Chapitre 3: Caliel

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-Qui êtes-vous ?

Je me sens un peu perdue, un peu hagarde face à cette chose devant moi qui me regarde, un demi-sourire sur le visage. La tête penchée sur le coté comme s'il cherchait à me déshabiller de son regard... Qui me paraît plutôt bienveillant, étrangement. Lorsqu'il s'avance vers moi, j'ai un mouvement de recul instinctif. Il passe à côté de moi sans rien dire, toujours en me regardant. Il doit faire au moins deux têtes de plus que moi. Il va s'asseoir sur la table de consultation, celle sur laquelle j'avais déposé la caisse en carton que mon patron m'avait donnée il y a à peine 5 minutes. D'ailleurs, c'est étrange qu'il ne soit pas encore revenu avec les autres cartons... 

-Je suis Caliel. Je suis ce que vous appelez  un ange. Celui de la justice et de la vérité d'après vos croyances. Je voudrais que tu répondes à ma question: Que comptes-tu faire maintenant que tu es morte ? 

Sa question me laisse perplexe. Je ne sais même pas ce que je suis devenue. Je dois avoir un air hébété et un peu idiot car Caliel reprend d'une voix légèrement agacée: 

- Bon d'accord. Reprenons en vitesse, tu veux ! Tu t'es fais planter par quelqu'un, ici même, dans ce local qui pue le papier moisi. C'est une mort injuste car tu ne sais pas par qui et tu ne sais pas pourquoi. Juste ?

J'acquiesce de la tête, les yeux ronds comme des soucoupes.

- Bien ! Moi, je suis ici pour te donner un coup de main. Pour "passer de l'autre coté" comme vous aimez le dire, tu dois découvrir la vérité sur ta mort et régler cette injustice. Pour ce faire, tu as carte blanche. C'est TA vengeance, tu en fais ce que tu veux. Tu peux tuer, rendre fou, hanter, détruire ou juste pardonner, chose pas facile vu les circonstances. Tu n'as pas de temps imparti mais n'oublie pas qu'eux, si. S'ils meurent sans rien avoir révélé, tu resteras ici, à hanter le monde jusqu'à la fin des temps. Tu suis toujours ? 

Nouvel acquiescement de ma part. 

- Alors, dans ce cas, peux-tu, s'il te plaît, répondre enfin à ma question? Que comptes-tu faire ?

- Heu ... Je pense ... Enfin... j'aimerais beaucoup... je ne sais pas si c'est possible mais je voudrais retourner chez moi. Je voudrais voir mes enfants et mon mari. 

M'entendre balbutier ainsi me donne l'envie de me foutre des claques, moi qui ai toujours eu confiance en moi. 

- Evidemment, tu es une femme mariée... Enfin, tu étais, petit clin d'œil et sourire suffisant (j'ai déjà envie de le voir disparaître), soit, comme tu voudras. Allons-y ...

 Il saute de la table et avance vers la sortie. Je me prépare à le suivre mais mon regard est accroché par un papier qui dépasse du carton posé sur la table.  

"A NE JAMAIS PUBLIER !"

C'est curieux quand même.... Je m'apprête à ouvrir la boîte afin de découvrir son contenu quand Caliel me siffle. Il m'a pris pour un caniche ? Je me retourne lentement, mesurant la colère qui monte en moi, prête à lui dire ma façon de penser quand il s'approche de moi, il regarde par dessus mon épaule et se saisit du papier que je tenais encore dans la main. Après avoir lu ce qui était écrit dessus, il le chiffonne et le fourre dans la poche arrière de son pantalon de costard. 

- Intriguant n'est-ce pas ? Il lève son sourcil en me regardant. 

Attend-il une réponse de ma part ? Bien sûr que c'est intriguant !

J'entends des pas venir vers nous. Je me retourne au moment où mon patron, Edgar Wallace, s'arrête net devant mon corps. 


- Et merde, marmonne-t-il ... 


Quoi ?! Pas de panique ?! Pas d'appel a l'aide ?! Pas même une petite crise d'hystérie ?!  Il n'essaie même pas de trouver mon pouls. C'est quoi ce bordel ?


Je le vois enjamber mon cadavre en prenant soin de ne pas marcher dans mon sang et se diriger vers le carton qu'il m'avait confié. Il le saisit et fait machine arrière. Au moment où il s'apprête à enjamber mon corps à nouveau, je tente de me mettre sur son chemin. Il me traverse carrément. J'y crois pas, c'est comme dans ces films parlant de fantômes qu'on voit à la télé, c'est tellement frustrant. Je le vois tituber un peu plus loin et continuer son chemin, le carton toujours sous son bras. Je m'apprête déjà à courir pour le rattraper quand Caliel pose une main sur mon épaule.


- Ne devrions-nous pas rejoindre ta maison afin que tu puisses voir tes enfants et ton mari?
Sa question me paralyse. Bien-sûr que je devrais aller voir ceux que j'aime plus que tout mais je dois surtout découvrir qui m'a fait ça ! Qui m'a privé du bonheur de vivre auprès des miens ?

Je me dégage d'un coup d'épaule et cours rejoindre mon patron que j'ai perdu de vue. Je prends la première allée sur la droite et le vois disparaître au bout de celle-ci. J'accélère le mouvement et me retrouve nez à nez avec Manon Steel qui passe, elle aussi à travers moi. 


- Edgar, mon chou. Où êtes-vous? J'ai trouvé votre petite invitation sur votre bureau. Ça change du local informatique, c'est excitant comme tout mais n'est-ce pas un poil poussiéreux ?

 
J'y crois pas ... Edgar Wallace et elle entretiennent une relation ? La garce ! Dire qu'elle est a l'origine de nombreuses rumeurs sur la présumée relation qu'il y aurait entre lui et moi !
Un bruit de raclement nous parvient venant de l'allée parallèle à la nôtre. Je me dirige vivement vers le bruit et j'ai à peine le temps de voir mon tocard de patron s'essuyer les mains sur son pantalon que Manon déboule de l'allée.
-À vous voilà ! Vous voulez jouer à cache-cache ? Minaude-t-elle. 


- Mademoiselle Steel! Mais que faites-vous ici? À cette heure-ci, vous auriez dû déjà être rentrée chez vous. Il a l'air surpris de la voir et beaucoup moins familier qu'elle.


- Je devais terminer une correction. Je m'apprêtais à rentrer chez moi quand j'ai vu de la lumière dans votre bureau et ce post-it dessus me demandant de me rendre aux archives et me voilà, dit-elle avec un sourire enjôleur. Je pensais que vous vouliez peut-être terminer ce qu'on avait commencé dans le local informatique la semaine passée. 


Elle se rapproche de lui, prête à déposer sa main sur sa braguette quand mon patron recule vivement. 


- Ne dites pas n'importe quoi ! Je n'ai jamais mis les pieds dans le local informatique et encore moins avec vous. Vous devez vous tromper Mademoiselle Steel et je vous saurais gré de ne plus avoir ce genre de comportement déplacé à l'avenir. Maintenant, rentrez chez vous et oublions ce qui vient de se passer.  


Je vois les larmes qui montent aux yeux de Manon qui court déjà rejoindre la sortie. Il peut bien parler d'un comportement déplacé, lui qui vient de voir le cadavre de son employée sur le sol sans avoir d'autres réactions qu'un "Et merde !".
Edgar Wallace suit Manon du regard et une fois certain qu'elle est bien partie, avance un marchepied et se hisse le long des armoires jusqu'à atteindre les dernières boîtes avant le plafond. Je le vois écarter les premières pour atteindre la deuxième rangée. Il se saisit d'un carton plus petit que les autres, remet le reste à sa place et redescend. Il ouvre délicatement le couvercle, vérifie ce qu'il y a dedans et le referme sans que je puisse avoir le temps d'y jeter un coup d'œil. Déjà, il se dirige vers la sortie des archives. 


- Alors qu'est-ce que tu en penses ? Me demande Caliel. 


- Je pense que je n'ai pas été assassinée par mon patron mais qu'il cache quelque chose. Peut être en rapport avec ma mort... Et je pense que Manon Steel est une vraie gigolette et que je compte bien lui pourrir un peu la vie!


Caliel sourit en me prenant la main.


- Allons voir tes hommes pour commencer. En voiture, Simone! 

Tout est possible quand on est mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant