une ?
- Ne me fait pas dire des choses que je vais regretter et developpe s'il te plaît.
- Gaspar Kennec-Luizan, tu vois qui c'est ?
- Non, mais c'est pas grave developpe.
- Il passe sa vie à dire qu'il va aux putes et à extrapoler ce type de conneries. Un jour il a envoyé une photo de la mère de Jeanne qui apparemment marchait au milieu de cette rue avec un grand manteau dissimulant des "vêtements légers" à Loïc, sont meilleur pote. Gaspar connaît la mère de Jeanne, ses parents travaillaient avec elle à l'hôpital. Loïc a donc commencé à raconté à tout le monde que Gaspar s'était tapé celle-ci, et qu'il en avait eu pour pas très cher en plus. Mais la photo personne ne l'a vue, apparemment c'était un snap et comme par hasard aucun des deux ne l'avaient enregistré et en plus ça ne veut pas dire grand chose. Et puis ces deux là n'arrêtent pas de tout extrapoler. Alors personnellement je n'y crois pas, et pas mal de gens sont de mon avis.
- Oh putain c'est génial.
- Tu pensais que s'en était une ?
- Je pensais que tout le monde en était persuadé du moins. Mais tant mieux, on peut encore sauver les meubles.》

Je prends immédiatement mon téléphone pour envoyer un message à ma meilleure amie :

"Je sais comment faire croire a tout le lycée que ce n'était qu'une rumeur. J'ai vu le message de ta mère, pardonne là. Puis des que tu te sentira mieux, appelle moi et je t'expose mon plan. Bisous."

Sans dire à Gabin que la rumeur était en fait vraie, je lui expose mon plan pour voire si il était au moins plausible.

《L'idée serait parler avec la cpe de votre lycée, pour la convaincre de nous suivre dans notre idée. Je peux m'en charger avant de partir, je lui enverrais un mail. Nous photocopierons le diplôme d'infirmière de sa mère en une centaine d'exemplaires que vous afficherez partout dans le lycée, avec un message "stop aux rumeurs". Ensuite, je me chargerais personnellement de votre Gaspar et de votre Loïc, j'aurais juste besoin de leurs insta ou d'un moyen de communication. Et enfin, nous divulguerons une rumeur stupide à l'égard de ceux-ci, et nous attendrons un mois ou deux avant de dire la vérité, pour qu'ils subissent le même traitement.
- Ah ouais quand même.
- Tu me semble sceptique.
- Je pense que c'est un peu gros pour seulement dissiper une rumeur.
- La rumeur a déjà beaucoup trop tourné comme ça. Peut-être que toi tu n'y croit pas mais je te jure que tout le monde n'est pas dans ton cas. Jeanne reçoit des insultes tous les jours. Mathieu lui a même demandé pour combien elle ferait des choses avec lui.
- Mathieu ? Genre Mathieu notre pote ?
- Absolument.
- Dès qu'il rentre du Cap Ferret je le nique.
- Nan, ça sert à rien Gab'. L'urgent c'est de dissuader tous ces gens.
- Si tu penses que t'y prendre comme ça peut marcher je te suit.》

Je me lève et marche jusqu'à sa fenêtre. Je l'ouvre et m'y accoude. Je ne saurais décrire l'émotion qui m'a traversée à ce moment. Une légère gouttelette de celle ci c'était dailleurs déposé au creu de mon œil. Je regardait Brest. Enfin, cette petite partie de centre ville. Les voitures, les oiseaux qui chantaient, le soleil qui se cachait, le goudron, les murets, mes lampadaires. Toutes ces choses complémenter insignifiantes du quotidien dont je me plaignais même parfois. Et pourtant, d'ici trois jours, je ne les verrais plus. Et pourtant, ça faisait des années que je pleurais, tous les soirs dans mon lit, que je me déchirait cœur et âme, que je me battais dans ma tête contre le manque, à vouloir seulement revoir tout ça. Seulement ça. Je ne saurais décrire la sensation du manque qui grandissait en moi, ni même celle d'y être, et d'enfin réaliser, à trois jours de mon départ, que tout ce que je venais de vivre, je l'attendais depuis des années. À m'en déchirer en mille morceaux. Trois jours. Pour revoir ces bouts de ville Bretonne et m'y rincer l'oeil. Trois jours.

inspired by a dreamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant