Chapitre 19

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Vingt-trois juin, les chariots remplis à ras bord de nourriture et d'objets divers, quittaient définitivement les rives du chaudron du diable, pour s'élancer sur le chemin de l'exode.

Chaque chariot étaient tirés par quatre chevaux, à part celui de Bérénice qui était attelé à deux bœufs magnifiques : Igor et Gitan, quant aux autres animaux de la ferme, deux vaches, quatre veaux et une bonne quarantaine de moutons, ils suivaient docilement la caravane, pendant que les poules caquetaient bruyamment dans les casiers de pêche, pour montrer leur mécontentement.

Ce convoi de vingt-deux chariots avançait, sur la piste qui devait amener les résidents, aux abords d'une forêt inextricable à quatre-vingts kilomètres de-là. Cependant pour traverser cette forêt séculaire, ces nouveaux migrants allaient devoir construire une route et ils savaient déjà, que la tâche allait être rude. En quittant leur domaine ils admirèrent une dernière fois ce magnifique manoir qu'ils avaient construit de leurs mains et qui fut leur havre de paix pendant deux années, cependant ils n'eurent pas de regrets, une page importante de leur vie se tournait et ils acceptaient de bon cœur ce changement puisqu'il y allait de leur vie.

Ils quittaient ce domaine le cœur léger, le tremblement de terre annoncé et les ouvertures de vortex, s'éloignaient au rythme des pas des chevaux. Ils savaient tous, qu'ils n'échapperaient pas aux prochaines invasions, ni au séisme redouté et avaient pleinement conscience, que les secousses sismiques allaient être ressenties partout, y compris au sud-ouest de l'île. Mais ils savaient aussi qu'au camp du renne blanc, ils n'allaient pas courir les mêmes risques que dans le manoir, c'est donc le cœur rempli d'espoir en une vie meilleur, qu'ils tournèrent résolument le dos au chaudron du diable.

Dès les premiers tours de roues, les enfants grisés par l'aventure, se mirent à courir derrière les chariots, en criant de joie et d'insouciance. Cette nouvelle expérience les enchantait. De plus Valérie leur avait promis qu'il n'y aurait pas de cours pendant leur périple. L'allégresse des enfants fut communicative, les adultes chantèrent à tue-tête et plaisantèrent amicalement d'un chariot à l'autre, le bonheur, l'excitation étaient au rendez-vous et les chevaux piaffaient d'impatience de quitter l'endroit, que leur instinct poussait en avant.

Vers treize heures le convoi s'immobilisa, un bivouac fut dressé rapidement et les cuisiniers préparèrent le premier repas de ce voyage sans retour. L'endroit était connu de tous, mais plus particulièrement de Gilles qui profita de cette petite halte, pour cueillir des capillaires, appelée aussi cheveux de Vénus. Cette plante était efficace contre les bronchites et elle poussait à profusion dans cet endroit que les enfants avaient nommé la fontaine aux fées. Gilles allait regretter cette petite source jaillissante où il savait trouver ces plantes, il en fit une large provision, guidé par le souci constant de répondre aux besoins de ses amis, puis après le repas vint l'heure de sa sieste, qu'il fit à l'ombre de son chariot.

Le convoi se remit en branle moins de deux heures plus tard. Le chemin était plat et sans obstacles. Le soir venu, les migrants avaient déjà parcouru une bonne quinzaine de kilomètres. Le lieu du bivouac leur était familier et il ne leur donna pas cette impression d'exode qu'ils n'allaient pas manquer de ressentir au fur et à mesure des kilomètres parcourus.

A la façon des pionniers du far-West, ils formèrent un grand cercle avec plusieurs feux allumés en permanence, pour éloigner les éventuels animaux sauvages. Une veillée fut organisée mais elle ne dura pas, à vingt-deux heures sous un ciel magnifiquement étoilé, les voyageurs se couchèrent pour préserver leur énergie, en prévision des prochains jours.

La deuxième journée démarra comme la précédente, neuf heures départ du convoi, pause à treize heures et nouveau départ en marche tranquille jusqu'à dix-huit heures.

Voyages hors du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant