Chapitre 10 / Saddie

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***


Alma ralenti son scooter quand la voiture que nous suivons depuis bientôt dix minutes commence à manœuvrer pour se garer.

Nous stoppons dans une petite rue perpendiculaire. Je descends en vitesse de l'engin, pour ne pas perdre de vue mes cibles. Appuyée contre la façade d'un petit immeuble, je passe ma tête pour m'assurer qu'ils ne viennent pas dans notre direction.

Je fais signe à ma copine que tout est ok, en les regardant rentrer dans un bel immeuble du centre de Madrid.

J'enlève mon casque, et passe une main dans mes cheveux, pour leur redonner du volume.

— Ils vont où comme ça ? Me demande Alma en ôtant son casque.

— Aucune idée, par contre Cisco avait l'air de connaître par cœur le code d'entrée. J'informe Al.

— C'est bizarre ! S'exclame-t-elle en pleine réflexion. Ils sont peut-être simplement venu voir quelqu'un.

— Si seulement je pouvais savoir ce qu'ils fabriquent ici ! Plus qu'à attendre qu'ils reviennent.

— Pourvu qu'on patiente pas pendant des heures ! J'ai faim ! Grogne-t-elle.

— Dit moi plutôt quand tu n'as pas faim Alma ?

— Rien de tel qu'une bonne filature le ventre plein, regarde ! Ses pupilles se dilatent quand elle pointe du doigt un petit kiosque à bonbon. Je vais faire le plein, ne bouge pas, j'en ai pour deux minutes ! Me lance-t-elle en traversant déjà la rue.

— Alma ! Je te préviens....

C'est peine perdue, je ne finis même pas ma phrase, quand je comprends qu'elle est déjà trop loin pour m'entendre.

En attendant, le retour de ma meilleure amie, le doute me gagne. Est-ce que c'était une bonne idée de venir jusqu'ici ? J'aurais peut-être mieux fait d'aller parler avec mon père ? J'ai conscience que c'est peut-être une connerie de ma part d'être sortie de la maison sans rien dire. Je mets probablement ma copine dans une situation dangereuse. Mais j'en ai eu marre. Ce matin, j'ai reçu un colis, rempli de viande humaine. Et la gentille petite Saddie,que je suis aux yeux de tous, devrait rester bien tranquillement assise dans son canapé et attendre. Attendre quoi ? Ma mort ? Le prochain paquet ? Non, c'est terminé. Je tire un trait sur cette Saddie, qui n'est pu à l'ordre du jour.

Je vais prouver à mon cher papa que je suis une personne forte et futée. J'aimerai mettre les deux pieds dans son monde et l'affronter. Même s'il est en partie composé d'hommes, tant pis, j'apprendrais à résonner comme eux, à me battre. Mon statut de femme ne fait pas de moi une personne plus inapte qu'un mec.

J'ai tout à la maison pour m'entraîner, les gars de mon père le font tous les jours, ils pourront bien m'aider. Je vais me faire une place, ça ne me fait pas peur, enfin presque. Mon ventre se contracte, mon cœur se serre en même temps que mes divagations.

Sortir du domaine ça s'est fait assez facilement pour Al et moi. Nous nous sommes cachées à l'arrière d'une petite camionnette, à la fin de son déchargement. Merci au traiteur qui vient nous livrer des courses, une fois par semaine. Je connaissais ses horaires de passage. Un jeu d'enfant. Au premier Stop, nous avons sauté en dehors du véhicule, puis après cinq bonnes minutes de marche, nous grimpions sur le scooter d'Alma.

Et nous voilà, dans cette rue à jouer aux espionnes. J'ai simplement envie de m'arracher de la tête l'image de mon père apprenant notre nouvelle escapade.

Hasta siempreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant