Chapitre 21

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L'interdiction de sortie ayant pris fin la veille, la salle commune était enfin désengorgée. On pouvait s'y reposer sans avoir à supporter l'immense chahut qui peuplait ce lieu depuis un bon mois maintenant, même si personnellement je ne l'avais supporté qu'une seule semaine. Je profitai du fait qu'elle soit complètement vide pour venir y réfléchir tranquillement.

Je m'installai sur un des fauteuils près de la fenêtre, bien décidée à travailler mon exercice de perception pour Dame Wang. Je fermai les yeux, essayant de faire le vide dans mon esprit, comme lorsque je voulais me connecter à Ivy. Le fil menant à elle était là, mais je l'ignorai, tentant de capter mon environnement, en essayant de voir plus loin. Il y avait comme un bruit de fond gênant qui dérangeait ma concentration. J'essayai de le chasser de mon esprit, mais plus je tentai de l'oublier, plus il se faisait puissant, comme les petits bruits qui finissaient par devenir assourdissant quand vous essayez de ne pas y penser. Je tapai des doigts d'agacements contre le fauteuil. Le bruit de fond s'accentua à cet endroit, provocant comme des petites ondulations dans mon esprit. Je rouvris les yeux, surprise, me demandant ce que ça pouvait bien être. J'aperçus une balle de jonglage qui traînait sur le bord de la fenêtre et l'attrapai avant de refermer les yeux. Je refis le vide en moi, pour revenir à mon état de conscience précédent. Je cherchai le bruit de fond et le trouvai rapidement. Je retapotai du doigt sur l'accoudoir pour retrouver le phénomène. Le fauteuil semblait répondre à mon geste, comme s'il se mettait en résonance. Je levai ensuite la balle près de mon visage, les yeux toujours fermés, essayant de détecter sa position grâce aux vibrations qu'elle émettait.

C'était étrange, et vraiment différent de quand j'essayais de capter les choses avec mon vent, ma bulle de perception. Il n'y avait pas de masse, et je ne ressentais pas les choses comme s'ils étaient une extension de moi-même. Je ne pouvais pas les toucher ni interagir avec. J'avais juste conscience de leur présence, de leur nature. C'était comme si chaque chose avait sa propre énergie que je captais sous forme de vibrations, comme si moi-même je me mettais en résonance avec elles pour les percevoir.

Je déplaçai la balle devant moi, et m'extasiai en voyant la vibration la suivre. Je finis par la jeter au loin sur le sol, sur lequel elle résonna en rebondissant, avant de s'immobiliser au pied d'une autre chose en mouvement. Je fronçai les sourcils, essayant d'en comprendre la nature. L'air devant moi se mit à vrombir soudainement, une vibration se rapprochait à toute allure. Je levai une main pour l'intercepter, avant d'ouvrir les yeux pour voir une petite bille de verre au creux de ma main. Je relevai les yeux vers Lexa, accoudée près du mur, qui m'observait curieuse.

- Qu'est-ce que tu veux encore Lexa ? lui demandai-je en soupirant.

- Je ne sais pas ce que tu faisais, mais j'en avais les cheveux qui se dressaient sur la tête, me fit-elle avant de s'approcher.

Elle me tendit la main pour récupérer la bille de verre, mais je l'ignorai, l'examinant entre mes doigts en réfléchissant. Devant mon refus elle s'installa dans le fauteuil adjacent, attendant je ne savais quoi. Je finis par me tourner vers elle pour lui demander :

- Le verre, tu le ressens ?

Elle me regarda avec des yeux ronds, semblant ne pas comprendre ma question.

- Je veux dire, par exemple, si je mets plein de billes en métal dans un pot, et une seule bille en verre, tu pourrais la détecter sans la voir ?

Elle pencha la tête sur le côté, surprise par ma question.

- J'avoue ne jamais m'être posée la question. J'ai toujours eu du sable ou du verre sur moi, donc je n'ai jamais eu besoin d'en chercher.

Elle se mit à fixer intensément la bille que je tenais en main, avant de secouer la tête.

Faedre - Tome 1 : Le souffle d'un vent nouveauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant