Chapitre 5: Le fils du comte

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Peu de temps après, "Isabelle" et Victor se sont fiancés. Elle demanda à Victor de l'appeler Ophélia, il accepta sans comprendre le véritable sens de ses paroles. Elle qui avait du mal avec le nom de cette vie se sentait maintenant parfaitement elle-même en sa présence. Isabelle n'était plus qu'un banal nom figurant sur les papiers administratifs. Leur amour était simple, mais aucun n'était plus sincère.

Malheureusement, l'illusion ne dura pas. Ophélia retrouva de la lucidité et se souvint avec tristesse qu'elle était immortelle. Pourtant elle savait qu'elle ne pourrait plus vivre sans lui. Bien sûr, puisqu'elle détenait le pouvoir de la vie, elle pourrait le rendre immortel. Mais n'est-ce pas égoïste ? Est ce qu'il le voudrait ? Même en ayant l'espoir qu'il reste lui-même, il perdrait sa liberté, c'est inévitable. Si sa vie ne dépendait plus que d'elle, il ne pourrait plus la quitter aussi librement. Une dépendance qui ferait perdre de la sincérité à la relation. Si deux membres d'une telle relation ne se considèrent plus comme égaux, il faut y mettre fin : elle ne peut être que toxique. Cette courte période fit perdre tout optimisme à Ophélia : profiter de cette vie pour finir par passer l'éternité seule ? Quelle tristesse !

La solution lui apparut plus tard. S'il ne pouvait devenir un être éternel, pourquoi ne pas abandonner sa condition d'esprit pour devenir entièrement humaine ? Elle est actuellement aussi bien une humaine qu'elle est un esprit.

Mais comment devenir humaine ? Ce n'est jamais arrivé à aucun esprit. À chaque pleine lune, l'énergie spirituelle qui réside dans son cœur croît de manière exponentielle, e lui faisant ainsi retrouver son apparence spirituelle. Un corps humain ne peut être le réceptacle d'une telle énergie.

Ophélia eut l'idée d'ériger une barrière immatérielle autour de son cœur afin d'enfermer cette puissante énergie et l'empêcher de se déverser dans son corps. Quand elle sera close, il suffira de la renforcer pour empêcher cette énergie d'avoir un quelconque lien avec le monde extérieur. Alors, même la lune n'aura plus d'influence sur elle, Ophélia pourrait ainsi être semblable à s'y méprendre à un humain ; et la flamme spirituelle, faute d'énergie pourrait bien finir par s'éteindre, mettant fin à la vie éternelle qu'elle était condamnée à vivre.

Être humaine, ni plus ni moins. Elle s'employa activement à l'élaboration de sa barrière par d'intenses séances de méditations pendant lesquelles sa concentration était inébranlable. Sa vie n'étant plus éternelle pris une valeur incommensurable à ses yeux. Elle profitait de chaque instant sans en perdre une miette. Son bonheur ne pouvait être plus grand.

Un jour alors qu'elle se baladait avec Victor, celui-ci s'avança vers un pauvre garçon assis sur le sol :

- Dis-moi petit, tu vas bien ?

Le garçon fut surpris, puis à la fois effrayé et apeuré. Ophélia admirait déjà l'attention que portait Victor à ceux qui l'entourait, et fût surprise de constater la détresse qui émanait de cet enfant. Pourtant, avant qu'il ne l'interpelle, le désarroi de l'enfant était parfaitement imperceptible. Comment s'en est-il rendu compte ? L'enfant eu peur et s'enfui, Victor sur les talons.

Ce n'est que dans une ruelle à l'écart qu'ils purent enfin le rattraper et l'interroger. Ils se rendirent très vite compte que l'enfant avait l'habitude de faire les poches des passants pour pouvoir manger et qu'un jour, sans s'en rendre compte, il avait dérobé le sceau royal. Un crime passible de la peine de mort. L'avait-il repris à un malfrat ou était-ce un important membre du gouvernement ? On ne le saura jamais. Mais en tout cas, acquérir un tel objet n'était pour lui qu'une source de malheur : s'il ne pouvait le remettre aux autorités de peur d'être condamné, et il ne pouvait pas non plus s'en débarrasser de peur qu'il ne tombe entre des mauvaises mains.

Après avoir entendu son récit, Victor leva la main et lui caressa la tête. L'enfant eu un geste de recul, pensant qu'il allait se faire battre. Victor le compris et tenta de le rassurer :

- Ne t'inquiète pas. Peu importe ce que les autres peuvent dire ou penser, pour un enfant affamé, voler pour survivre ne constitue pas un crime. Tu as raison d'accorder de l'importance à ta vie, le contraire serai bien triste venant d'un innocent.

Une fois l'enfant en sécurité, il fût décidé de remettre le sceau discrètement à son propriétaire.

- Mais comment comptes-tu t'y prendre ? questionna-t-elle.

- Il y a un bal dans un mois et demi au palais.

- Super, on n'est pas plus avancé !

- Je vais peut-être vous surprendre Mademoiselle, mais figurez-vous que je suis le fils aîné du comte et par conséquent, j'y suis invité.

-Quoi ?!? Mais pourquoi tu ne me l'as jamais dit ? Et pourquoi tu te balades comme ça dans la rue ?

- Ben à la base je voulais voir comment vivent les habitants. Je pense que quand on est appelé à gérer un domaine, c'est important de savoir comment les gens vivent pour comprendre ce dont ils ont vraiment besoin ; afin que mes actions futures puissent profiter au plus grand nombre sans distinction. Pour être bref, voulais voir et comprendre les gens. C'est là que je t'ai rencontré. Tu avais l'air triste et tu étais la seule que je n'avais jamais vu sourire. Tout le monde à part toi avais l'air heureux et satisfait de sa vie. Je voulais comprendre pourquoi, voir si je pouvais faire quelque chose, savoir si d'autres pouvaient comme toi sans le montrer. C'était très important à mes yeux. Et petit à petit j'ai appris à te connaître et je suis tombé amoureux. Mais je n'avais pas prévu que ça arriverait pendant que je cachais mes racines et je n'osais pas t'en parler. Je n'avais pas trouvé d'occasion de le faire.

- Il était temps ! dit-elle à moitié contrarié à moitié amusée.

- Mais ce sera l'occasion de te présenter à tous officiellement en tant que ma fiancée, répliqua-il avec un sourire gêné. Mais tu sais, si tu acceptes de devenir la comtesse, ton quotidien ne changera pas tant que ça, comte ce n'est pas de la haute noblesse. Alors accepterais-tu d'être ma cavalière lors de ce bal dans un mois ?

Incliné, la main tendue vers elle comme pour l'inviter à danser, il avait l'air si stressé qu'Ophélia ne put se retenir de rire avant de glisser sa main dans la sienne.

- J'accepte avec une joie immense !

Puis elle ajouta avec un grand sourire, dans un chuchotement à peine perceptible :

- Tu sais, devenir comtesse est loin d'être un problème. 

En effet, cette révélation ne changea en rien l'image qu'elle avait de lui. Le seul soucis aurait été de se sentir trahie par un secret aux allures de mensonge, mais elle en comprenait parfaitement les circonstances. A ses yeux, les inquiétudes de Victor n'avaient pas lieu d'être.

La jeune fille sous la luneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant