CHAPITRE 5

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♫ Comme – Saule ♫

Thomas

Espèce de peste ! Je n'en reviens pas, elle a réussi à me faire douter d'une paternité, et en plus de ma virilité ! Précoce ? Moi ? Non mais sérieusement ! Elle ne perd rien pour attendre ! Elle veut jouer, mais elle ne sait pas encore qu'à ce jeu-là, elle va perdre en beauté !

Après trente minutes de solitude bien méritées, je descends au salon. Ma mère est en train de lire un magazine de décoration, tandis que mon père feuillette Le Monde tout en buvant un expresso.

Les vieilles habitudes ont la vie dure.

Et en parlant d'habitude, je compte bien sur la meilleure de Bruxelles pour me changer les idées. Alors je me saisis de mes bagages laissés dans l'entrée, puis embrasse ma mère qui me supplie pour que je loge chez eux.

— Maman, j'ai une chambre à l'hôtel, mais je te promets que je passerai te voir avant de partir.

Elle me prend dans ses bras, m'obligeant à me baisser, et m'offre la meilleure accolade que la terre ait portée. J'ai beau me la jouer, endosser des rôles, me taper les plus belles filles de la planète, rien de dépasse les câlins de ma mère.

Je jette un regard sur mon père, toujours installé dans son fauteuil club en suédine dont les accoudoirs sont élimés, mais il ne lève pas les yeux de son précieux journal. J'ai mal au cœur, je sais que j'ai agi comme le pire des crétins en ne me rendant pas à l'enterrement de mamie Suzanne. Mais il faut aussi dire que elle et moi, c'était assez électrique. Elle m'a toujours fait sentir que ma passion n'était pas la bienvenue dans sa précieuse lignée de "fils de". Que je n'avais pas la carrure pour faire partie de la famille Leroy, d'ailleurs, elle l'a bien souligné dans son testament, lorsqu'elle a légué la maison provençale à mon frère, les écuries à ma sœur, et la société à mon père. Quant à moi, j'ai hérité d'un minuscule appartement, où même des rats ne voudraient pas élire domicile ! "Et crois-moi, petit con, c'est uniquement parce que je ne peux légalement pas te déshériter", était noté juste sous la mention de mon nom sur le papier que le notaire m'a fait parvenir.

— Il a encore besoin de temps, mon chéri, lâche soudain ma mère en suivant mon regard. C'est encore trop tôt pour lui.

Je ne réponds rien, et l'embrasse à nouveau sur le front, avant de rejoindre mon taxi. J'ai déjà trop perdu de temps. Le mariage de Serena et Scott est dans trois semaines, et je compte bien m'y pointer au bras de Charlotte. Il ne me reste plus qu'à la convaincre.

***

La nuit commence à tomber sur Bruxelles et le quartier Sablon est divinement éclairé. Je m'arrête un instant au pied de la statue Jacques Brel et admire la devanture de la galerie de mon frère qu'il a modestement appelée "Leroy Art Galery". Les initiales sont entremêlées les unes aux autres dans des espèces d'arabesques. C'est totalement illisible, mais c'est artistique. Au bout de quelques minutes, je me décide à passer la porte, et un petit carillon aux sonorités graves retentit dans l'espace presque vide. Seules quelques toiles recouvrent les murs d'un blanc immaculé, et une œuvre de Wim Delvoye trône fièrement, sur son socle, au centre de la pièce. Le moins que l'on puisse dire, c'est que mon frangin sait marier les genres, car ici le contemporain côtoie le classicisme des tableaux de Maitre. Je reste sans voix face au cochon naturalisé et presque entièrement tatoué, quand Louis fait son apparition dans un costume trois pièces dont les couleurs sont une injure à mes rétines.

— Thomas ! fait-il en se dirigeant vers moi les bras grands ouverts.

Louis est de cinq ans mon ainé, c'est aussi un parfait dandy qui aurait dû vivre à Londres à la fin du dix-neuvième siècle, tant par son allure que par sa manière de penser. Il a toujours une montre à gousset dans la poche droite de son veston, et ne sort jamais sans son chapeau. J'ai toujours aimé penser que c'était lui la véritable attraction de ses galeries.

Foutu Menteur ! [SOUS CONTRAT D'ÉDITION ADDICTIVES]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant