Chapitre 5

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Charlie

L'expression « avoir la tête dans le cul » m'a toujours semblé très appropriée pour un lendemain de fête, et aujourd'hui, c'est bien le cas. J'ai l'impression d'avoir le cerveau dans un étau, et que des centaines d'ouvriers travaillent à forer mon crâne, inlassablement depuis mon réveil. Evidemment, j'arrive le dernier dans le bus, alors que le chauffeur me regarde d'un air blasé et qu'il ferme la porte coulissante derrière moi. J'avance dans l'allée du car entièrement réaménagé, pour rejoindre mes potes à l'arrière, où se trouve le salon dans lequel nous voyageons habituellement. A l'avant, se trouvent deux petites tables entourées de deux banquettes chacune, pour s'isoler. L'une d'elles est occupée aujourd'hui, et je note au passage, sans toutefois m'arrêter, que c'est la fille d'hier soir qui y est assise. J'ai la vague impression qu'il s'est passé un truc dans lequel elle était concernée, à l'After, mais je n'arrive pas à mettre le doigt dessus. Bon, de toute façon, vu qu'elle ne relève même pas la tête de sa liseuse alors que je passe à côté d'elle, je trace sans même lui dire bonjour. J'ai comme l'impression que notre rencontre n'a pas été très amicale, peut-être est-ce pour ça qu'elle m'ignore ? J'ai bien vu qu'elle avait repéré ma présence, ses yeux balayant mes chaussures avant de revenir sur son bouquin, et je note dans un coin de ma tête d'approfondir le sujet plus tard. Quand les ouvriers auront quitté le chantier, tant qu'à faire...

— Ah tiens, notre divin leader daigne enfin nous rejoindre ! s'exclame Chris théâtralement en ouvrant ses bras en grand. Elle était si bien que ça la fille que tu t'es faite dans ta loge ?

— Parle pas si fort ! je grogne en m'affalant à côté de lui sur la banquette en cuir. Non, elle était à chier, autant le dire. Elle a fait l'étoile de mer pendant que je faisais tout le boulot ! Nulle. Bon, elle a eu l'avantage d'être un bon vide-burnes quand même hein, tout n'était pas à jeter...

— Beurk, c'est bon, j'ai pas besoin d'en entendre plus...

— C'est toi qui as demandé, hein, mec, je ne fais que répondre à ta curiosité !

— T'as raison, j'aurais pas dû demander. Mal à la tête ? me demande le batteur en se marrant.

— Ouais, alors chuuuuuutttt !

Il continue à se marrer, alors que je ferme les yeux, la tête en arrière sur le haut du coussin. J'entends Chris bouger, et un bruit de verre qu'on pose sur la table et d'eau qui le remplit me parvient aux oreilles. J'ouvre les yeux en grommelant alors que d'un coup de coude, il me désigne une aspirine qui achève de se dissoudre dans un verre devant moi. Sans répondre, ni même le remercier, j'attrape le gobelet et le vide d'un coup, en grimaçant de dégoût à la dernière goutte.

— Putain, c'est toujours aussi dégueu, je murmure pour moi-même.

— Le goût de l'efficacité, affirme Chris en se marrant. T'as beaucoup bu hier soir avec ta nana ?

— Que dalle, je réponds. J'ai même pas eu le temps !

Chris me dévisage, et d'un coup, son visage se ferme.

— Ne me dis pas que t'as pris de la drogue !

— Oh ça va, je réplique, mouché par sa réaction. Juste une petite ligne en sortant de scène, tu vas pas me faire un drame pour ça, hein, Maman ? Tu sais bien que je peux pas redescendre avant des heures si j'en prends pas un peu, et que je ne peux pas dormir après un concert sinon.

— Putain Charlie, t'avais dit que t'arrêtais ces merdes ! T'as failli y passer la dernière fois ! Mince, tu vas pas recommencer ça !

Chris se lève, comme s'il ne pouvait plus partager un sofa avec moi, et se met à faire les cent pas, dans le minuscule salon VIP du bus ; vu l'espace disponible, il fait plus du surplace qu'autre chose, mais je me garde bien de le lui faire remarquer, étant donné son état d'énervement.

The Rebel Sinners [ sous contrat Editions Addictives ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant