Nouvelle difficulté

11 2 0
                                    

Je crois que nous venons d'être flashé pour la sixième fois depuis notre départ. Je ne comprends pas pourquoi est-ce que Monsieur Joye tient tant à se dépêcher. Nous sommes maintenant très loin de ma maison, de ma petite ville qui m'a vue grandir. Nous sommes sur l'autoroute et nous arrivons tout de même à être flashé ! J'aimerais bien lui dire de ralentir... je n'aime pas la vitesse et particulièrement celle des voitures... j'en ai de mauvais souvenirs : je revois une camarade du primaire, traversant tranquillement sur le passage piéton, riant en me rejoignant... mais un chauffeur avait trop bu la veille... et... je revois encore quand elle a été frappée de plein fouet puis malmenée sur plusieurs mètres...

La voiture des Joye tangue et déborde sur la voie d'à côté ! Un conducteur, derrière nous, surpris, nous klaxonne longuement, effrayé par la conduite dangereuse de Monsieur Joye. Je regarde le rétroviseur intérieur pour voir mon ancien professeur, le voyant grimacer et cligner des yeux à maintes reprises. Même si j'aurais bien évité de parler :

<<- Monsieur arrêtez-vous.

- Non, il faut arriver le plus vite possible.

- Peut-être mais il vaut mieux arriver entier et en vie !

- Je... Oui. A la prochaine aire je m'arrête.>>

Quelques kilomètres plus loin, nous nous arrêtons enfin. Monsieur Joye gare la voiture. Se détache et se tourne vers nous trois, collés les uns aux autres à l'arrière.

<<- Premier et dernier arrêt de la matinée. Profitez-en pour vous aérer et vous dégourdir les jambes. Je vais acheter le pique nique de ce midi. Quelqu'un a une envie particulière ? Non ? Bon. Sam, Nick, vous restez avec Gabrielle. A tout à l'heure.>> 

A l'entente de mon prénom, prononcé si familièrement, je comprends bien qu'il n'est plus simplement mon professeur. Je comprends aussi que l'impression désagréable de ne pas le connaître, que sa gentillesse était fausse, n'était due qu'au choc et à l'urgence de la situation. Cela me rassure tellement que j'en soupire et souris.

<<- Enfin ! s'exclame Sam

- Enfin quoi ?

- Tu souris !>> répondent les jumeaux en même temps. 

Ils sont intentionnés, je le sais, mais comment aurais-je pu sourire jusqu'à maintenant ? Durant tout le trajet, je me suis posée des questions, j'ai fait le récapitulatif de tout ce que j'ai appris dernièrement, j'ai... revu tout ce qu'il s'est passé hier soir...

<<- Gabrielle ? Tu devrais marcher un peu avec nous.

- Pourquoi ne puis-je le faire seule ? Vous savez que j'ai besoin d'avoir un peu de solitude.

- Ce n'est pas bon en ce moment.

- De quoi ? De vouloir être seule ?

- Non !... Et oui ! s'exclame Nick

- Ce que veut dire mon stupide frère, c'est que en ce moment tu as surtout besoin de compagnie pour ne pas te laisser entraîner dans les profondeurs de la folie, et en plus, être seule peut être dangereux.

- Non mais... les garçons... "les profondeurs de la folie" ?! Vous êtes sérieux ? Je vais bien ! Je ne pense pas être devenue folle à moins que ça ait changé récemment sans que je ne m'en rende compte.

- Généralement, une personne ne s'en rend pas compte quand...

- Ok, Ok c'est bon. Mais avant de faire un tour laissez moi aller, seule...

- Non !

- Aux toilettes !>> 

Je souris, ravie de les avoir eu dans mon petit piège. Au vue de leur silence et de leur propres sourires à demis-cachés, je devine qu'ils acceptent. Et encore heureux ! Je n'y crois pas ! Pourquoi serais-je en danger ici aussi ! On est à des dizaines et des dizaines si ce n'est des centaines de kilomètres de la maison.

Les élus d'un autre monde sous ce même ciel - L'école des donneursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant