1. "Tu comptes répondre ?"

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"Tout est une question de volonté"

Paris
22 septembre 2015

- J'te dis, le gars il l'a palpé tranquille dans le métro devant tout le monde.

- Attend mais elle a pas réagit ?

- Non, la pauvre elle était toute frêle en panique, j'pouvais quand même pas la laisser gérer seule ce chien de la casse. Du coup j'me suis approchée, en mode pétasse en chaleur, le gars il a vite zieuté vers moi et mon décolleté au préalable bien descendu, t'inquiète pas que ce pervers il l'a vu... Bref, je m'approche et tout, je lui parle, j'me mets entre la meuf et lui, et quand je vois qu'elle s'écarte enfin, je lui fous un énorme coup de genou dans ses roubignolles et j'enchaîne avec un coup de poing dans son nez, telle la femme que je suis. Puis j'me casse en courant en choppant la précédente victime avec moi au cas où.

- Mais t'es malade mentale Anya, je pouffais discrètement dans ma main, cette fille est folle.

- Quoi ? Tu l'aurais laissé dans ses vieilles pattes dégueu' ? Il allait pas que jouer aux cartes avec elle, et vu son manque de réaction, j'ose même pas imaginer ce qui lui serait arrivée, au fur et à mesure qu'elle parlait, ses sourcils se fronçaient, signe qu'elle était vraiment touchée par la situation.

- J'ai jamais dit le contraire, t'as bien fait de la sortir de là, mais imagine il est plus vivace que ce que tu l'imaginais et il te rattrapait, il t'aurait fait morflé, et tu y serais passée, comme l'autre. C'est dangereux.

- De tout de façon tout est dangereux, tu connais les bails.

- Mmh...C'est bien le problème...

Et c'est ainsi que je reste perplexe dans mon coin de canapé, à déguster mon café, et probablement le dernier pour un petit moment tant mes placards sont vides.
Anya a milles fois raisons, mais je peux pas m'empêcher de m'inquiéter pour elle quand elle joue le ninja dans les métros, surtout à Paris. Parfois j'ai l'impression qu'elle ne voit jamais le danger, en un sens elle a raison, il faut pas se laisser dominer par les dires de la société, mais bon c'est plus facile à dire qu'à faire.

- Mcdo ce soir ? Je relève ma tête vers elle, toute joyeuse, et la connaissant elle voit déjà des nuggets défiler devant elle.

- Si j'ai mes virements aujourd'hui oui, mais là, ça va être chaud.

- Vas-y j'te le paye !

- Non c'est bon, t'inquiète, j'en ai même pas envie, je mangerai des pâtes.

- Fait pas ta diva, j'te le paye c'est tout.

Et j'ai pas besoin de négocier, je sais déjà d'avance qu'elle aura le dernier mot, bien que ça me gêne un peu. En temps normal je peux me payer ce que je veux, mais j'ai mal géré mon budget, du coup je me retrouve aussi pauvre que jamais. Enfin normalement ça ne devrait pas trop tarder, la boîte pour qui j'ai taffé ces derniers mois, et qui m'a gentiment viré il y a peu, est censée me virer de l'argent pour le dernier projet que je leur ai tourné et monté. Mais bon c'est les risques du métier quand on veut bosser dans cette branche. Un jour ça sera stable, mais il va me falloir du temps et à ce rythme là, ça va être beaucoup de temps... J'avoue que si je pouvais dépasser le SMIC par mois, je serai déjà plus à l'aise. En attendant, c'qu'on me donne c'est pas négligeable, alors je prends, en espérant passer ce stade un jour.

- Et avec Idriss, ça se passe comment ? Lorsque j'évoque le prénom de cet énergumène un léger sourire se forme sur ses lèvres.

- Bah la routine, comme d'hab', on est toujours ensemble !

- Comment ça "la routine" ? Donne des détails, j'veux du croustillant, mes yeux s'ouvrent en grand prête à emmagasiner un tas d'infos.

- Toi le célibat te monte au cerveau, j'te dis que tout va bien, y s'est juste rien passé de ouf qui pourrait surpasser tout ce que j't'ai déjà raconté. Elle rigole toute seule. Tu veux boire pour noyer ton manque d'affection ?

Bouffonne.

- Tsss, ta gueule, je demandais juste des nouvelles, pas des excuses pour finir minable avec toi.

- Désolée, j'me faisais juste du mal à nous imaginer boire, ses yeux observaient distraitement le plafond, d'un air rêveur. Mais j'essaye de m'calmer, Idriss aime pas quand j'bois trop, mais toi profite de ton célibat !

Je ne dis rien, un peu perplexe face à sa dernière phrase, et surtout piquée intérieurement en me rappelant que je traîne encore une fois dans le célibat. Mais bon, je ne devrais pas, elle et Idriss sont vraiment mignons et fous amoureux l'un de l'autre, tant mieux, je suis contente pour elle. Ça doit bien faire deux ans qu'ils sont ensembles, et franchement j'y croyais moyen, Anya n'a jamais réussi à aller aussi loin en terme de couple. Je pense vraiment qu'ils vont faire un bon bout de chemin ensemble ces deux là.

- Eh oh ! Les doigts de la russe claquent devant mes yeux, me faisant sursauter. Toi t'étais partie loin, mais faut revenir sur Terre, y a ton bigo qui sonne là.

- Hein ? C'est qui ?

- Euh... y a écrit Mess, un gros smile se forme sur ses lèvres. Il date lui aussi. Je ne dis rien mais intérieurement, mon côté niais refait surface en remarquant le sourire d'Anya en prononçant le nom de mon pote. J'suis pratiquement sûre qu'elle pense à la même chose que moi, mais je fais mine de rien, sachant pertinemment qu'elle veut plus entendre parler de cette histoire. Alors je chasse très vite ce souvenir de ma tête.

- Mess ? Mais qu'est-ce qu'il me veut ?

Ça fait super longtemps que je l'ai pas vu lui d'ailleurs, on était dans la même école d'audiovisuel, c'était un bon pote à l'époque, on était fusionnel, et on avait les mêmes idées. On a vécu pas mal de truc ensemble, mais entre temps on s'est un peu éloigné... Il a préféré bouger un peu dans toute la France pour une boîte, et puis dernièrement je crois qu'il a re-emménagé dans son ancien bled pour revoir sa famille et pour de nouveaux projets avec ses potes. On s'est pas trop vu entre temps, me laissant l'impression qu'il m'évitait du jour au lendemain, pour autant on a toujours gardé contact, on se parle assez souvent au téléphone. Mais ces dernières semaines, j'avoue qu'on était tous les deux débordés par nos travaux respectifs. Et puis c'est bizarre, il m'appelle jamais, en général il envoie des messages.

- Tu comptes répondre ? Parce que là c'est trop tard.

Ouais c'est vraiment bizarre.

- J'le rappelle.

LIGNE VERTEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant