Chapitre 4 : Le démon

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Le jeune homme était endormi paisiblement lorsque le cri retentit dans la nuit. C'était le cri le plus atroce qu'il n'ait jamais entendu. Comme si tous les sons les plus désagréables de ce monde avaient été réunis en un seul endroit.

Il bondit de surprise. L'écho du cri disparaissait déjà mais il savait qu'il ne l'avait pas rêvé. Son corps entier était parcouru de frissons qui n'étaient pas dus au froid du désert nocturne.

Il jeta un coup d'œil à ses côtés et découvrit la couche voisine vide. Mu par un mauvais pressentiment, il s'empressa de sortir de la tente et déboula dans l'obscurité de la nuit. Seul le feu de camp mourant éclairait faiblement les ténèbres alentours.

C'est là qu'il la vit.

La chose était à peine à quelques pas, si sombre qu'elle se confondait avec les ombres. Elle semblait recroqueviller sur elle-même, comme en souffrance. De multiples pattes visqueuses vibraient sous son corps gélatineux. Une odeur d'œuf pourri, de viande faisandée et d'excréments se dégageait de la masse informe. Une odeur de mort, pensa le jeune homme. Sur son dos, des centaines de billes de verre noir de toutes tailles renvoyaient les reflets inquiétant du feu sur le désert environnant et un bourdonnement émanait de ses membres tremblotants.

Le garçon observait la chose sans comprendre lorsqu'au loin, derrière celle-ci, il aperçut un vieil homme courir dans leur direction, de longs cheveux blancs volant dans son sillage. Il ne mit pas longtemps à les rejoindre. C'est là que le jeune homme compris son erreur. Ce qu'il avait pris pour des billes de verre étaient en fait des yeux. Tous se tournèrent d'un seul mouvement vers le vieil homme. Ils étaient si nombreux que ce simple mouvement suffit à faire pivoter le corps entier de la créature. Quand elle se releva, c'était comme si elle avait triplé de volume. Elle mesurait à présent la taille d'une maison et surplombait les deux hommes de toute sa hauteur.

Au-delà de son odeur répugnante, la chose maintenant réveillée, dégageait à présent tout autre chose. Tout son être semblait inspirer la terreur. Si la peur avait un corps, ce ne pouvait être que celui-ci.

- Nahir, sauve-toi ! lui lança Shisho en bondissant sur le dos de la chose, son long poignard d'obsidienne à la main.

La lueur du feu se refléta un instant sur la lame noire qui trancha l'air en silence.

Nahir était tétanisé. Il n'avait jamais vu une telle atrocité et ne pouvait se détourner de ce qu'il voyait. L'injonction de son maitre résonnait à ses oreilles sans parvenir à percer le brouillard qui entourait son cerveau. Il se tenait là, immobile, sans qu'aucune pensée rationnelle ne vienne le sortir de sa torpeur.

La créature esquiva agilement l'attaque de son maitre avant de rétorquer à grands coups. Maintenant qu'elle n'était plus roulée en boule, Nahir pouvait apercevoir la longueur absurde de ses multitudes de pattes qui semblaient infinies. Certaines se terminaient par des griffes aussi acérées qu'une lame, d'autres par des dards ruisselants de venin, d'autres encore par des masses semblables à des marteaux tandis que les dernières ondulaient comme des tentacules en balayant tout sur leur passage. C'était étonnant qu'une telle masse puisse bouger aussi rapidement. Car rapide, oui elle l'était. Shisho attaquait sans cesse mais aucunes de ses tentatives ne parvenait à atteindre le monstre. Elle repoussait ses assauts avec une facilité déconcertante. Parfois, elle disparaissait dans la nuit, se fondant dans l'obscurité pour ressurgir aussitôt là où on ne l'attendait pas, à l'opposé même de là où elle se trouvait quelques secondes plus tôt. Comment faisait-elle ça ? Nahir connaissait le pouvoir des ombres mais il n'avait jamais assisté à ce genre de manifestation.

Pendant ce temps-là, Shisho était en peine. Le vieil homme, bien qu'un guerrier redoutable, commençait à fatiguer. De grosses gouttes de sueur perlaient sur son front, plaquant des mèches de ses cheveux blancs sur son visage rougit par l'effort. La chose, quant à elle, ne montrait aucun signe de fatigue. Virevoltant autour du campement, elle semblait jouer avec l'homme, attendant le moment fatidique où son adversaire n'aurait plus la force de se défendre. Ce qui ne tarda pas à arriver.

L'ombre du désertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant