Chapitre 5 : Vermeil Vermel

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Nahir se réveilla en sursaut. C'était le quatrième jour d'affilé qu'il rêvait de cette scène et, comme à chaque fois, il se réveillait avec un sentiment confus de désespoir et de haine. La nausée était également au rendez-vous, donnant une seconde utilité au pot de chambre qui se remplit des restes de ragout pas encore été digéré de la veille.

Il était si fatigué qu'il s'était endormi dans la baignoire et l'eau éclaboussa abondamment le sol de la chambre lorsqu'il se précipita pour rejeter son diner. Son rêve l'avait laissé tremblant et il avait l'impression d'être plus exténué encore que lorsqu'il avait fermé les yeux. Jetant un œil par la fenêtre, il aperçut une ligne d'horizon rougeâtre, synonyme que l'aube était enfin arrivée. Jugeant qu'il était maintenant dans son bon droit d'aller parler à l'orc, il se rhabilla rapidement et sorti de l'auberge.

Les rues étaient vides et silencieuses hormis un léger vent frais qui faisait grincer les enseignes sur leurs tringles de fer. Le souffle s'engouffrait dans les ruelles, provoquant un cornement sourd qui résonnait entre les maisons tel un orgue invisible. Nahir profita de ce moment de solitude pour admirer la ville sous la lueur naissante du matin. Il n'avait pas eu l'occasion de beaucoup l'observer la veille et il ne put s'empêcher de regarder tout ce qui l'entourait. Aarys n'était pas grande mais la ville tendait à se développer et à s'étendre sur les vastes terres qui l'entourait, comme le montrait l'arrivé d'un bordel luxueux entre ses murs. Ces derniers étaient en ruine pour la plupart, devenus depuis longtemps obsolètes durant cette ère de paix. Seules les deux arcades au nord et au sud avaient été préservées, bien qu'elles étaient maintenant devenues inutiles, délestée de leurs lourdes portes de bois, souvenirs de temps plus sombres où la vie pouvait vous être retirée aussi facilement qu'elle vous avait été donnée. Au cœur du village, les maisons étaient vieilles, délabrées, parfois tellement recouvertes de fissures qu'elles semblaient tenir debout par miracle. Mais plus on s'éloignait du centre, plus les maisons étaient larges et bien entretenues, appartenant sans doute à de riches villageois qui venaient s'installer dans cette bourgade en pleine essor.

Nahir se dirigeait vers la partie la plus vieille de la ville, la caserne étant aussi ancienne que les murailles elles-mêmes. Lorsqu'il arriva, il y trouva le jeune lieutenant en grande discussion avec un vieil homme décrépi.

- Pour la dernière fois Ugau, lui disait-il en masquant tant bien que mal son impatience, non, je n'ai pas retrouvé ton médaillon. Ce ne sont pas les objets trouvés ici.

D'une voix rauque, le vieux baragouina quelques mots que Nahir ne compris pas. Le lieutenant Slyth cependant, semblait habitué aux caprices du bonhomme et acquiesça.

- Je le sais bien mais je ne peux pas avoir des yeux partout dans cette ville. Si tu as perdu quelque chose de valeur, il y a peu de chance que tu le retrouve. Fais-toi une raison.

Il n'eut pour seul réponse qu'un raclement de gorge ignoble et une énorme glaire jaunâtre alla s'écraser à ses pieds. Le jeune homme regarda avec dégout le vieillard s'éloigner en bougonnant, agrémentant ses grognements de quelques bruits de langue peu ragoutants. Il aperçut Nahir qui arrivait et sa moue écœurée se transforma en un sourire insolent qui s'épanouit sur ses lèvres pâles.

- L'étranger ! Je ne vous attendais pas aussi tôt ! Le jour est à peine levé, dit-il en observant le ciel dans lequel les dernières étoiles disparaissaient. Vous devez vraiment tenir à voir cet orc.

- J'ai respecté vos ordres, j'ai attendu le lendemain. A vous de respecter vos mots maintenant.

Les sourcils du lieutenant se froncèrent face à ses paroles – il n'appréciait pas qu'on lui dise quoi faire – mais son sourire repris de sa superbe lorsqu'il annonça :

L'ombre du désertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant