Les élus d'un autre monde sous ce même ciel - L'école des donneurs

Confession

Quelle nuit abominable... Je me doutais bien que cette nuit serait longue et compliquée.
Lorsque je m'endors sans être totalement éreintée, quand mes yeux se ferment, c'est pour revivre encore et encore ces mauvais souvenirs en rêve, des rêves dont je me rappelle encore et encore le matin en me levant, en regardant mon visage trempée de sueur et de larmes dans le miroir.
Chaque fois, je revis ce soir là, le moment où j'ai tué ce métamorphe souriant à ses derniers instants, où je l'ai tué de mes propres mains... je me remémore sans le vouloir toutes les fois où le gavern a tenté de mettre fin à mes jours, je ressens encore la peur qu'il m'a procurée lorsque je l'ai senti s'approcher de mes camarades et moi...

Oui, cette nuit était comme beaucoup d'autres. Dès que je me pose, seule, sans distraction, je repense à ça. Un traumatisme ? Peut-être. Sûrement. Et je dois vivre avec.
Le fait est que je n'ai aucun répit, sauf lorsque je suis occupée ou que je traîne avec la bande. Ainsi qu'aujourd'hui. Oui, aujourd'hui où l'on va me forcer à me remémorer, à tout avouer, sur ce soir là.
Peut-être vais-je pouvoir m'épargner les détails ? Mais j'ai déjà donné ma parole à la directrice et à Monsieur Joye... techniquement du moins.

Je me demande si les jumeaux seront présents ; après tout, ils étaient là ce soir-là. Mais d'un autre côté, Monsieur Joye suffit amplement à confirmer les faits auxquels ils ont tous trois assistés. Je ne pense pas que les jumeaux aient l'autorisation de venir : en un sens j'en suis soulagée. Tuer quelqu'un change une personne à jamais, tout le monde le sait instinctivement. Mais découvrir qu'une personne de son entourage a tué quelqu'un... cela peut bouleverser la vision que l'on a d'elle et ainsi toute sa vie.
Pour le bien des liens encore frêles que j'ai avec ce monde de métamorphes, pour me laisser rester être moi-même avec les jumeaux sans subir leurs regards involontairement pleins de reproches, la directrice n'autorisera certainement que Monsieur Joye.

Je finis de me préparer. Ma tête est toute aussi merveilleuse que l'a été ma nuit... des cernes bleutés sous les yeux, le teint encore plus pâle que d'ordinaire...
J'ai tout pour moi aujourd'hui ! Mais il faut positiver, c'est le seul moyen qui me permettra d'avancer en ce moment.
Voyons... la seule chose qui me donne assez de motivation pour sortir de cette chambre est que je vais bientôt savoir ce qu'est un "élu". Peut-être après mon entretien avec la directrice ? D'après Monsieur Louis, c'est quelque chose dont j'aurais du mal à me remettre... je verrai bien. Mais vont-ils seulement tenté de m'en instruire après un moment qui me sera déjà très pénible ? Je ne pense pas. Peut-être sera-ce demain ou même seulement la semaine prochaine, si ce n'est dans un mois. La réponse reste un mystère.

Je jette un dernier coup d'œil au miroir pour observer la jupe mi-longue et le chemisier que je porte : le sous uniforme de ce lycée. J'en suis très contente, il est tout à fait adapté à mes goûts vestimentaires bien que je n'y porte pas de réelle importance. De plus, le fait de pouvoir choisir les couleurs est tout de même une grande liberté pour une école qui se veut stricte.

Ma vue se floute un peu, une fatigue soudaine me prend... je m'appuie sur la vasque, attendant que le tournis s'apaise. Je relève la tête espérant que mon reflet dans le miroir me permette de stabiliser ma vue mais ma respiration se coupe face aux yeux que je rencontre dans le miroir...

Mes yeux, d'ordinaire d'un gris bleuté, très clair, sont... dorés ? Et plus grands ? Oui, c'est bien cela : mes iris se sont agrandis pour occuper la quasi totalité de mes yeux, au point de ne pouvoir apercevoir tous leurs contours. Les pupilles sont presque aussi grandes que ne l'étaient mes iris normaux ! Le blanc des yeux, pour le peu qu'il m'en reste, est maintenant plus foncé... d'un gris ou d'un noir opaque...

Je ris... c'est la transformation dont je suis capable... c'est MA transformation. Je suis bel est bien une semi-métamorphe... et pas uniquement une semi-métamorphe de cœur, je suis génétiquement semi-métamorphe.