6. Je suis soumis à une grave menace

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Le silence le plus total régnait dans le jet de la L'Apô-ny Airways, seulement troublé par Prolff qui tournait frénétiquement les pages de son cours de diplomatie. Quelle idée de commencer à travailler avant même que la rentrée ait eu lieu !

Pour ma part, j'étais très occupé à jouer avec ma Gameboy, mais je sentais que mon camarade me jetait fréquemment des regards noirs, accompagnés parfois de reniflements dédaigneux. J'en déduisis qu'il n'avait pas apprécié à sa juste valeur son séjour sur Terre.

Pourtant, je m'étais donné du mal pour l'occuper ! Etaient-ce les montagnes russes géantes de Disneyland qui lui avaient déplu ? Effectivement, il avait été un peu verdâtre en sortant, et n'avait plus beaucoup parlé après...

Ou bien était-ce seulement les séances de cinéma en 3D ? Les tribunes endiablées du stade de foot ? Les matchs de ping-pong contre mon frère ?

Bon, d'accord, j'avais peut-être un peu cherché à embêter Prolff. Mais pour ma défense, je me dois de dire qu'il s'était montré particulièrement insupportable en critiquant tous mes livres et films préférés.

« Pourquoi est-ce que cet individu a besoin d'agiter ce machin en bois pour faire de la magie ? »

« Pourquoi est-ce que ce truc vert ne sait pas construire une phrase grammaticalement correcte ? »

Quoi qu'il en soit, les vacances étaient désormais finies. Après son stage d'observation, qui s'était plutôt transformé en stage de survie, le petit Prolffy pouvait enfin rentrer à Yalforev. Au grand regret de ma mère, qui aurait bien aimé plus longtemps à la maison ce « charmant jeune homme », qu'elle admirait à grands renforts de « tu devrais prendre exemple de lui, Alphonse ». Seuls mon frère et ma sœur s'étaient montrés quelque peu surpris face au caractère radicalement opposé au mien de mon « ami », mais s'étaient bien gardés de faire le moindre commentaire. En tout cas, en ma présence.

Bientôt, j'aperçus par le hublot la Forteresse Rouge, qui s'élevait au milieu des plaines glacées de l'Apô-ny. Toujours aussi majestueuse, toujours aussi imposante.

Nous amorçâmes l'atterrissage, et je réalisai qu'absorbé par mon jeu, j'avais complètement oublié de regarder le château de Jade, qui se trouvait à quelques kilomètres de là.

Jade avait pourtant occupé mes pensées pendant toutes les vacances. Ne pas pouvoir lui écrire et ne recevoir aucune nouvelle d'elle s'était révélé être une véritable torture. Mais comment aurais-je pu faire parvenir discrètement un message à l'héritière du trône censée être morte depuis des années ? Je me promis de lui rendre visite à la première occasion, espérant sans trop y croire qu'elle ne s'était pas sentie trop seule pendant ces deux longs mois d'hiver.

-Al !

Je n'eus même pas le temps de faire un pas sur la piste d'atterrissage déneigée. A peine sorti du jet transformé en zeppelin, je me fis assaillir par un groupe de personnes, que j'identifiai rapidement.

Garlick, le renne-garou, toujours aussi souriant dans son éternel pull en laine (j'ai découvert entre-temps qu'il avait plusieurs fois le même modèle).

Adao, dont les yeux dorés étincelaient et la peau sombre contrastait avec la neige environnante (de nous tous, c'est lui qui avait toujours le plus froid).

Kamel, qui ne tenait pas en place (j'ai renoncé à comprendre d'où il tirait toute son énergie).

Et enfin Eleana, qui m'adressa un sourire moins timide que d'habitude.

J'étais vraiment heureux de revoir tous mes amis, et je leur rendis le bonjour avec bonne humeur. Ils saluèrent Prolff avec un peu plus de réserve, et nous nous dirigeâmes ensemble vers la Forteresse. C'est alors que je remarquai un détail inhabituel.

La princesse maudite. Le roman de l'Apô-ny, tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant