CHAPITRE 4

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♫ Ni Rancœur Ni Colère – Suarez ♫

Charlotte

Avec maman, nous n'avons jamais pu profiter pleinement des petites joies de la vie, pas uniquement par manque de moyen, mais aussi par manque de temps. Combiner deux emplois de serveuse, et un d'aide-ménagère, n'était pas vraiment en adéquation avec les longues balades dans les bois, et autres shopping en famille. Le shopping, c'était avec Clothilde et sa maman que je le faisais. Elles m'entrainaient avec elles dans leurs moindres virées entre filles.

Il y a longtemps que je n'étais plus allée chez les Leroy. Bien que ces gens ne m'aient jamais jugée, eux et moi ne venons pas du même monde. Pendant que Béatrice, la maman de Clothilde, n'a jamais eu besoin de travailler et avait une personne cinq heures par semaine pour l'aider dans le nettoyage de la maison, ma mère se tuait à la tâche en ayant trois boulots différents. Quant à Jacques Leroy, éminent architecte bruxellois, mon père avait tout à lui envier. Y compris son compte en banque. Surtout son compte en banque. Je passe également la description de nos différents lieux de vie. Un appartement HLM au pied duquel des poubelles brûlaient tous les deux jours, contre une superbe maison dans un des plus beaux quartiers de la capitale. Nous ne faisions pas le poids. Et pourtant, aucune de nous deux n'a jamais fait de différence. Nous sommes qui nous sommes. Simplement nous.

Lorsque Clothilde ouvre la lourde porte en bois donnant sur un hall d'entrée de style contemporain. Encore une différence entre cette famille et la mienne. Chez ma mère, tout venait d'un dépôt vente, ici, tout est minutieusement choisi par un designer. Le lustre en cristal se reflète dans les deux miroirs qui couvrent les murs, ce qui donne une impression de clarté à la pièce, pourtant pas très grande.

Ma meilleure amie dépose ses clés sur la console, et traverse l'immense pièce à vivre pour rejoindre la cuisine. Je la suis d'un pas lent, m'amusant à deviner les différences de décoration. Je m'éclate à ça depuis que Béatrice a eu sa phase asiatique. Jacques refusait de changer le mobilier une énième fois sur l'année, alors elle a disposé des éléments par petites touches dans le living. Elle a apparemment gardé cette petite manie, car j'aperçois assez rapidement un vase art déco disposé sur la grande table pouvant accueillir dix personnes.

En passant devant la baie vitrée menant à la véranda, je remarque une silhouette masculine appuyée contre une des poutres du patio. Je le reconnais aussitôt : Thomas. Il a les mains dans les poches dans son pantalon de toile, et le tissus tiré sur son postérieur me donne une vision approximative du temps qu'il passe à la salle de sport. Pour avoir un fessier pareil, et des épaules aussi divinement musclées, je mise sur un bon huit heures par semaine.

Perdue dans ma contemplation, je ne remarque pas ma meilleure amie qui me tend une tasse de thé.

— Grillée ! rigole-t-elle

— Absolument pas, dis-je faussement outrée. Je remarque juste que le jardinier de tes parents fait un travail admirable, les roses sont super bien taillées.

— Ce sont des hibiscus.

— Oh, tu sais ... Moi et les variétés de fleurs ...

Clothilde n'est pas dupe, elle me connait mieux que personne. Elle n'a jamais cru à la pseudo guérison – un peu trop rapide – de mon cœur, lorsque son frère est parti. J'ai tenté de garder la face, et par pure amitié elle ne m'a jamais sorti le traditionnel "Je te l'avais dit. Mon frère est un con, blablabla", non, elle a eu la décence de me laisser dans ma peine. Trois mois plus tard, je n'avais plus le temps de penser à Thomas, il fallait que je songe d'avantage à ce tout petit être qui grandissait en moi.

Foutu Menteur ! [SOUS CONTRAT D'ÉDITION ADDICTIVES]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant