I.

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Lily était en retard. Lily Evans était en retard un premier septembre, probablement du jamais vu dans l'histoire de Poudlard. Lily Evans était le genre de personne à apprécier prendre son temps en toute circonstance. Elle aimait savourer son premier thé de la matinée, elle aimait avoir le temps de manger et d'aller en cours tranquillement plutôt que de risquer sa vie dans les escaliers tournants du château. Elle était une jeune fille posée et organisée comme elle l'avait expliqué cent fois à ses amies, ce qu'Hestia Jones préférait résumer laconiquement par un simple : « maniaque quoi ».

En repoussant ses cheveux roux plaqués sur son visage par la vitesse, Lily contempla sa situation sans arrêter de courir et estima qu'elle aurait largement pu être plus avantageuse. Elle venait à peine de dépasser la séparation entre les quais trois et quatre que l'immense horloge de King's Cross sonna onze heures moins cinq. Moins cinq, répéta Lily d'une voix suraiguë. Elle se mit à courir encore plus vite, évitant de justesse des moldus outrés d'avoir failli se faire renverser par une demie portion rousse poussant avec frénésie un chariot meurtrier. Son charriot prit un virage en épingle en dépassant la voie sept, et manqua d'ensevelir une vieille dame à l'air revêche sous son chargement bruyant. En effet reposait dessus et dans un équilibre précaire, sa malle et la cage de McCartney son hiboux, d'une humeur exécrable ce matin là et qui le faisait savoir en poussant des hululements assourdissants. Elle avait beau mettre toute son énergie à courir plus vite qu'elle n'avait jamais couru, son esprit marchait à mille à l'heure. Qu'est ce qu'on était sensée faire quand on ratait le train ? Personne ne ratait jamais le train ! Sauf toi, pour ton premier jour en tant que Préféte en Chef, lui glissa une petit voix doucereuse dans un coin de son cerveau, qu'elle essaya tant bien que mal de faire taire.

Enfin, elle aperçut le mur de brique qui séparait la voie neuf de la voie dix. Toujours à pleine vitesse, elle mit le cap sur la barrière rouge et ferma les yeux au dernier moment, son corps toujours persuadé qu'elle allait finir sur le carrelage sale de King's Cross avec une triple commotion cérébrale. Mais pour la septième fois de sa courte vie, l'impact ne vint pas. Au lieu de ça, Lily se retrouva sur le quai neuf trois-quart devant une locomotive fumante et écarlate, entourée d'une foule de parents éplorés qui faisaient de grand gestes d'adieux à des bandes de gamins braillards penchés aux fenêtres. Au dessus de sa tête, une horloge sonna cinquante neuf.

Un coup de sifflet strident retentit et les contrôleurs reculèrent de la bordure du quai repoussant les parents sanglotants avec eux. Avec désespoir Lily se rendit compte que toutes les portières du train avaient déjà été fermées et que celui ci allait vraiment partir sans elle cette année. Soudain, ses yeux se portèrent sur le dernier wagon où deux silhouettes en habits moldus, debout sur le marche pied, entretenaient une conversation houleuse avec un contrôleur écarlate qui ponctuait son discours de coup de sifflet hargneux.

Lily sentit son cœur se serrer dans un élan de gratitude envers ses meilleures amies. Hestia Jones, les mains sur les hanches, était penchée de toute la supériorité que lui conférait son marchepied sur le petit contrôleur rougeaud et le couvrait de reproches acérés qui résonnaient dans toute la gare. Marlène quant à elle était engagée dans un lutte acharnée pour garder la portière ouverte avec un deuxième contrôleur, plus jeune que son collègue, et qui semblait totalement pris au dépourvu par la tournure des événements. Lily était à présent suffisamment proche pour entendre les recriminations d'Hestia et elle ne put retenir un sourire tout en accélérant encore.

- Je vous dit que ce train ne partira pas tant que mon amie ne sera pas arrivée, misérable troll dépourvu d'humanité !

- Mademoiselle pour la centième fois, le règlement ...

- Il n'est que cinquante neuf ... ajouta Marlène essoufflée, les mains crispées sur la portière.

- Oh et puis qu'est ce que ça change pour vous, cinq minutes ? Vous prenez votre pied à martyriser des pauvres écolières ? Rajouta Hestia avec tellement de hargne que son accent irlandais se fit encore plus prononcé que d'habitude.

P H É N I X. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant