Le monde était cruel.
Mikasa l'avait toujours su. Depuis son plus jeune âge, la cruauté avait été là, dans des actes quotidiens, des mots et des gestes communs auxquels elle n'avait jamais pensé, trop imprégnés de normalité.
Les insultes qu'elle n'avait jamais compris (« Salope d'asiatique ! », « Les Ackerman sont des traitres, vous devriez tous brûler en Enfer ! »), les actes qui avaient ponctués son enfance (sa mise à l'écart systématique par les autres enfants de l'école, les remarques sur la forme de son visage, les regards et gestes des hommes lorsqu'elle et sa mère osaient s'aventurer en ville). Ses parents la vivaient souvent avec une force modelée par l'habitude, dans un sourire et avec un brin de fatalité qui ne l'avait jamais questionné. Les choses étaient ainsi faites. Leur nom, leur appartenance, leur apparence, ne seraient jamais remis en question. Il fallait vivre avec. Survivre aux côtés de cette cruauté et la subir.
Il avait fallu l'attaque, le meurtre de ses parents et son enlèvement par des trafiquants d'êtres humains pour qu'elle le comprenne tout à fait : le monde était cruel, n'avait jamais cessé et ne cesserait jamais vraiment de l'être. Sa vie en serait à jamais ponctuée, remodelée. Et, non, il ne fallait pas vivre aux côtés de la cruauté et la subir, non : si elle le faisait, si elle empruntait ce chemin, elle aussi finirait bientôt dans une tombe, dans ce sol fait de terre et de roches, dans l'enclos de ces murs, n'est-ce pas ? Il fallait faire plus que cela.
La cruauté ... Modelée par les insultes, par les coups, par les gestes. Par l'égoïsme, l'aveuglement et le désespoir. La cruauté ne prendrait jamais vraiment fin, quoi qu'elle puisse faire.
Elle devait se battre, comme Eren le lui avait appris. Elle devait être forte. Elle ne devait pas juste la subir : elle devait la surpasser, la transcender.
Elle courrait aveuglément dans les rues de cette ville qu'elle ne connaissait pas, au milieu de ces automobiles et de tous ces gens qui se rassemblaient, convergeaient vers un même point d'intérêt. Les passants la haranguait, la fustigeait, car elle ne prenait pas garde à les éviter ou non, s'enfonçant en la vague informe et joyeuse qui badinait autour d'elle sans aucun égard. Cela n'avait pas d'importance.
Son équipement tridimensionnel frappait ses jambes, sa ceinture lui serrait si fort la taille qu'elle en aurait pour sûr les marques gravées dans la chair. Le tout était dissimulé sous le long manteau noir que le Bataillon avait revêtu à leur arrivé à Mahr, et qu'elle portait serré autour de son corps. Elle pensa l'utiliser, s'attacher au bâtiment le plus proche pour avancer plus vite dans cette marée humaine et passer de toits en toits, mais le bourdonnement et l'ombre qui commença à couvrir la rue l'en dissuada : un grand ballon, un de ces dirigeables utilisés par les armées de Mahr, volait au-dessus d'elle et parviendrait rapidement à la localiser si elle osait utiliser son équipement.
L'urgence la prenait à la gorge, l'empêchait de réfléchir correctement. Son cœur lui semblait prêt à jaillir de sa poitrine, à remonter dans sa gorge et à l'étrangler.
MAHR – Quelques minutes plus tôt.
Elle observait les rapports étalés sur la table, face au Major Hanji, lorsqu'un grand fracas les fit tous sursauter. Mikasa se redressa, les sens en éveil, une main déjà sur la garde de son arme, alors que Connie s'adossait à la porte qu'il venait de claquer derrière lui.
-Ils ont été attrapés.
Il transpirait. Ses yeux étaient fous, brillaient d'une panique qui plongea leur petit groupe dans un questionnement profond et un peu fébrile. Ils échangèrent tous des regards incertains, des pensées qu'ils n'osaient vraiment formuler. Mikasa sentit son cœur accélérer, et manqua de faire un pas vers la porte lorsque le regard de Connie croisa le sien.
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« Cruel World. » | Rivamika.
FanfictionMikasa Ackerman savait parfaitement que le monde était cruel. Il était froid, dur et tranchant. Il daignait parfois vous offrir quelques cadeaux, quelques instants de joie pure, d'allégresse, pour tout aussi vite vous les reprendre, vous les arrache...