8. Wake and bake

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Tandis que je tousse à en cracher les poumons à cause du whisky, l'orage éclate au-dessus de ma tête. Je range la flasque dans ma poche, j'enfile mon bomber et je me lève. Ma vision est étrangement floue, et la pluie torrentielle qui s'abat sur moi n'arrange rien. Je me retrouve trempée en moins d'une minute. Je dois trouver un endroit, n'importe où pourvu que ce soit loin de cette église de malheur. C'est alors que j'entends des pas précipités clapoter dans l'herbe mouillée. Serait-ce Thierry ? Daphné ? Basile ?

— Lola !

Il ne s'agit d'aucun des trois. Je commence à courir. Je ne veux pas qu'on me ramène là-dedans. Plutôt mourir.

— Lola, attends !

Il court plus vite que moi. Il me rattrape sans difficulté et me retient par le bras. Ses cheveux, plaqués par la pluie, lui donnent un autre visage, qui n'en demeure pas moins beau.

— Lâche-moi, Eliott, j'ordonne froidement.

Mais il tient bon.

— Ecoute-moi...

— Ferme-la, putain ! j'explose. T'es qui pour essayer de me raisonner ? On se connaît pas !

— Je connais ta sœur, réplique-t-il avec un calme olympien.

Mais je remarque pourtant, malgré mon état d'hystérie, que sa contenance lui coûte un immense effort.

— Daphné n'a rien à voir avec moi. T'as pas compris ce que j'ai dit au micro, tout à l'heure ? C'est pas ma sœur.

— Lola, t'es au plus mal, c'est normal avec tout ce qui se passe en ce moment, mais qu'est-ce que tu comptais faire en partant comme ça ?

— Ça te regarde ?

— Je veux juste t'aider, et si possible éviter que tu fasses une connerie, répond-il à voix basse.

M'aider et m'éviter de faire des conneries ? Alors qu'il me connaît depuis cinq minutes ? Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez lui ?

— Tu devrais retourner avec ton mec, au lieu d'essayer de jouer les super-héros avec les filles, je lui crache. T'es complètement taré, c'est flippant.

Il me lâche aussi brutalement que si mon bras l'avait brûlé. Sa mâchoire se crispe et un voile noir passe devant ses yeux. J'en profite pour m'éloigner de lui et m'enfuir avant qu'il ne change d'avis. Je cours aussi vite que mes jambes en sont capables. Lorsque j'atteins une distance suffisante pour pouvoir ralentir, je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule. A ma grande surprise, Eliott ne m'a pas suivie. Il a disparu. J'ai dû toucher un point sensible avec ma dernière remarque. Peut-être est-il bel et bien un prédateur à filles dans le dos de son copain Lucas. Mais c'est le dernier de mes soucis actuellement.

La pluie qui dégouline le long de mes cheveux s'infiltre dans mes vêtements et me glace jusqu'aux os. Ma priorité est de trouver un abri. Je rentre dans le premier café que je trouve en essuyant à la va-vite les larmes qui n'ont toujours pas cessé de couler sur mes joues. On les confondra avec la pluie.

L'établissement est presque vide en cette fin d'après-midi. Je m'assois à une table isolée dans un coin et je commande la boisson la moins chère de la carte, un expresso, juste histoire d'avoir le droit de rester sur place. J'ai encore de l'argent dans mon blouson depuis vendredi dernier, mais il s'écoule vite. Je serai bientôt à sec.

Mon café arrive, apporté par un serveur noir d'environ vingt-cinq ans au sourire éclatant.

— Et voilà pour la très charmante demoiselle, dit-il en déposant la tasse et la soucoupe sur ma table.

Cette obscure clarté [Skam France saison 6]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant