8. Je croule sous la paperasse

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Quand j'étais plus jeune, l'une des mes spécialités était la panne de réveil le jour de la rentrée. Après avoir fait le coup tous les ans au collège, mes professeurs avaient fini par acheter mes amis pour qu'ils viennent sonner à ma porte au petit matin, pour s'assurer que je sois à l'heure.

Ils auraient dû passer le mot au lutin-en-chef, parce que ma vieille habitude me rattrapa ce matin-là. Lorsque je me réveillai, en pleine forme et de bonne humeur, un bref coup d'œil à mon réveil me confirma le pire. Cela faisait plus de deux heures que j'aurais dû être en cours de diplomatie.

Mon premier réflexe fut de reposer ma tête sur l'oreiller et remonter ma couette jusqu'au menton. Au point où j'en étais, autant ne pas y aller du tout. Puis je me rappelai que nos stages en ambassade devaient être attribués ce matin-là. Et zut, je ne pouvais pas manquer ça.

Toute ma bonne humeur envolée, j'enfilai un jean et un t-shirt et me dirigeai vers la salle de diplomatie. Après un bref retour à ma chambre pour récupérer un pull, une écharpe et une paire de gants (c'est quoi ce pays, on est en septembre et il fait déjà un froid polaire dans les couloirs), j'arrivai enfin en cours.

— Bonjour Alphonse, m'accueillit Monsieur Jean. Je suis ravi de constater que mon cours vous intéresse suffisamment pour que vous daignez assister à la dernière demi-heure.

Je marmonnai une excuse et gagnai le plus dignement possible ma place.

— J'en étais à la description de vos stages en administration diplomatique. Ceux-ci dureront trois mois, de juillet à septembre.

Je m'efforçai d'afficher une expression intéressée.

— Les destinations ont été attribuées en votre absence, il vous reste donc la dernière, dont personne ne voulait.

Il me tendit une feuille de parchemin sur laquelle figurait en majuscule « Ile des Mercenaires ».

— Oh, le pays d'Ektor ! m'exclamais-je.

Je jetais un coup d'œil autour de moi. Ektor ne se trouvait pas dans la pièce.

— Il n'est pas revenu à la Forteresse cette année, me chuchota Garlick, assis à côté de moi. Personne n'a de nouvelles...

Bizarre.

— Une ambassade très tranquille, m'assura Monsieur Jean. A vrai dire il ne s'y passe jamais grand-chose.

Ah ? Cela dit, je vous rappelle qu'Ektor venait d'y disparaître sans laisser de nouvelle. Ce que je trouvais tout de même un peu inquiétant.

Je regardai les feuilles autour de moi avec curiosité. Garlick se rendrait à Wanojii, Kamel au Royaume de la Plaine, Eleana à Daïde et Adao en Atlantide.

Et Prolff à Selliasrev, la capitale de l'Empire, constatai-je avec une petite pointe de jalousie. Je suis sûr qu'en tant que major de la promotion en diplomatie, il a pu choisir le premier.

Monsieur Jean entreprit de poser sur chaque table une pile d'au moins une centaine de parchemins (et j'exagère à peine !).

— Voici les conventions de stage en quintuple exemplaires que je vous conseille de remplir le plus tôt possible. Vous pourrez alors prendre contact avec vos maîtres de stages, les ambassadeurs de l'Apô-ny dans leurs pays respectifs, pour vous enquérir des démarches à suivre de leur côté.

Waaaah. Pour faire un stage administratif, la première épreuve est de savoir remplir ce truc. Ma sacoche était à peine assez grande pour tout contenir.

— N'attendez pas le dernier moment, surtout, nous avertit notre professeur.

C'est cela, oui. Vous me connaissez, je suis le roi de la procrastination. C'est typiquement le genre de choses qui peuvent attendre, non ?

Le cours prit fin et nous nous empressâmes de sortir avant que Monsieur Jean n'ait l'idée de nous distribuer encore plus de paperasse.

— Tu viens faire une petite partie de foot avec nous, Al ? me demanda Adao dans le couloir. On en parle depuis ce matin avec les autres.

— Je vous rejoins plus tard, répondis-je avec un petit geste de la main, je dois régler un truc.

— Comme tu veux, à tout' ! s'écria-t-il par-dessus son épaule alors que je m'éloignais dans la direction opposée.

Je m'arrêtai une fois hors de vue, et attendis que tous mes camarades et Monsieur Jean se soient éloignés pour revenir sur mes pas.

J'avais plus important à faire qu'une partie de ballon. Il fallait à tout prix que je vois Jade.

La princesse maudite. Le roman de l'Apô-ny, tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant