P H É N I X.

II.

En Écosse, pensa Lily, il semblait faire froid dès le 29 août. Le soleil s'était couché depuis plusieurs heures et les effets bénéfiques de ses rayons avaient disparus depuis au moins autant de temps. Ainsi seul un vent violent qui s'engouffrait agressivement entre le petit bâtiment de briques grises et le quai bondé, les accueillit. Un gentil chaos régnait dans la gare de Pré-au-Lard, entre le feulement des chats, le hululement des hiboux, le bruit des capes dans le vent, les bavardages des élèves enthousiastes et les chocs répétés des malles entre elle. Dominant le brouhaha de sa voix de stentor, Hagrid fidèle à lui même tentait tant bien que mal de rassembler les premières années éparpillés. Lily évalua le nombre d'élèves qui la séparait du garde chasse et hésita à utiliser son insigne pour créer un passage de force.

- Y'a trop de gens Lils. On ira prendre le thé dans la semaine, on a tout notre temps ! Hurla Hestia dans son oreille.

Lily acquiesça et les trois jeunes filles se frayèrent un chemin à grand renfort de coup de coude jusqu'aux petit terre-plein d'où partaient les carrioles qui les attendaient patiemment pour les emmener au château. Les Maraudeurs n'étaient nul part en vue aussi montèrent-elles dans la première calèche qui se présenta, non sans que Marlène eut fait les gros yeux à une bande de Pouffsoufle de troisième année qui avait espéré les griller.

Juste avant que les portes ne se referment, trois élèves dans des uniformes de Serdaigle montèrent en catastrophe, trop content d'avoir trouvé une calèche à moitié vide aussi rapidement pour se formaliser de ses occupants. En apercevant les nouveaux arrivants Lily tenta tant bien que mal de dissimuler son hilarité sous une quinte de toux très peux convaincante. Elle lança un regard catastrophé à Marlène qui semblait vouloir disparaître entre les épais coussins de velours noirs de la calèche. Au bout de plusieurs minutes d'un silence tendu, Lily se décida à lancer la conversation.

- Alors ces vacances ? Demanda-t-elle d'une voix qui sonna plus embarrassée qu'elle ne l'aurait voulu.

- Trop courtes comme d'habitude, répondit Viola MacShire avec un sourire.

Lily le lui rendit et se fit la réflexion pour la énième fois en sept ans que Viola était plutôt mignonne, mais que pour son plus grand désavantage on ne pouvait la trouver sans sa meilleure amie, ce qui, soyons honnête, aurait même rendu Sirius Black fade en comparaison. Assise à sa droite, Nell Wickham semblait avoir encore embellie pendant l'été. Sa peau olivâtre était parfaitement tannée par le soleil ce qui mettait en valeur ses cheveux d'ébène. À intervalle régulier, la faible lumière des torches faisaient briller les anneaux d'or qui ornaient ses oreilles, et Lily était prête à parier qu'ils s'étaient multiplier durant les vacances. Nell semblait néanmoins plus intéressée par le bout de ses chaussures en cuir que par les pauvres efforts de socialisation de Lily. Elle gardait ses yeux obstinément fixés sur le plancher usé de la calèche, et Lily l'entendît à peine articuler faiblement un bien laconique.

En dernier recours elle se tourna vers Saul Funestar, assis en face d'elle, collègue Préfet et Capitaine de l'équipe de Quidditch de Serdaigle. Lily n'avait que rarement discuté avec Funestar, si ce n'est au coin d'un couloir de temps en temps entre deux rondes ou avant un cour commun de Sortilège, mais elle n'avait jamais remarqué une hostilité particulière émaner de lui. Pourtant le regard froid qu'il lui décocha la laissa bouche bée. Ses yeux bleus avaient la dureté de la glace en hiver, agressifs et méprisants. Presque immédiatement Funestar détourna la tête et reporta son attention sur le paysage qui défilait au dehors. Lily sentit un frisson désagréable lui parcourir le dos.

Plus personne ne prononça un mot jusqu'à ce que la calèche s'immobilise à la lisière du Parc et c'est avec un soulagement à peine dissimulé que Lily sauta du marche pied et se mit à monter la légère pente herbeuse qui menait au château. Maintenant que les lumières de Pré au Lard et les torches du chemin étaient loins derrières, une nuit d'encre les enveloppait. Devant elles, la masse immense de Poudlard, ses centaines de fenêtres allumées qui se reflétaient sur la surface lisse du Lac Noir, ses dizaines de tours qui semblaient monter indéfiniment à l'assaut du ciel, les dominait de toute sa splendeur. Un instant Lily eut onze ans de nouveau, naviguant sur les eaux obscures du lac dans une barque branlante, morte d'inquiétude à l'idée de ne jamais trouver sa place dans cet univers merveilleux, qui l'attirait pourtant avec une force et une certitude qu'elle ne pouvait combattre.