5. Fuck la planète

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Le mercredi, les cours s'arrêtent à midi. Je termine par deux heures de sport auxquelles j'ai par bonheur pu échapper, circonstances atténuantes oblige. Je n'ai pas oublié ces putain de TIG qui m'attendent dans trois quarts d'heure. Le point de rendez-vous une ancienne portion de chemin de fer désaffecté, la Petite Ceinture, en périphérie de Paris. Avec le temps, l'endroit s'est transformé en mini espace vert, sympathique pour traîner en groupe, mais du même coup propice aux abandons de déchets. Ramasser les saloperies à la place de ceux qui les ont laissées : quelle perspective réjouissante !

Comme si ça ne suffisait pas, le métro a décidé aujourd'hui d'avoir du retard. Problème technique, comme d'habitude. Je piétine en jetant sans cesse des regards au panneau d'affichage électronique. Mon nouveau groupe va croire que je suis une retardataire alors que je suis toujours à l'heure. Il me reste si peu d'heures de TIG, j'aurais aimé que mon cas arrête de s'aggraver.

Quand mon foutu métro arrive enfin, je considère la situation avec plus de détachement. Au pire, s'ils ne m'aiment pas, je n'aurai pas longtemps à le subir. Selon mes calculs, mon retard s'élèvera à environ un quart d'heure. Bingo, j'émerge de la bouche de métro à treize heures pile.

Le temps est toujours couvert aujourd'hui, et les trottoirs humides des averses récentes. Je presse le pas le long des boulevards en prenant garde à ne pas glisser. Après un tournant, j'arrive à l'escalier qui mène au point de rendez-vous. En bas des marches, un groupe de quatre ou cinq jeunes est déjà en place... et ils portent de monstrueuses combinaisons intégrales bleu marine avec des bottes en caoutchouc.

Le retard du métro, le dress code, la météo... les mauvais présages s'accumulent. Je sens venir le désastre à des kilomètres à la ronde.

Du haut des escaliers, j'entends une voix féminine lancer :

- Bon allez, les gars, on se motive ! On sauve la planète, aujourd'hui, hein !

Tous approuvent avec enthousiasme, à coups de « Ouais ! » et de « C'est parti ! » On est à Green Peace, ici, ou quoi ? Ils commencent tous à se disperser dans la nature, armés de sacs poubelle et de leur détermination à toute épreuve. Alors que je dévale les marches, je remarque en levant les yeux qu'une fille, sûrement celle qui a harangué les troupes, est restée un peu en arrière pour m'attendre.

- C'est toi, Lola ? m'interpelle-t-elle tandis que je m'avance vers elle.

Puisqu'elle connaît mon prénom, ça doit être la responsable des TIG, mais elle a l'air un peu jeune pour ça. Ses cheveux sont coupés au carré et teints en violet, ce qui met en valeur ses traits doux et ses yeux en amande. On dirait qu'elle n'a pas plus de dix-huit ans.

- Ouais, je réponds. Désolée, mon métro était bloqué.

- Pas de souci. (Bon point : elle est cool.) Par contre, les autres viennent de partir, donc t'es coincée avec moi.

Du moment qu'elle me laisse tranquille, ça devrait le faire. Elle attrape une combinaison suspendue à une structure métallique et me la fourre dans les bras.

- Tiens, cadeau ! Et puis... le meilleur pour la fin...

Elle se baisse et me tend une paire de bottes monstrueuses. Je les regarde sans faire le moindre geste, puis je relève les yeux vers la fille.

- Moi, c'est Maya, dit-elle. Enchantée.

Je ne sais pas très bien comment l'expliquer, mais ce prénom lui colle à la peau.

- La tenue, les bottes, c'est obligé ?

- Bah pourquoi, tu trouves pas ça sexy ? réplique-t-elle gentiment.

Cette obscure clarté [Skam France saison 6]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant