Chapitre 3 : Le lieutenant et l'orc

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Lorsqu'il retraversa le salon écarlate en sens inverse, Nahir était plongé dans ses pensées et ne fit même pas attention aux jeunes prostituées qui le regardait passer avec espoir. Il avait presque atteint la porte lorsqu'une forme immense lui tomba dessus. Il tenta d'éviter l'attaque mais sa discussion avec Vermel LaRue l'avait distrait. Il réagit une seconde trop tard et la masse le percuta de plein fouet. Heureusement pour lui, Nahir était agile. Plutôt que de s'écraser au sol, il accompagna le mouvement et, d'une esquive souple, échappa à la chute. La chose qui l'avait attaqué eu moins de réflexes, elle tituba quelques temps avant d'aller s'étaler sur la moquette carmin en emportant avec elle tout ce qui se trouvaient sur son chemin. Nahir était prêt à se défendre face à cette menace, les mains serrées sur ses poignards et le corps tendu comme un arc. Cependant, il se rendit vite compte que celui qui l'avait bousculé n'était clairement pas en état de se battre. La créature, incontestablement soule, se tordait de rire sur le sol au milieu d'un cercle de prostituées gloussantes. Un orc, devina Nahir. Il n'était jamais sorti du désert jusqu'à maintenant et n'en avait donc jamais vu mais Shisho lui en avait longuement parlé. Le jeune Nahir avait toujours été curieux de nature et son maitre, heureux de satisfaire la soif de connaissance de celui qu'il considérait comme un fils, avait entreprit de lui décrire le royaume de Kaerden dans les moindres détails. Dans sa jeunesse, Shisho avait beaucoup voyagé et rencontré un grand nombre de populations aux pratiques aussi étranges que leurs physiques. Les orcs étaient très communs en Kaerden et, bien qu'ils préfèrent rester en clans, il n'était pas rare de voir l'un de leurs membres au milieu des humains, lui avait-il expliqué. Dans les récits de son maitre, les orcs n'avaient d'humain que les traits. Leur peau était rouge ocre, des crocs dépassaient de leur mâchoire inférieure et leurs cheveux étaient tressés d'os et de métal. Les plus grands d'entre eux pouvaient mesurer plus de trois mètres et possédaient un corps aussi massif que musclé.

Nahir était perplexe. L'orc qui se trouvait devant lui ne correspondait pas vraiment à la description qu'on lui en avait fait. Il était grand certes ­­– il devait dépasser Nahir d'une bonne tête – mais pas autant que le jeune homme avait imaginé. Son teint était rougeâtre, presque rosé et ses crocs étaient minuscules, invisibles lorsqu'il ne souriait pas. C'était comme une pâle copie de ce que Shisho lui avait décrit.

- Pardon l'ami, s'exclama la créature à Nahir. Il semble que j'ai mal jugé la distance qui nous séparait. Tu peux blâmer l'hydromel pour cela ! Où est-il d'ailleurs ce traitre ? dit-il tout en regardant autour de lui à la recherche de sa bouteille qui avait roulée quelques mètres plus loin durant sa chute.

L'orc fit un semblant de tentative pour se relever avant de reperdre l'équilibre et de retomber lourdement au sol. Cela sembla beaucoup l'amuser car il repartit dans un grand rire.

Quelques jeunes filles tentèrent tant bien que mal de l'aider à se relever mais l'orc, toujours hilare, ne semblait que peu intéressé par leurs efforts et essayait, sans grand succès de les attirer à lui. Son rire tonitruant résonnait dans toute la pièce et faisait trembler les murs.

Nahir ne pouvait détacher ses yeux de la créature. Il était à la fois fasciné et dégouté par ce qu'il voyait. Fasciné car il voyait pour la première fois l'un de ces êtres qu'il avait tant imaginés étant enfant et dégouté par le comportement de celui-ci. Il représentait tout ce contre quoi on avait toujours mis Nahir en garde : l'ivresse, la luxure, l'exubérance...

- C'est Ahmog, lui dit l'adolescente aux rubis qui s'était avancé à ses côtés et regardait la scène d'un air indifférent. Il vient ici toutes les semaines et d'aussi loin que je me souvienne, il finit toujours dans cet état-là.

- Et personne ne fait rien ?

- Oh nous avons l'habitude de ce genre de comportement. Et puis, il n'est pas bien méchant. Il nous traite toujours avec plus de respect que la plupart des gentilshommes qui entrent ici et il n'est pas désagréable à observer, ajoute-t-elle en rougissant légèrement.

L'ombre du désertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant