Chapitre 24

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Les villageois étaient conscients, que les séismes de plus en plus violents que subissait l'île, ne pouvaient que lui êtres fatals, aussi c'est avec une large majorité, qu'ils votèrent la construction de cinq nouveaux voiliers. Pourtant ce n'était pas cette priorité-là, qui incita les anciens du manoir à voter ces constructions, mais la constance et la dangerosité du vortex. Personne ne voulait prendre le risque de se retrouver avec des arrivants agressifs. Ils avaient déjà vécu cette expérience, ils ne voulaient pas la renouveler. Aussi, prenant note de tous les risques encourus, la migration devint leur priorité. Avec l'accord d'Alexis et Petit Loup, Hugues avait anticipé la construction du premier voilier de la série. André n'était pas d'accord, mais accepta la décision collective.

Un mois après ce référendum, un séisme d'une ampleur sans précédent fit trembler toute l'île et les répliques s'enchaînèrent pendant plus d'une semaine. Malgré la violence du phénomène, il n'y eu pas de victimes, seules deux éoliennes tombèrent sur le toit des chalets situés à proximité. Le doute n'était plus permis, l'île allait disparaître et les affirmations de Julie et Pierre étaient fondées, il ne s'agissait pas d'une divagation familiale, mais d'une réalité que chacun devait accepter.

Cependant cette réalité ne fut pas acceptée aussitôt par tous les Tilandatais. Neuf jeunes gens voulurent constater de leurs yeux cette menace et la jauger. Pour cela, ces jeunes âgés de dix-huit ans, issus des trois clans décidèrent d'un commun accord, d'explorer la région du chaudron du diable et parmi eux les fils d'André et Paul. Tous ces jeunes avaient écouté avec intérêt les récits personnels, de leurs frères du manoir et voulurent à tous prix faire cette expédition. Il est vrai que cette histoire narrée de façon fantastique, comme il se doit en pareil cas, décida de cette entreprise. Tous voulurent voir cette baie maudite, avant de s'engager à plein temps dans la construction des voiliers. Naturellement les parents s'y opposèrent fermement, mais l'obstination des jeunes ne connaissant pas de limites, ils baissèrent les bras. Jones conscient des risques d'un tel voyage, ne put se résoudre à les laisser partir seuls, il décida donc de les accompagner avec sept hommes armés issus des rangs militaires. C'est donc pour faire cette sorte de pèlerinage, qu'un matin de septembre, seize personnes enfourchèrent leurs montures pour un périple de près de deux cents kilomètres. Les hommes de Jones aguerris et conscients des risques, restèrent à l'affût du moindre problème, tandis que les jeunes insouciants prirent ce périple pour une initiation et partirent confiants, seulement ils revinrent quarante-cinq jours plus tard, terrifiés par leurs découvertes.

Parmi ces découvertes, ils classèrent en tête de liste le cimetière et tout de suite après, le chaudron du diable qui désormais montrait toutes ses dents acérées et jaunies qu'étaient devenues les pyramides. De plus, la cascade qui avait tant fasciné les marins n'existait plus, une énorme brèche avait pris sa place et permettait à l'océan de s'engouffrer violemment dans la baie pour envahir les sentiers côtiers, remonter les ruisseaux et baigner les pieds de ce que fut le manoir. La désolation régnait partout, les arbres et toute la végétation environnante étaient calcinés. Dans ce décor de fin du monde, les anciennes épaves tels des vaisseaux fantômes, dérivaient heureuses et libres de terrifier les témoins et tous ceux qui avaient le malheur d'y faire naufrage, dès lors cette baie maudite ressemblait davantage à une monstrueuse lamproie avide de prendre les vies, qu'à un bord de mer.

Les deux adolescents étaient terriblement déçus, ils ne reconnaissaient pas l'endroit où ils avaient vécu pendant deux ans et qu'ils souhaitaient ardemment faire découvrir à leurs frères. A présent la mer dangereuse et vicieuse dans chacune de ses vagues les menaçait ouvertement. Des tourbillons se formaient régulièrement, prêts à aspirer les inconscients, qui s'aventuraient trop près. Ce n'était pas une inondation normale, qu'ils découvraient, mais bel et bien la montée des océans. Devant ce terrible constat, les deux jeunes gens se replièrent sur eux. Pâles et effrayés, ils se regardaient, le souffle coupé. Jones les prit dans ses bras, les mots étaient inutiles. L'officier connaissait la souffrance que ces jeunes enduraient, il avait compris depuis longtemps que la nature de l'île, ne faisait pas de compromis avec les sentiments humains. La fin de cette glaciation avait été programmée et elle se précisait, la fonte des glaciers avait commencé et le niveau des mers montait inexorablement.

Voyages hors du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant