VIII

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Enjambant avec précaution le léger espace qui séparait la passerelle du dirigeable de la terre ferme, Ophélie respira enfin. Ça y est, Thorn et elle l'avaient fait : ils étaient à Babel. Là où, supposément, tout avait commencé.
Oh cela n'avait pas été facile !
La jeune femme posa le pied sur l'arche et s'écarta pour laisser circuler les autres voyageurs. Elle sourit en repensant à tout ce par quoi ils avaient dû passer pour parvenir ici.

Tout avait commencé dès la fin de l'étrange coma de la liseuse, puis avec la question  tout autant étrange qu'elle avait posée à Thorn. Ce dernier l'avait regardée, ahuri et déstabilisé par l'injonction directe.
Néanmoins, il ne perdit pas de temps. Il demanda à sa femme de répéter sa question, ce qu'elle fit. Sitôt qu'il eut analysé les termes de celle-ci, il se mit à fouiller dans la Mémoire du Clan de sa mère , dont il avait hérité (et Ophélie aussi se rendit-il compte).
- Je visualise bien l'arbre à fleurs, ainsi que la statue de bronze, déclara lentement l'intendant après quelques minutes de silence. Pour ce qui est du bâtiment... ah. oui. c'est bon, je l'ai.

De là, tout partit. Ils rassemblèrent toutes les informations qu'ils avaient. Thorn passa des nuits entières à se remémorer le souvenir encore et encore. Il fit des dizaines, des centaines de croquis en dépit de son aversion pour le dessin, mais devant la maladresse légendaire de sa femme, il n'avait pas le choix.

Même si la famille d'Ophélie était repartie sur Anima et donc loin d'eux, le grand-oncle fut mis à contribution, sans pour autant être informé du contexte motivant la demande de sa filleule. Du moins pas du vrai.
Archibald fut lui aussi admis dans l'équipe de recherche, pour son plus grand plaisir. Il ne manquait jamais une occasion de le rappeler, et ce dès le premier jour.

- J'ai eu la chance incroyable, en tant qu'Ambassadeur du Pôle, de me rendre sur plusieurs arches. Pas la vôtre, très chère Mme Thorn, déplora-t'il, mais j'y remédierai prochainement.
-Abrégez, grommela Thorn.
- Moui, pardon je m'égare. Où souhaitez-vous aller ?
- Nous l'ignorons pour l'instant, mais nous allons chercher.

Mais bien plus que pour son passé d'ambassadeur, Archibald se révéla être effectivement un précieux allié, au grand désespoir de l'intendant du Pôle. Un matin, il se présenta au Manoir d'Ophélie, exultant de joie. En guise de bonjour, il annonça sans préambule :

- J'ai un nouveau pouvoir familial !

Ophélie, mal réveillée, le regarda sans comprendre.
- Vous m'expliquerez tout ça devant une bonne tasse de café fumante et quelques toasts, déclara la liseuse d'une voix ensommeillée.

- Alors ? Qu'avez-vous de si important à me dire pour me réveiller à une heure pareille ?

Il lui répéta ce qu'il lui avait dit puis lui expliqua la genèse de cette annonce : la confusion patronymique de feu la Mère Hildegarde qui l'appelait sans cesse « Augustin », l'histoire relationnelle entre l'Arcadienne et ce fameux homme et l'arbre généalogique d'Archibald lié à ce dernier.

- Vous avez donc le même pouvoir familial qu'un Arcadien ?
- Oui ! s'exclama l'ex ambassadeur. Je peux créer des passages et utiliser les Roses des Vents !

La liseuse fut ravie de l'apprendre mais n'ayant toujours pas de destination définie après 4 mois de recherches intenses, cette nouvelle ne serait d'aucune utilité.
Cette inconnue fut cependant résolue grâce au parrain de la jeune femme. En effet, ce dernier lui envoya un paquet plat et rectangulaire qui arriva devant sa porte quelques semaines après la révélation d'Archibald.
Il s'agissait d'une très vieille carte, souvenir d'une Exposition Familiale qui s'était tenue sur une Arche où trônait dehors, devant un bâtiment ancien, un colosse en bronze. Ophélie reconnut immédiatement les éléments du souvenir de Farouk. La carte était accompagnée d'un petit mot griffonné par le grand-oncle : « Archives de Babel ». La jeune femme sourit : ils avaient enfin leur destination. Elle s'empressa d'en faire part à Thorn.

Maintenant qu'ils connaissaient leur point de chute, les choses allèrent très vite. Thorn et Ophélie ne sortaient plus de chez eux, se documentant dans relâche sur l'arche. Ils apprirent que Babel était régie par de nombreux codes.
Ils effectuèrent des achats utiles, de leur côté afin de ne soulever d'interrogations chez qui que ce soit.
Une fois que cette tâche fut terminée, ils bouclèrent leurs paquets qu'ils voulurent les plus petits possibles. En dépit de leur documentation solide, ils savaient qu'ils jouaient un jeu dangereux et qu'ils sautaient dans l'inconnu. Peut-être que leur mission allait échouer.
Mais le jour du départ approchait, ils avaient fixé une date avec Archibald ; ils ne pouvaient donc plus faire machine arrière.
L'ex-ambassadeur vint les chercher un soir durant lequel Farouk donnait une fête. La tante Roseline, restée au Pôle, gardait la petite Victoire tandis que Bérénilde brillait en société. Personne ne s'étonna de ne pas y voir le misanthrope intendant et sa femme.
Pour atteindre la Rose des Vents, ils utilisèrent le cabinet de l'intendance comme passage. Ophélie se rappela que Thorn l'avait emprunté lorsqu'il était venu faire acte de présence auprès de sa belle-famille. Là, ils accédèrent à la grande salle de la Rose des Vents où ils retrouvèrent Renard et Gaëlle, qui les avaient également aidés.
Archibald ne les mena pas directement à Babel. Pour les protéger, il les avait fait arriver sur une arche mineure nommée [ ]. Sur l'arche, ils montèrent à bord d'un dirigeable qui les emmena jusqu'à leur destination finale.

Ophélie rouvrit ses yeux qu'elle avait fermé entre temps. Thorn se tenait à côté d'elle, leurs deux valises à la main. La jeune femme esquissa un sourire auquel son mari répondît.

Ils étaient à Babel. Leur mission pouvait enfin commencer.

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Hello tout le monde
Oui, vous ne rêvez pas, c'est bien moi et oui, j'ai réussi à pondre ce chapitre .
J'espère qu'il vous plaira.

Bonne lecture ,
Clem 🦋

SOUVENIRS DE BABEL Où les histoires vivent. Découvrez maintenant