impulsif

79 6 0
                                    

Après être allés prendre un café, j'ai toujours un peu de mal avec ce qui venait de se passer. Jeanne n'était pas au courant de ce qui m'étais arrivé il y a six ans, en fait, je n'en avait jamais parlé à personne d'autre que mes parents et ma psychologue de l'époque. Je ne me sentais pas de marcher seule dans la rue jusque chez Jeanne, alors Gabin me raccompagne.

《Et si elle savait ou je crechait et qu'elle venait directement me chercher chez Jeanne pendant la nuit ?
- Abuse pas non plus...
- Elle en est capable j'en suis sûre !
- Mais tu ne la connais même pas...
- Elle est complément tarée tu as bien vu ! Et puis j'ai rien dit à Jeanne par rapport a cette histoire. Pour être honnête, tu es même le premier au courant.
- C'est pas un jour Jeanne, t'as qu'à dormir chez moi si tu veux.
- Avec le caprice qu'il nous font déjà pour avant hier soir ? Si ils apprenne que j'ai dormit chez toi ça va juste empirer les choses...
- Depuis quand on en a quelque chose a faire...?
- Ok, je dors chez toi.》

Nous nous dirigeons donc vers sa maison. Tout le long du chemin, je me colle à mon copain, légèrement tremblante, effrayée de croiser la vieille femme à nouveau. J'avais comme une sensation d'inachevé. Que cette histoire venait de reprendre et qu'elle n'était pas encore terminée.
Nous arrivons chez lui. Je n'étais encore jamais entrée dans sa maison. Ses parents n'étaient pas là, à mon plus grand soulagement. Nous mangeons des restes qui traînaient dans son frigo, puis nous montons à sa chambre. Il me tend une serviette propre :

《Tiens, si tu veux aller prendre une douche, la salle de bain est par là.》

Je prends la serviette et je vais dans la pièce qu'il m'avait indiquée. Je ferme la porte à clefs et je me déshabille. Sous l'eau presque brûlante, je m'assois dans sa baignoire. Je me regarde dans le reflet du bouchon en face, celui qui permet d'ouvrir le bouchon du siphon lorsque l'on se fait couler un bain, tout en réfléchissant à toute cette horrible journée. Je m'endormirai presque ici. Deux ou trois larmes commencent à couler le long de mes joues moites à cause de la vapeur de l'eau chaude. Je les essuies, Gabin était là avec moi ce soir et il ne pouvait rien m'arriver, quant aux autres, Alex et lui avaient sûrement raison. Ça allait leur passer. Je sors de la douche, et je me met un jogging gris que m'a prêté Gabin, avec un t-shirt trop grand qui lui appartient aussi.  Un vieux t shirt qu'un sponsor lui avait passé mais qu'il ne met jamais. Je lui dit que la douche est libre, et dès qu'il quitte la pièce je commence à inspecter les lieux.
Sa chambre est assez sombre, hormis les led mauves qui ornaient le coin d'un de ses murs. Pas grand chose de personnel, si ce n'est deux trois posters, de passions diverses et variées. Je vois posé sur son chevet, une petite boîte jonchée d'un cadre photo. C'était une photo de lui et Ethan, datant d'il n'y a pas beaucoup plus de un ou deux ans sûrement. Ils faisaient les idiots en haut d'une rampe. Je pose le cadre à côté et j'ouvre la petite boîte, prise de curiosité. Elle était en velours noir, pas plus grande que huit ou neuf centimètres de long et cinq ou six de larges. À l'intérieur, se trouvait une petite trentaine de photos polaroïd. Je les regarde, une à une. Surement deux ou trois ne devaient pas être des photos de lui et nos amis skaters, même si il devait y en avoir deux ou trois que je ne connaissaient pas de temps en temps.
Mais surtout, sur la plupart, il y avait Ethan. Toujours avec Gabin, à faire des bêtises, ou avec cette simple complicité constante que l'on remarquait sans même qu'ils ne se regardent. Je range tout, et m'étale de tout mon long sur le lit deux places de mon hôte. Ses draps étaient frais, et s'étaient son odeur. Je fixe le plafond. C'était vraiment de bons amis, d'excellents même, et il m'avait fallu même pas deux semaines, simplement écarter les jambes pour tour foutre en l'air. Et le pire, c'est que je me plaignait. Alors que je ne les connaissait que depuis deux semaines. Deux semaines. Je saisi la photo sur la table de chevet et la contemple. Je prête attention à leurs expressions, leur proximité, à tout. Lorsque Gabin revient, je lui demande, toujours en regardant la photo allongée sur son lit :

《Pourquoi tu préfère te ranger de mon côté alors qu'Ethan est ton meilleur ami ?
- Parce que tu es ma copine.
- Depuis trois ou quatre jours ? Non. Honnêtement.
- ...Parce que c'est le mieux à faire.
- Comment ça ?
- Tu ne sais sûrement pas tout sur Ethan.
- C'est-à-dire ? Tu peux développer s'il te plaît ? 》

Il me prend le cadre des mains, s'assoie à coté de moi et commence à m'expliquer en le contemplant à son tour.

《Ethan a beaucoup de mal à gérer ses nerfs. Il a vu une psy pendant longtemps pour ça, mais cela ne l'a jamais aidé à se calmer pour autant. Il a sûrement quelques soucis psychologiques, mais il n'a jamais rien voulu entendre à ce sujet. Ça le rend... impulsif. C'est pour ça qu'il n'a jamais de copine. L'année dernière, il en avait une. Lysa. Elle n'était pas méchante, en soi. Mais une fois elle l'a trompé. Il était si furieux qu'il a, comme pour toi, commencé à l'insulter très violemment. Elle a un peu trop fais la maligne, et il l'a frappée. Il n'avait pas réussi à se contrôler. Elle a porté plainte et ça lui est retombé dessus. C'est pour ça qu'il ne supporte aucune trahison. Tu as de la chance d'être partie au bon moment, après l'avoir frappé je pense qu'il ne lui aurait pas fallu plus de dix secondes pour te rendre ton coup eg beaucoup plus violemment. Je lui ai déjà demandé des milliards de fois d'accepter de revoir un psy, de passer des tests et d'accepter les médicaments qu'on lui prescrit mais il n'est jamais convaincu. Alors je pense qu'il sait très bien pourquoi je ne lui adresse plus la parole. Je suis meilleur pote, je lui rend simplement service. 》

Je m'assois à côté de lui, pour regarder la photo avec lui. Je ne vois plus Ethan de la même façon que deux minutes plus tôt. Pourtant la photo n'a pas changé.

《Mais c'est grave ce qu'il a ?
- Personne ne sait, pas même lui. Vu qu'il refuse d'admettre qu'il a besoin d'aide. Il a eu dix-huit ans le quinze Février,  et depuis, ses parents ne peuvent plus le forcer à consulter. De toutes façons,  ça ne servait à rien puisqu'il refusait de croire que le psy ne lui voulait que du bien.
- Et il prend combien de temps à se calmer en général ?
- J'espère juste qu'il ne sera pas trop tard quand il se rendra compte de son erreur. Tu t'en va dans deux semaines.
- J'espère aussi alors.》

Il se glisse sous la couette et m'invite à faire de même à côté de lui. Je m'exécute. Il prend son ordinateur portable sur sa table de chevet et propose :

Netflix and chill ? Pour te changer les idées.》

J'approuve, nous cherchons un Ghibli et nous le lançons. Tout le long du film, je ne pouvais m'empêcher de me poser des questions. Sur tout. Tout ce qui venait de se passer. Encore. Blottie contre l'épaule de Gabin, je ne pouvais m'empêcher de me dire que j'avais fait une erreur, que tout cela était de ma faute et rien que de ma faute.

À la fin du film, je constate que Gabin s'était endormi. Je prend l'ordinaire en faisant attention à ne pas réveiller le jeune garçon, je pose sur la table de chevet, et je tente de m'endormir moi aussi. J'ai beaucoup de mal, mais je finis par m'endormir à mon tour contre son épaule.
Je cauchemarde toute la nuit, de cette veille femme, d'Ethan qui me traite de salope, je rêve même que je me prostitue, et que la vieille femme me séquestre dans sa cave avec l'aide d'Ethan.

Je me réveille en sueur, aux alentours de quatre heures du matin. Je m'assois brusquement, essoufflée.
Ceci réveille mon petit ami, qui se redresse à côté de moi, à moitié endormi.

《Eh, eh... qu'est-ce qu'il se passe ?》

Je réalise à ce moment que je sanglote légèrement.

《Je... rien, j'ai juste fait un cauchemar.》

Il me regarde d'un air inquiet. Il me rallonge dans ses bras et me serre fort.

《Allez, ça va aller.》

Je me rendort, non sans continuer de cauchemarder.

inspired by a dreamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant