Les jours s'enchaînent, et je ne trouve aucune occasion pour aller récolter des informations sur l'activité nocturne de mon père. Il se trouve qu'ils n'ont pas de chantier pour les prochaines semaines, alors ils restent toute la sainte journée à la maison. Avec Basil qui me fait de l'oeil dans les couloirs et veut savoir si j'en ai appris plus, j'ai du mal à garder ma bonne résolution en tête. Alors j'ai décidé de me concentrer sur ma relation avec Amelia pour échapper à Basil. Cette fille me plaît bien, elle est sarcastique. À la voir comme ça avec ses six paires de boots à talons différentes et ses cheveux impeccables, je l'aurai prise pour une garce superficielle. Mais en passant du temps avec elle, je me suis vite rendu compte qu'elle était l'exact opposé. Sa famille possède une immense maison à l'extérieur de la ville. Elle m'y a invitée un jour, j'ai dû m'y perdre trois fois rien qu'en allant de sa chambre aux toilettes. Ses parents sont des artistes, l'un est peintre et l'autre sculpteur. Ils ont une bibliothèque par pièce, et chacune plus grande et fournie que l'autre. Je dois avouer que sa famille est un peu à part, mais ils sont très gentils. Je comprends mieux pourquoi elle n'a pas tant d'amis que ça, parce-qu'elle aussi est différente.
Amelia m'a fait voir le centre ville lorsqu'on a passé une après-midi ensemble à faire les boutiques. Je lui ai promis qu'on irai à Portland durant une journée entière pour se faire une vraie virée shopping. Alors me voilà un samedi à neuf heures tapantes, les fesses dans la Mini Cooper S rouge d'Amelia, en direction de Portland. Il n'y a que quarante-cinq minutes de route, mais c'est suffisant pour m'éloigner de mes problèmes. Au final, je prends plaisir à essayer tous les vêtements qu'elle entasse sur mes bras. On n'en prend pas le quart, mais j'avais besoin de me vider la tête, et c'est la meilleure à ce jeu-là. Elle ne pose pas beaucoup de questions, mais elle en reste très perspicace. Je n'ai pas eu besoin de lui dire que j'étais préoccupée, ou que j'essayais d'éviter Basil. Elle m'apprend qu'elle n'a jamais eu des tas d'amis au fil des années, même si elle a toujours vécu ici. Alors nous sommes deux dans ce cas-là.
Alors que la nuit tombe, on décide qu'il est temps de rentrer. L'atmosphère change à mesure que ciel s'assombrit, je peux le sentir. Et je pense qu'Amelia le sent aussi, son pas s'est pressé. On s'engage dans une rue transversale, mais on regrette vite notre choix quand un groupe de cinq jeunes sort de nulle part. Ils nous encerclent rapidement et je sens mon pouls s'accélérer. J'entends rire et brailler de tous les côtés, sans distinguer qui dit quoi ou sans comprendre le sens des phrases ; ils ont bu. Une odeur âcre se dégage d'eux. Il y en a un qui me touche les cheveux, une main me touche la hanche, une autre pousse les sacs que je porte. Le sang commence à fulminer dans mes veines. J'entends mon pouls battre dans mes tempes. Leurs paroles me donnent envie de vomir. J'essai de garder mon sang-froid et attrape le bras d'Amelia, la tire contre moi et force le passage entre deux des types. Ils s'excitent et braillent encore plus fort. Des bras nous attrapent et ils arrivent à nous séparer Amelia et moi, je l'entends crier. Mon sang ne fait qu'un tour. Je lâche les sacs et commence à les frapper, les uns après les autres. Mes coups sont stratégiques, nets et forts. Je ne vois que les défauts dans leurs techniques de combats. Mon esprit est concentré sur leurs côtes exposées, leurs genoux non protégés, leurs gorges à nues. Ils sont lents et godichons. J'entends un garçon crier dans mon dos. Je jette un oeil et vois qu'il regarde Amelia d'un air apeuré. Elle-même à l'air secouée. J'en profite pour l'attraper et filer en courant.
On court pendant une dizaine de minutes avant que mon amie ne m'implore de s'arrêter, elle porte des talons. On s'adosse contre une voiture pour reprendre nos esprits. Une fois qu'on peut de nouveau parler correctement, on tombe d'accord pour retourner à la voiture sans traîner. Amelia est si bouleversée que je prends le volant pour le retour. Elle passe son trajet à regarder par la fenêtre, je vois sa confusion dans le reflet de la vitre. Je me demande ce qu'il s'est passé pour qu'elle ait l'air si perturbée tout à l'heure. Le type qui s'en est prit à elle avait les mains tremblantes et semblait avoir vu un fantôme. Mais je préfère ne rien dire, elle à l'air complètement perdue, je ne veux pas la brusquer ou la mettre mal à l'aise. Je la dépose chez elle et rentre chez moi pour l'heure du repas. Les garçons s'affolent lorsqu'ils me voient décoiffée et avec quelques bleus et contusions au visage, mais je leur assure que je vais bien. En revanche, mes phalanges sont toutes à vif. Je n'avais pas fais attention, j'ai sûrement dû mettre du sang partout dans nos voitures à Amelia et moi.
Je prends une bonne douche chaude, et n'arrête l'eau que lorsque tout le sang s'est écoulé. La salle de bain est un vrai sauna, bouillante et pleine de buée. J'enfile une petite serviette blanche, l'attache fermement, et entreprends de me démêler les cheveux. Alors que je balance ma crinière cuivrée de l'autre côté, il me semble voir une silhouette dans le miroir embué. Lequel de mes frères vient me dire de me dépêcher ? Je me retourne, et mon coeur bondit hors de ma cage thoracique quand je vois de qui il s'agit.
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Cursed Huntress⏤ original story
Werewolf❝ Depuis la nuit des temps, notre famille chasse les hommes maudits par la lune. ❞ Après la disparition de sa mère, Théa a été peu à peu mise de côté par le reste de sa famille. Mais en arrivant à Silverton, sa rencontre avec le magnétique Basil Lea...