Chapitre 4: Antoine

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Je rêve ou il a dit "En voiture, Simone!" ?! 

C'est le genre d'expression que je trouve ringarde et d'une lourdeur inimaginable. C'est aussi la première phrase que m'a dite mon mari quand on s'est rencontré. 

Se déplacer quand on est mort a un côté pratique non négligeable. Caliel m'a expliqué que je n'avais qu'à penser à l'endroit où je voulais aller et d'un claquement de doigts, j'y étais. 

C'est dans mon salon qu'on apparaît. Caliel se place légèrement en arrière, probablement pour me laisser de l'intimité. Antoine s'est endormi dans le canapé. Je vois qu'il a commencé une nouvelle série sur Netflix. Je ne peux pas m'empêcher d'être attendrie par ce simple fait, on a commencé la série "Good Girls" il y a quelques jours en se promettant de regarder chaque épisode ensemble et je constate qu'il tient parole. Si les rôles avaient été inversés, je me serai sûrement envoyée la saison complète, à titre d'opposition pour notre soirée gâchée. Mais Antoine n'est pas comme ça. C'est un doux et fidèle compagnon. Il est gentil, serviable et à l'écoute de mes moindres bobos.

J'entends un bruit venant de l'étage, je me matérialise dans le couloir, devant les chambres de mes enfants. 

Hugo, mon aîné, file dans la chambre de son petit frère, Valentin. Je m'approche sur la pointe des pieds. C'est idiot vu qu'ils ne peuvent ni me voir, ni m'entendre. C'est l'ambiance de la maison qui m'oblige à être silencieuse. 

Je vois Hugo s'approcher de Valentin qui s'agite dans son petit lit. Il dépose délicatement sa bouche contre la petite oreille de son frère et je l'entends murmurer une douce mélodie. Une mélodie que je ne reconnais pas. Aussitôt, Valentin s'apaise et retrouve un rythme calme et apaisé. 

Je ressens une énorme fierté pour Hugo qui, du haut de ses huit ans, est un petit garçon adorable, serviable et d'une grande maturité pour son âge. Il prend soin de son petit frère de tout juste deux ans. 

Une fois certain que Valentin est bien rendormi, il dépose un baiser sur son front et se dirige vers sa chambre. Au moment où il passe à côté de moi, il tourne sa tête dans ma direction. Il plisse des yeux, comme s'il avait du mal à voir.

- Maman ? Tu es rentrée ? 

La panique monte en moi, peut-il me voir?

- Je suis là mon amour. Tu ne dois pas avoir peur, je ne te veux aucun mal... 

Mais Hugo passe à travers moi quand il se dirige vers les escaliers. Après avoir observé le salon par dessus la rambarde, il recule. 

- Ce n'est que la télévision, dit-il. 

Il rebrousse chemin et passe la porte de sa chambre en me traversant à nouveau. Je le suis, émue. Il rabat la couverture sur sa tête et plonge ses mains sous son coussin pour les ressortir aussitôt, ramenant un vieux t-shirt à moi. Je me souviens qu'il était rouge à l'époque. Dans mon monde devenu gris, je ne peux qu'imaginer la couleur de ce t-shirt. Hugo met son pouce dans sa bouche et enroule le tissu autour de sa main pour ramener l'index sur son nez. Ses yeux papillonnent puis se ferment doucement. Hugo s'endort avec une facilité déconcertante. Il ne tient pas ça de moi, il me faut des heures pour trouver le sommeil et j'ai besoin de lire jusqu'à sombrer. Impossible pour moi de faire sans. 

Je contemple mon tout petit quand la rage et la colère m'envahissent à nouveau. C'est tellement injuste ! Je devrais être là, près d'eux à les serrer dans mes bras, les embrasser et les aimer le plus longtemps possible. Que vont-ils devenir sans moi ? Eux, si joyeux, si insouciants. Comment vont-ils grandir et s'épanouir après ce qu'on m'a fait ? 

Tout est possible quand on est mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant