Chapitre 3 / Dario

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***


Habillé en civil, mon sac de sport sur l'épaule, je patiente. Je ne tiens plus en place, mon cœur bat fort. J'ai les mains moites, j'appréhende. L'excitation et le trac mènent le combat et aucun des deux ne veut perdre. J'ai mal au bide, j'en arrive presque à vouloir reculer. Je respire profondément. Dario, que t'arrive-t-il ? Derrière la porte la liberté, ma liberté. J'entends un clic et c'est la délivrance, ma délivrance.

Un pas puis un autre. Enfin je suis dehors, je mate la rue de gauche à droite, je prends le temps d'observer les arbres qui la longent et les voitures qui y transitent. Je m'imprègne de tous les éléments, mon corps se relâche, mon esprit s'envole. Une nouvelle fois, je balaie des yeux l'avenue. Je tombe sur le regard de mon pote. Le voir adossé contre la bagnole me renvoie quelques années auparavant lors de notre rencontre.

On s'est repéré derrière le bâtiment principal, les pions n'y viennent jamais, ou vraiment rarement. Il fumait tranquillement son joint, le dos et la jambe appuyés contre le mur. Il ne s'est pas caché. Il m'a tendu son cône et je l'ai accepté. On n'a commencé à parler caisses, des conneries que l'on aimait faire. Tout de suite, le courant est passé et depuis il est devenu mon pote, mon frère, ma famille.

— Hey Dario ! Tu as fini de me mater ?

Je sors de mes pensées et traverse la route en direction de Johan.

— Ton sens de l'humour m'a manqué !

Je pose mon sac à terre ouvre les bras et serre mon ami contre moi.

— Ça fait du bien de te voir dehors ! m'avoue-t-il.

J'ébouriffe ses cheveux blonds, d'un mouvement du corps, j'esquive une baffe.

— Tu as gardé tes réflexes, s'exclame-t-il en s'amusant.

— Allez grimpe, on ne reste pas en France. On a de la route à faire.

Sans aucune question, je monte. Le moteur rugit et je peux enfin respirer. Dans le rétro, pour me rassurer, j'observe la maison d'arrêt d'Osny s'éloigner.

Malgré le début du mois de septembre, il fait encore chaud. Lunettes de soleil sur le nez, je m'enivre du paysage qui défile sous mes yeux. J'avais oublié que la banlieue était aussi laide et triste. Mais j'adore. Certains trottoirs sont fissurés ou cassés sur d'autres des poubelles y sont renversées. Les murs sont tagués de messages de haine, de paix ou d'espoir. Je lève la tête pour admirer les tours d'immeubles grises et imposantes. Il y en a tellement. Ici, les arbres deviennent une espèce en voie de disparition. L'odeur des pots d'échappement anesthésie mes narines. Je respire une grande bouffée d'air.

Quand je sens la voiture accélérer en s'engageant sur l'autoroute, je souris comme un con.

— Alors tu vas me dire dans quel pays tu m'emmènes ou tu veux peut-être jouer au jeu des devinettes avec moi ? je lui demande.

— En Espagne, mi amigo, répond Johan, excité.

— Tu m'expliques ?

— Notre contact, Juan, il m'a appelé peu de temps après ton arrestation. Il a voulu me rencontrer. Quand on s'est vu, il a dit beaucoup de bien de nous. Il est content de notre travail et il était contrarié d'apprendre que tu étais en prison. Il nous propose de rejoindre son clan, c'est du sérieux, Dario. Je lui ai répondu oui.

— Qu'est-ce qu'il fout en Espagne ?

— J'ai pas trop su, apparemment une histoire de balance dans son réseau et les stups qui commençaient à trop fouiner, m'explique mon pote.

Hasta siempreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant