Chapitre 6: La découverte

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Assise sur le canapé du salon. J'épluche le téléphone d'Antoine. Pour le moment, je n'ai rien trouvé qui puisse me mettre sur la voie d'une infime petite réponse. J'ai même tenté l'historique google. 

Caliel est assis en tailleur à même le sol quelques mètres plus loin, silencieux. 

- Mais c'est pas possible! Il doit bien y avoir un truc là-dedans qui pourrait me mettre sur la voie! 

Je m'énerve. J'ai de plus en plus de mal à me maîtriser. Je tente de lancer le téléphone contre le mur en face de moi mais il me reste collé à la main. J'entends Caliel ricaner, j'essaie de le lui lancer à la figure et, surprise, le téléphone passe au travers de son visage. 

- Tu vois ? Il faut le vouloir vraiment pour que ça fonctionne, rigole-t-il. 

- Je commence à comprendre. J'espère qu'il perçoit le sarcasme dans ma voix. 

Je me lève pour aller ramasser le téléphone et je décide de traverser Caliel, avec l'espoir que ce petit passage lui sera désagréable. Le choc produit par mon pied percutant son genou me fait valser, tête la première, au sol. 

- Tu as vraiment cru que tu pouvais passer à travers moi ? Simone, t'es sérieuse ? Caliel est au bord des larmes tellement il rigole. Je suis un "Ange", il me mime les guillemets. 

- Je voulais juste faire une expérience, dis-je légèrement honteuse mais surtout agacée. 

J'avance à quatre pattes jusqu'au téléphone, le déverrouille en me relevant, prête à reprendre les fouilles quand mon pouce effleure le petit téléphone vert... Oh merde ! Je suis en train d'appeler E.W .... Je tente de raccrocher en vain ... Mes doigts n'arrêtent pas de traverser l'écran. Je décide de le porter à mon oreille, au moins je serai vite fixée. 

- Allô ?

D'accord, mon patron a une voix suraiguë mais là, c'est clairement une voix de femme. 

- Allô ? Monsieur Hardhell ? C'est vous ? 

-Heu... Je ... pardon ... heu ... je n'y crois pas, je balbutie encore. 

- Antoine ? Je vous entends très mal, je pense que vous avez un problème avec votre réseau. 

- Non, attendez ! Je suis Simone Hardhell, sa femme. Qui êtes-vous ? 

- Bon, Monsieur Hardhell, je suis désolée mais je vais devoir raccrocher. Rappelez-moi dès que vous captez à nouveau du réseau. 

- Non, attendez ! je crie. 

Mais c'est trop tard, seul la tonalité de fin d'appel se fait entendre. 

- Mais c'est pas vrai ! Caliel, pourquoi ne m'a t-elle pas entendue ? 

- C'est pas évident de se faire entendre par les vivants et c'est encore moins facile avec leurs moyens de communication. Certains ressentent ou voient les ombres que vous devenez en mourant mais ils n'ont pas la capacité de vous aidez à passer de l'autre côté. C'est une quête personnelle, propre à chacun. 

Je baisse la tête, envahie par la tristesse. J'avais émis le petit espoir d'entrer en communication avec Hugo. Je suis certaine qu'il m'a bien ressentie dans le couloir tout à l'heure. 

La lumière de la cage d'escalier s'allume et des pas se font entendre, quelqu'un descend. Je vois Antoine tout ensommeillé se diriger vers la cuisine, j'entends le bruit de la machine à café qui se met en route et le froissement du sachet de pain que l'on ouvre. 

-Simone ? T'es là ? 

Je m'appuie contre le chambranle de la porte et regarde ce traître me chercher. Je vois sur l'horloge de la cuisine qu'il est bientôt sept heures. Normalement, je serais en train de m'activer à la préparation des lunchs et du petit-déjeuner. Il va près de la buanderie située au fond de la cuisine, juste avant la porte donnant sur le jardin. 

-Simone ? 

Je le vois partir en flèche vers l'étage, il monte les escaliers quatre par quatre pour se rendre dans la salle de bain juste à côté de notre chambre. 

- Simone ? 

Mais pourquoi se donne-t-il la peine de me chercher s'il sait que je suis morte ? 

Il retourne dans notre chambre et se saisit de son téléphone qu'il porte à son oreille. J'ai toujours la copie du téléphone dans ma main et je constate qu'il est en train de m'appeler. 

- Bonjour, vous êtes bien sur le répondeur de Simone Hardhell, je ne peux répondre pour le moment mais veuillez laisser un message et je vous répondrai dans les plus brefs délais...

- Ma chérie, c'est moi. Tu es où ? Je t'ai cherchée partout dans la maison. Je le vois se rendre près de la fenêtre côté rue. Et ta voiture n'est pas là non plus. Peux-tu me rappeler le plus vite possible? Les enfants vont bientôt se réveiller et je ne sais pas quoi leur dire pour les rassurer sur ton absence. Je t'aime ... 

Est-ce qu'il essaie de brouiller les pistes au cas où il serait interrogé par la police? 

Des gyrophares bleus illuminent soudain la chambre. Quand on pense au loup, c'est justement une voiture de flic qui se gare devant notre allée de garage. Je vois le visage surpris et inquiet d'Antoine qui est déjà sur le point d'enfiler sa robe de chambre. On est à peine redescendu dans le salon que le carillon de la porte d'entrée résonne. 

Antoine ouvre rapidement à deux policiers, une petite blonde à lunettes un peu boulotte et un homme typé hispanique de carrure athlétique.  

- Monsieur Hardhell ? Commence la femme, nous sommes désolés de débarquer à une heure aussi matinale mais nous avons une mauvaise nouvelle à vous annoncer. Pouvons-nous rentrer ? 

- Oui oui, bien-sûr, entrez, entrez. Antoine s'efface pour laisser passer les deux policiers.  Y a-t-il un rapport avec ma femme ? Quand je suis descendu ce matin, elle n'était pas là. Elle ne répond pas à son téléphone. Mon dieu, j'espère qu'elle n'a pas eu un accident ... Mais si c'est ça!  Elle a eu un accident ! Est-elle à l'hôpital ? Est-elle blessée ? Il faut que je m'y rende tout de suite !

Antoine devient totalement hystérique, je ne le savais pas si bon acteur. 

La policière lève le bras pour interrompre la logorrhée de mon mari. 

- Monsieur, pouvons-nous aller nous asseoir ? Nous allons tout vous expliquer.

Antoine les conduit  dans notre salon et les fait asseoir dans le divan avant de prendre place dans celui juste en face. 

- Monsieur, ce n'est pas facile à annoncer. Je n'irai pas par quatre chemins, reprend la femme. Nous avons découvert le corps de votre femme ce matin dans les sous-sols de la maison d'édition où elle travaille. Il semble qu'elle ait été assassinée et nous...

Je vois Antoine qui devient blanc et s'il n'était pas déjà assis, il se serait probablement effondré. 

- Papa, où est maman ? Une petite voix toute ensommeillée interrompt la policière. Pourquoi la police est là ? Hugo va directement vers son père pour se blottir dans ses bras. 

- Heu ... Je ... 

Je ne suis pas la seule à balbutier.

-Hugo, mon chéri. Ces policiers viennent de m'annoncer une terrible nouvelle. Ta maman ne reviendra plus, elle ... Elle est morte, mon cœur. 

Hugo cligne plusieurs fois des yeux. Je vois qu'il ne comprend pas trop ce que son père tente de lui annoncer. Mes enfants n'ont jamais fait face à la mort, Antoine et moi avons encore nos deux parents. 

- Monsieur Hardhell, nous souhaiterions que vous nous accompagniez au poste de police. Nous avons quelques questions à vous poser et nous avons besoin de vous pour procéder à l'identification du corps.

- Très bien, je vais appeler mes parents pour qu'ils viennent s'occuper des enfants. 

Antoine dépose Hugo à côté de lui et se lève fébrilement du fauteuil. Il retourne dans la cuisine, son portable à la main. Je le suis et je le vois effacer en vitesse les derniers messages qu'il a reçus ... Ceux envoyés par E.W ... 

Tout est possible quand on est mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant